Un lecteur, M. Fauteux, nous écrit:
J'ai constaté, en consultant votre site, que les dépenses publiques sont passées de 15 % à 46 % du PIB de 1926 à 1995. Je me demandais si vous aviez les données pour l'année en cours ou sinon, à quel endroit je pourrais les trouver. Merci!
Les données les plus récentes que j'ai trouvées sont celles du ministère canadien des Finances sur cette page, qui comprend des tableaux comparant les comptes nationaux des pays du G-7. Le tableau 54 compare les recettes totales des administrations publiques (c'est-à-dire des administrations fédérale, provinciales, municipales et autres) de 1960 à 2003, alors que le tableau 55 compare les dépenses totales.
Il est intéressant de constater l'évolution des dernières années, autant au Canada que dans les autres pays. La taille de l'État canadien a atteint son maximum en 1992, alors que ses dépenses comptaient pour 53,2% du PIB. Au cours de la décennie qui a suivi, cette proportion a diminué de façon importante pour atteindre 40,1% en 2003, soit une baisse de treize points. Il s'agit certainement d'une bonne nouvelle, puisque cela signifie que l'État prend moins de place, toutes proportions gardées, dans l'économie du pays, et donc dans nos vies. Mais il faut faire attention à ces chiffres et ne pas leur faire dire ce qu'ils ne disent pas, soit que la taille de l'État a été considérablement réduite depuis 1992 et que l'État a été «démantelé» comme le prétendre toutes les groupes de parasites gauchistes.
D'une part, l'État a continué de grossir pendant cette période, mais moins vite que l'économie, qui a connu des taux de croissance élevés depuis une décennie. Les budgets des gouvernements n'ont en fait pas été réduits, mais ont continué à augmenter, année après année. De nouveaux programmes ont été créés (qu'on pense simplement aux garderies au Québec), même si d'autres programmes ont connu des hausses de budget moins rapides ou des baisses. Et la réglementation continue d'étendre son filet partout, ce qui constitue une intervention étatique même si aucun budget n'y correspond. Bannir la cigarette partout ou imposer de nouveaux permis et règlements pour opérer un Bed & Breakfast chez soi n'entraîne pas de hausses des dépenses de l'État par rapport au PIB, mais il s'agit malgré tout d'une nationalisation encore plus poussée de ces secteurs de l'économie.
D'autre part, il faut regarder l'autre variable de l'équation budgétaire, celle des recettes (tableau 54), pour avoir une idée plus juste de la situation. On constate alors que la baisse est beaucoup moins significative que l'on pourrait croire. En 1992, les recettes de l'État comptaient pour 44,2% du PIB. Cette proportion était tombée à 41,3% en 2003, ce qui signifie à peine une baisse de trois points de pourcentage. Qu'est-ce qui explique cette disparité entre les deux tableaux? Les déficits budgétaires.
On se rappellera qu'au début des années 1990, les gouvernements fédéral et provinciaux avaient des déficits gargantuesques. En 1993-94, Ottawa dépensait 42 milliards $ de plus que ses recettes, alors que le déficit atteignait 5 milliards $ à Québec. Ce sont ces déficits qui faisaient exploser la proportion des dépenses dans le PIB. Depuis, ils ont été éliminés (quoiqu'ils réapparaissent depuis deux ans en Ontario et au Québec) et Ottawa engrange même des surplus à répétition. Bref, les gouvernements gèrent leurs finances de façon un peu plus réaliste (tout est relatif évidemment, des milliards continuent à être gaspillés à gauche et à droite) et n'empruntent plus pour payer l'épicerie, mais ils siphonnent encore une proportion presque aussi importante de l'économie privée.
Si la situation s'est tout de même légèrement améliorée au Canada depuis dix ans, elle est restée aussi pire en France. En 1993, la proportion des dépenses dans le PIB atteignait un sommet à 55,3%. Depuis, elle est descendue à… 54,5%, soit une baisse marginale. Quant aux recettes, qui s'élevaient à 49,3% du PIB en 1993, elles ont grimpé à 50,4% en 2003. Cela signifie donc que le déficit budgétaire de l'État français est légèrement moins important aujourd'hui qu'il y a dix ans. L'État, lui, reste gigantesque.