Je m'interroge sérieusement sur l'utilité de l'enseignement de la philosophie au niveau collégial. Ce débat n'est pas nouveau et il fera sans doute couler encore beaucoup d'encre, mais je crois qu'il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg lorsque la formation générale obligatoire de nos établissements scolaires est remise en cause.
Ce qui me préoccupe plus particulièrement est le côté «impersonnel» d'une telle formation académique. Des gens qui étudient en administration apprennent des théories freudiennes à la place de cours pratiques sur la gestion de personnel, d'autres qui étudient en rédaction et communication ont des cours de français en surplus et de futurs analystes informaticiens lisent une version abrégée des Misérables au lieu d'apprendre à lire des ouvrages spécifiques à leur métier. Plusieurs disciplines n'ayant aucun lien entre elles ne font donc qu'accentuer le caractère bâclé et médiocre de la formation générale. De plus, les classes sont surchargées, les étudiants démotivés et plusieurs retardent leur entrée à l'université ou sur le marché du travail, faute d'avoir obtenu la note de passage dans un cours de badminton. Et tout le monde sait que le badminton nécessite la pondération inscrite dans le syllabus, soit 1-1-2 (une heure de pratique, une heure de théorie, deux heures de travail à la maison)...
Pourquoi l'État doit-il intervenir dans la formation spécifique des étudiants et étudiantes? Pourquoi doit-il nécessairement y avoir quelque chose de «commun» et de «pareil pour tout le monde»? Pourquoi les cours par correspondance les plus populaires sont-ils ceux de la formation générale commune?
Personnellement, je crois que l'État n'a pas à venir s'immiscer dans les choix étudiants et, surtout, que les étudiants n'ont pas à défrayer les coûts occasionnés par des cours obligatoires. Voyant l'insuccès lamentable des étudiants, le gouvernement a aboli, il y a quelques années, la fameuse «taxe à l'échec», mais il refuse toujours d'admettre son erreur en imposant des cours inutiles et impropres à la formation choisie par les étudiants.
Et si les syndicats venaient crier que cette formation est nécessaire et que l'abolir ferait perdre un nombre considérable d'emplois, je répliquerais tout simplement qu'une réforme pourrait très bien faire les choses, sans occasionner de pertes d'emplois. Quel genre de réforme? Offrir aux étudiants des cours de formation générale sous forme de formation complémentaire en lien avec la profession choisie, comme un cours d'anglais des affaires pour un futur technicien-comptable ou un cours sur les postulats de base de la division du travail pour les techniciens en ingénierie.
Je pense sincèrement que le Québec portera le titre de «nation distincte» le jour où il décidera enfin d'offrir à sa relève la formation académique la plus performante et la plus appliquée à ses besoins. Car après le départ des baby-boomers, Marx, Maupassant et les cours de badminton ne suffiront pas à combler le manque de personnel ainsi que les lacunes de la main-d'oeuvre disponible.
Valérie Jean
Saint-Boniface-de-Shawinigan