Une rencontre au sommet a lieu aujourd'hui entre la présidente de la CSN et la ministre de la Famille afin de tenter de sortir de l'impasse les négociations qui opposent Québec à ses 7800 éducatrices syndiquées. Le recours à la grève générale illimitée n'est pas à écarter si la rencontre ne donne rien. On pourrait généraliser et poser la question à savoir: comment les salaires sont-ils établis lorsqu'on est payé par le gouvernement? La réponse courte est d'après la capacité de l'État à soutirer l'argent des contribuables. Sans cette force coercitive, on ne parlerait pas d'«équité salariale» comme étant la pierre d'achoppement d'une entente entre les partis concernés.
Évoquer l'équité ou se draper de justice parce qu'on ne cherche pas de profit en rendant ces services constitue, au mieux, de l'ignorance. En établissant des services et des salaires par l'entremise de l'imposition plutôt que par des moyens volontaires, on perd le sens premier de la justice qui est de ne pas utiliser la coercition pour arriver à ses fins.
En évacuant le profit de ces services, on perd également la seule façon adéquate de les améliorer. Améliorer des services à l'aide d'une imposition plus élevée est possible, mais cela se fait nécessairement au détriment d'autres services. L'imposition ne crée pas la richesse, elle ne fait que la redistribuer. Lorsqu'on ne pense qu'à la redistribuer sans la produire, on finit par s'appauvrir, car on perd de vue qu'elle se produit à la marge, plus par certains que d'autres.
En bout de ligne, un salaire est établi à partir de revenus ou de profits tirés de produits et de services offerts librement aux consommateurs. On ne peut donc jamais évacuer totalement le profit de l'offre de salaire sous le prétexte que cela n'est pas digne du service à rendre. Afin de sensibiliser les gens qui reçoivent un salaire du gouvernement, il pourrait être utile de différencier les impôts qu'ils paient des impôts payés par autrui. L'impôt qu'ils paient est nominal, alors que ce qu'il leur reste, au bas de leur chèque, constitue l'impôt qu'ils reçoivent. En réalisant qu'ils ne paient aucun impôt au sens strict du terme, peut-être que le débat s'orienterait là où il se doit, à savoir qui doit financer ces services et ces salaires: les contribuables ou leurs bénéficiaires?
Ce qui importe pour déterminer un «juste» salaire n'est donc pas de savoir combien une personne est rémunérée, mais comment elle l'est. Est-elle rémunérée par des moyens économiques ou politiques? Son salaire est-il gagné ou extorqué? Ce n'est pas en invoquant l'équité salariale, la solidarité ou la justice sociale qu'on change sa nature. Cela ne fait que la cacher en remettant à plus tard des décisions qui seront d'autant plus difficiles à effectuer que les choix seront réduits et non souhaités. Ce n'est pas à faire l'autruche qu'on se dérobe de ses responsabilités. Que les éducatrices, directeurs et autres employés des garderies revendiquent de bons salaires est une chose, qu'ils soient rémunérés par les contribuables en est une autre. L'interdiction de soutirer le bien d'autrui devrait être plus importante que la démocratie.