Le jugement de la Cour Suprême dans l'affaire Chaoulli est historique, car il ouvre la porte au démantèlement d'un monopole d'État qui va redonner à chaque citoyen le contrôle sur sa propre santé. La morale de l'histoire: le statu quo est désormais inacceptable. Depuis trop longtemps déjà nous sommes les otages d'un réseau public qui ne cesse de cumuler les revers et hypothèque à long terme le sort de milliers de patients. Je me réjouis que l'on mette en application les fondements de la Charte des droits et libertés, qui reconnaît que la santé est un droit individuel. Lorsque nous sommes malades, nous devons avoir toute la latitude nécessaire pour assurer notre bien-être et protéger notre vie. Cela ne concerne pas les voisins et encore moins le gouvernement. Aller raconter à ceux qui poireautent sur des listes d'attente depuis plusieurs mois qu'il leur faut accepter sans brocher la situation au nom d'un système universel où règne le chaos. Un système où le patient n'a pas un mot à dire puisqu'il est considéré comme un simple contribuable et non comme un client qui achète un service et exige de la qualité.
Lorsque nous visitons nos hôpitaux, le paysage parle de lui-même: les urgences sont engorgées, des patients encombrent les couloirs et les installations sanitaires laissent à désirer. Dernièrement, nous avons appris que nous avions plus de chance d'être victimes d'une bactérie dans un hôpital que de mourir d'un accident de voiture... Si j'étais sur le conseil d'administration d'une entreprise et que je devais rendre des comptes à mes associés sur une aussi piètre qualité de services, il y a longtemps que j'aurais été viré. C'est précisément ce qui se passe avec le monopole étatique de la santé, mais on refuse de se rendre à l'évidence!
Pour contester cette décision de la Cour suprême, la gauche a décidé de sortir son artillerie lourde. Fidèle à son habitude, le chef de la FTQ, Henri Massé, a utilisé son langage coloré pour impressionner ses membres et faire peur à la population. (J'ai récupéré ses commentaires sur le site Internet du Syndicat canadien de la fonction publique, section Québec.)
«Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli-Zeliotis est une véritable arnaque.» Explorer de nouvelle avenue en matière de santé est toujours une arnaque pour celui qui protège un modèle qui pendant des années était intouchable. Aujourd'hui, le réveil est peut-être brutal, mais ce n'est pas une raison pour dire n'importe quoi. Le vieillissement de la population et l'explosion des coûts en santé nous placent en face d'une réalité: les gouvernements ne peuvent plus assurer à eux seuls la distribution des soins de santé à la population. L'intervention et la collaboration du privé sont nécessaires.
«Ce n'est pas vrai que ce jugement va désengorger les listes d'attente, va faire apparaître comme par magie les médecins spécialistes qu'il manque, va améliorer la prestation des soins.» Au contraire, ce jugement ouvre la porte à de nouvelles options pour le patient et va donner un second souffle à nos professionnels qui pourront pratiquer plus librement et faire preuve d'innovation et de créativité. En ce moment, l'État leur impose des quotas sur le nombre d'opérations et de chirurgies qu'ils peuvent effectuer. Deuxièmement, depuis plusieurs années de nombreux spécialistes et diplômés en médecine quittent le Québec pour des raisons économiques et politiques. Pour certains, le réseau public néglige les patients, l'environnement de travail et ne permet pas l'accès à des technologies de pointe. Il ne faut pas oublier que nos médecins sont les moins bien rémunérés en Amérique du Nord. Résultat: nous perdons des individus parmi les plus compétents qui vont offrir leurs services ailleurs. Faut-il les blâmer? L'Association des obstétriciens et gynécologues voit bon nombre de ses finissants quitter pour les États-Unis où l'on offre un milieu de travail beaucoup plus stimulant.
«C'est de nous faire glisser vers un système américain […] qu'on arrête de nous conter des balivernes sur la survie de notre système public dans ces conditions.» Henri Massé aurait intérêt à mettre de côté son antiaméricanisme et se tourner vers le vieux continent où nous avons de beaux exemples de système mixte entre le public et le privé. En suède, pays ayant une population similaire à celle du Québec, les listes d'attente ont considérablement diminué pour les habitants de Stockholm.
Je souhaite que la décision de la Cour suprême ouvre la voie aux autres provinces canadiennes. Nous ne pouvons plus tolérer comme société moderne d'être au même niveau que Cuba. Autoriser l'accès à des assurances privées est une façon intelligente de laisser le citoyen prendre en main sa propre santé.
Mathieu Bréard
Montréal