J'étais tranquillement devant l'écran de mon ordinateur, en train d'aiguiser une machette de «Spetznaz», l'ayant jugée inapte à couper une feuille de magasine dans son épaisseur (test ultime), et m'apprêtais à donner un tranchant rasoir au couteau de nettoyeur de tranchées de la Guerre de 14-18 juste après, lorsque je suis tombé en arrêt, tel un chien de chasse devant une bécasse, sur votre billet concernant la proposition du British Medical Journal de bannir les couteaux de cuisine pointus…
Comme les deux urgentologues de la Perfide Albion qui signent cet éditorial ne mentionnent pas ces engins ni les baïonnettes, je suis encore un peu rassuré quant à la préservation de l'intégrité de ma collection (quoiqu'un abruti, ici en France, a déjà soumis l'idée d'épointer toutes les baïonnettes sur une longueur de deux centimètres pour les rendre moins dangereuses; comme quoi la drogue circule chez nos parlementaires).
Moi qui travaille dans le milieu pénitentiaire, j'ai déjà vu des armes faites avec tout et rien (d'ailleurs chaque prison a son musée de toutes les choses hétéroclites et contondantes qu'on a trouvées dans les cellules). L'arme la plus courante actuellement est la lame de rasoir jetable fixée dans le plastique fondu d'un stylo bic. Assez efficace, j'en ai vu les effets esthétiques sur les joues de certains voyous... La seconde est l'éclat de carreau, miroir ou plexiglas monté sur tout type de support (les moins débrouillards utilisent une fourchette dont ils suppriment les deux dents extérieures). Si les activistes de la santé publique qui veulent nous protéger de tout se rendent compte de ces nouveaux dangers, attendez-vous, dans les prochaines années, à devoir vous raser avec un bagel (en français de France, j'aurais dit «une biscotte», mais le magasin de bagels de la rue Fairmount à Montréal me compte désormais au nombre de ses fans inconditionnels).
J'ai bien apprécié l'humour du billet, mais il ne faudrait quand même pas oublier que tous ces talibans qui nous gouvernent sont capables du pire (du bien, j'en doute) pour nous infantiliser et nous rendre aussi lisses que des galets (ah, tiens, un galet pris en pleine poire, ça fait mal - voilà un autre sujet de préoccupation future pour ces bons à riens).
Bon, pendant que c'est encore possible, j'oins ma pierre à affûter (pierre d'Arkansas en micro-coquillages de type extra fin) et reprends le cours de ma saine activité…
Thierry Grulois
France