Pendant que la Commission Gomery continue ses travaux sur les dérives de l'État canadien, un scandale semble avoir été complètement oublié de l'opinion publique: celui du registre des armes à feu (C-68). Pour ceux qui l'ignorent, il s'agit de cet énorme monstre bureaucratique qui a déjà avalé à lui seul plus de 2 milliards de dollars de nos impôts en plus d'être totalement inefficace pour lutter contre la criminalité. La vérificatrice générale Sheila Fraser parle du pire gouffre financier qu'elle ait vu de toute sa carrière.
Le problème est, que la coalition contre les armes continue aveuglément d'en faire la promotion refusant de reconnaître cette véritable fraude. Une fraude qui n'est pas uniquement basée sur des dérives administratives, mais également sur des protocoles de vérification qui briment les droits individuels de citoyens honnêtes qui sont désormais traités comme de vulgaires voyous. Pendant ce temps, peu de personnes dans nos médias osent prendre la parole pour dénoncer cette véritable injustice. Pourquoi le faire? Vous répondront certains intervenants. Il s'agit tout même de propriétaires d'arme à feu, des gens différents, irresponsables voire très dangereux! Au fait, je vous ai dit que les criminels, eux, étaient morts de rire? Bien sûr, je parles de tous ces motards ou membres d'un gangs de rue qui n'hésitent pas un seul instant à utiliser une arme enregistrée pour commettre un crime.
Deux millions de dollars, c'était le prix fixé pour ce registre tel que présenté par le ministre de la Justice Allan Rock aux Communes en 1995. Poussé par le lobby créer au lendemain de la tragédie de Polytechnique, l'objectif était colossal: faire enregistrer toutes les armes à feu en circulation au Canada. Une façon apparemment intelligence et innovatrice de contrer la violence partout au pays. Pourtant, les armes de poing doivent être enregistrées depuis 1934 et le permis est obligatoire depuis 1977. Malgré toutes ces mesures, cela n'a jamais empêché des individus de sombrer dans la violence et de s'attaquer à des innocents. Seulement, il semble que nos fonctionnaires, beaucoup trop occupés à se faire du capital politique, aient négligé ce petit détail.
Au moment de l'adoption de C-68, des centaines de milliers de propriétaires d'armes à feu, sans casier judiciaire, deviennent aux yeux de l'État des criminels potentiels passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. Dès 1997, le registre connaît ses premiers revers étant déjà complètement paralysé. La procédure pour s'enregistrer est longue, contenant une dizaine de formulaires, et le système informatique confié à la firme EDS ne cesse de cumuler les fausses informations. De nombreux propriétaires sont forcés de refaire de nouvelles demandes, quand ils ne se font pas dire carrément qu'ils n'ont jamais été inscrits dans le registre. Pour améliorer ce réseau, il faudra débourser plus de 227 millions $ et procéder à de multiples remboursements puisque le permis qui était de 60$ devient… gratuit. Malheureusement, rien ne fonctionne et EDS se voit retirer le contrat qui est confié aux firmes GCI et BDP. Il faut tout recommencer à zéro et la nouvelle facture s'élève à plus de 300 millions $. À la fin de l'exercice, il en coûtera plus de 725 millions $ et le système ne sera toujours pas opérationnel.
Pendant ce temps, un vent de protestation balaie les provinces canadiennes où l'on s'interroge sur la validité de la loi. L'Alberta traîne Ottawa devant la Cour suprême. Une bataille imprévue, longue et coûteuse qui se termine par une victoire du fédéral qui devra gérer entièrement le registre. Seuls le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard s'engagent à poursuivre en justice tout individu qui refuse de faire enregistrer ses armes. Une situation qui remet totalement en question la légitimité du registre. Inacceptable, frustrant dites-vous? Mais ce n'est pas tout.
À ceux qui s'inquiètent de l'envahissement de l'État dans la vie privée des individus, C-68 en est un bel exemple puisqu'elle viole la Charte des droits et libertés. Elle oblige tous les propriétaires d'armes à feu à se soumettre à des interrogatoires en règle, fouillant le moindre recoin de leur vie privée. Des questions portant sur le suicide, la dépression, la toxicomanie, les démêlés avec la police, le divorce, les relations intimes, etc. Une situation inquiétante qui a été dénoncée par le Commissaire à la vie privée dans un rapport du 29 août 2001. De plus, il est obligatoire de signaler tout déménagement et la police a la liberté de mener des perquisitions sans mandat. Même un criminel endurci n'a pas le droit à un tel traitement puisque notre société lui déroule le tapis rouge.
Le fiasco de la loi C-68 ne peut plus rester dans l'ombre, et il faut forcer le gouvernement à le reconnaître. Allons-nous continuer sans dire un mot à faire porter le chapeau à des gens qui n'ont rien à se reprocher, ou allons-nous enfin nous interroger sur les causes réelles de la violence, c'est-à-dire aller à la source du problème?
Mathieu Bréard