Selon une étude récente publiée par l'Institut pour la paix de Stockholm (7 juin 2005), les dépenses étatiques mondiales dans le domaine militaire ont atteint des niveaux record pour l'année 2004. Plus de 1000 milliards de dollars ont été dépensés, dont 47% de cette somme uniquement par les États-Unis. La menace terroriste ainsi que la mise en place de la nouvelle politique stratégique du gouvernement Bush expliquent cette formidable explosion budgétaire. Ces montants, qui font la joie des fonctionnaires du Pentagone, servent à entretenir une bureaucratie vaste et tentaculaire dont les ramifications s'étendent à l'ensemble de la planète.
Pour de nombreux spécialistes qui voyaient l'Amérique se retrancher derrière ses barricades au lendemain de la Guerre froide, le réveil est brutal. Non seulement ce pays est-il toujours aussi interventionniste, mais il se donne des moyens considérables pour mieux violer la souveraineté territoriale des autres, créant ainsi désordre et instabilité. Le bourbier dont nous sommes témoins en Irak en est un exemple frappant. En s'obstinant à vouloir démocratiser le Proche-Orient par la force et imposer leurs valeurs comme des vérités absolues, les États-Unis ne viennent-ils pas d'emprunter un chemin dangereux? D'un point de vu libertarien, cette ingérence d'un État dans les affaires des autres en dehors de toute légitime défense est une atteinte à la liberté, la stabilité et la prospérité.
La guerre est un instrument au service de l'État et ceux qui tirent les ficelles trouvent toujours les moyens d'en renouveler les mécanismes. En 1989, lorsque le Mur de Berlin s'effondre, des millions de personnes fêtent cet événement dans la joie et l'euphorie. Pourtant de l'autre côté de l’Atlantique, dans les coulisses de la Maison Blanche, les proches collaborateurs du président Bush père sont très inquiets. Les sondages démontrent que le citoyen moyen délaisse de plus en plus la politique étrangère pour s'intéresser davantage au budget et à l'économie. La fin de la menace communiste prive l'État américain de son plus fervent adversaire. Un adversaire coriace qui pendant des années permettait sans difficulté de justifier auprès du Congrès d'énormes dépenses dans les infrastructures militaires et les services de renseignements.
Pour rétablir rapidement les choses, on prend la décision de mettre au monde une nouvelle guerre, celle contre la drogue. Grâce à une campagne de sensibilisation bien orchestrée, on réussit à convaincre la population que les milliards de dollars investis dans la défense sont toujours nécessaires, mais cette fois-ci pour lutter contre les narcotrafiquants. Washington se servira de ce prétexte pour continuer ses interventions du Pérou au Pakistan et même sur la scène nationale, restreignant ainsi les libertés individuelles de ses propres citoyens. Pour les autorités, la répression deviendra la nouvelle ligne de conduite, le simple fumeur de marijuana devenant une cible potentielle.
Quelques années plus tard, les événements du 11 septembre 2001 donneront à l'État américain l'adversaire idéal: le terrorisme islamique. Comme il peut être caméléon et frapper à l'improviste, on s'empresse d'amplifier sa menace. Utilisant le pouvoir de la religion, le président Bush diabolise ce nouvel adversaire, le présentant comme l'incarnation du Mal. Suscitant peur et méfiance, il réussit à convaincre le Congrès d'augmenter le budget de la Défense, à créer un ministère de la Sécurité intérieure et à adopter en catastrophe le Patriot Act, dont les dérives seront maintes fois dénoncées par les groupes pour la défense des libertés civiles.
Pour conclure, cette interventionniste militaire que je viens de décrire doit être condamnée et n'a aucun lien avec la philosophie libertarienne. Un retour à une politique plus isolationniste est souhaitable pour mettre un terme à ces folies. Seulement, nous sommes peut-être prisonniers d'un processus où la recherche d'une issue sera de plus en plus difficile. Nous devons garder en tête que la guerre alimente et nourrit la force de l'État, ses partisans, mais surtout son emprise sur les consciences.
Mathieu Bréard
Montréal