En fin de semaine dernière le ministre canadien des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, se faisait asperger de peinture rouge par Yves Engler, représentant de la coalition Haïti Action Montréal. Par ce geste, la coalition voulait signifier au ministre qu'il a du sang sur les mains. Elle considère le gouvernement haïtien corrompu et dénonce l'aide que lui apporte le gouvernement canadien. Ce geste est pour le moins disgracieux, mais qu'en est-il au fond? Le Canada doit-il aider financièrement le gouvernement haïtien si ce dernier est corrompu? De manière générale, un gouvernement doit-il en aider un autre qu'il soit corrompu ou non? L'interventionnisme canadien à l'étranger est-il si différent de celui décrié et pratiqué par le gouvernement américain?
Chacun à leur façon, ces gouvernements prétendent établir une certaine idée du «bien». Qu'une intervention gouvernementale soit militaire, sociale ou autre, elle nécessite d'imposer le contribuable. Les gouvernements taxent et imposent au nom de leur définition du bien. Or, on ne devrait jamais aider autrui en utilisant des moyens coercitifs. Non seulement parce que les résultats obtenus créent souvent des divisions et des problèmes plus graves encore, mais parce que les moyens eux-mêmes sont injustes.
On a beau qualifier l'aide internationale de «solidarité», il n'en demeure pas moins que les contribuables n'ont pas le choix d'y participer. La solidarité, bien définie, est une action volontaire pour aider un ou plusieurs individus. Ce n'est pas en redéfinissant les mots qu'on légitime ses gestes. Au contraire, cela ajoute de la démagogie à la coercition. On tente de transformer la réalité à ses points de vue pour mieux contrôler les gens.
À trop s'attarder à différencier les objectifs d'une intervention, on passe à côté du plus important, à savoir: quels moyens doit-on utiliser pour l'accomplir? Les régimes démocratiques ont relativement peu utilisé la coercition à des fins militaires, mais à toutes autres fins on ne peut en dire autant. On pourrait même avancer, qu'à ce titre, la démocratie est sans pareille. Tuer est plus grave que voler, mais l'un ne peut être justifié par l'autre. On ne trouvera jamais la solidarité et par extension la morale dans les résultats d'une action, mais dans les moyens de l'accomplir.
L'aide internationale à Haïti, comme à tout autre pays, sera d'autant mieux ciblée et efficace qu'elle sera effectuée par des moyens privés et volontaires plutôt que par des moyens coercitifs enrobés de fausse morale.