Selon moi, si les médias reflètent mal notre opinion sur le registre des armes à feu, c'est d'abord la faute des propriétaires d'armes. Je dirais même que ce sont eux qui souffrent d'immobilisme flagrant.
Le reportage de TVA d'hier coïncidait avec une date anniversaire, et la Sûreté du Québec avait invité les journalistes à une séance de destruction d'armes qui n'avait rien de spontané. Se servir d'un anniversaire pour créer un événement, une nouvelle, est une stratégie classique en relations publiques. On peut donc supposer que le journaliste a été contacté par des policiers de la SQ - toujours soucieux de montrer combien ils sont utiles -, par le Centre canadien des armes à feu ou par la Coalition pour le contrôle des armes. Mais peu importe. Dans les circonstances, je dirais que nous avons eu de la chance que le journaliste de TVA ait rappelé dans son reportage le prix faramineux du registre. Cet élément ne faisait certainement pas partie des plans de ceux qui l'ont invité à cette séance de destruction d'armes.
Il faut l'avouer, les militants pour le contrôle des armes ont le mérite de bien faire ce que nous ne faisons très mal: ils occupent l'espace public. Ils créent des événements et mettent en contexte des nouvelles, ils articulent des points de vue, émettent des communiqués et donnent de la matière - voire des images - aux médias pour leurs reportages. Dans l'autre camp, c'est le désert. On en conclurait que personne au Québec n'est mécontent de la loi. Pourquoi les journalistes s'intéresseraient à nous? Il faut aussi comprendre qu'ils sont invités à de nombreux événements tous les jours. Nous sommes en compétition pour leur attention avec des tas d'autres causes et d'autres sujets de nouvelles.
Par ailleurs, deux journalistes d'enquête de Radio-Canada (des femmes) ont réalisé cette année des reportages qui étaient très durs envers le registre des armes. Déjà pas si mal, considérant que cette idée n'est pas venue de nous à ce que je sache. Et voici une anecdote révélatrice: un mois après le rapport de la Vérificatrice générale soulignant les coûts de la Loi sur les armes à feu, un journaliste de La Presse me mentionnait que le journal ne recevait pas de lettres de lecteurs dénonçant le registre. «Dites-leur de nous en envoyer, c'est le temps, on va les publier», qu'il me confiait.
Les journalistes ont peut-être leurs torts, quoique je n'aie jamais eu à me plaindre d'eux, bien au contraire. Même si c'était le cas, il ne faudrait pas que les propriétaires d'armes se servent d'eux pour éviter de faire leur examen de conscience, ou pour éviter d'apporter les correctifs nécessaires à leurs pratiques de relations avec les médias: elles sont d'une qualité abyssale. Moi je dis: aide-toi et le journaliste t'aidera!