La grande majorité des pays occidentaux resserrent leurs mesures de sécurité pour contrecarrer les activités terroristes sur leur territoire. Du Patriot Act de George W. Bush en passant par les nouvelles politiques du premier ministre britannique Tony Blair, le Canada n'échappe pas à la règle. En entrevue sur les ondes du réseau TVA, un ancien haut placé du Service canadien du renseignement de sécurité a déclaré qu'il était maintenant nécessaire de renoncer à certaines libertés individuelles pour mieux protéger la sécurité nationale. Une réalité, a-t-il ajouté, que semble appuyée une grande majorité de Canadiens. Or, on ne s'interroge pas suffisamment sur l'efficacité et la nécessité de toutes ces mesures. On ne se questionne pas sur les risques de dérives et surtout de ce pouvoir considérable que l'on remet entre les mains de l'État. GPS, Radar, carte magnétique, puce intelligente, reconnaissance biométrique, tout est en place pour nous rappeler que dans quelques années un simple citoyen ne pourra plus aller en vacances sans être suivi à la trace. N'oublions jamais que la peur est un instrument au service du pouvoir et que bien utilisée, elle suffit à endormir la méfiance de toute une population.
Dernièrement, le ministre Jean Lapierre a annoncé que le gouvernement fédéral allait augmenter la surveillance dans les réseaux de transport de la plupart des grandes villes du pays. À Montréal, les couloirs ainsi que les wagons du métro seront équipés d'ici la fin de l'année 2006 de plus de 1200 caméras de surveillance. Coût de l'opération: 700 millions de dollars et peut-être même d'avantage. Avant de refiler une facture aussi salée aux contribuables, et de leur donner un faux sentiment de sécurité, il serait peut-être plus honnête de présenter les faits.
En Grande Bretagne, bien que des caméras aient été largement déployées sur les lieux publics, il n'existe pas de preuves suffisamment tangibles démontrant une baisse réelle de la criminalité (Crime and Criminal Justice Research Findings No 30). En France, malgré le nombre important de caméras installées dans le métro parisien, cela n'a été d'aucun secours pour lutter contre le terrorisme. Il en va de même pour la ville de Levallois-Perret dont les rues sont très surveillées, mais où la délinquance est en nette progression. Gardons à l'esprit que le regard du surveillant est un regard à distance. Il y a donc toujours un délai entre l'identification et l'intervention. Selon une étude des Laboratoires Nationaux de Sandia, les agents en charge des moniteurs ont souvent tendance, au bout de 20 minutes, à être distraits et même à somnoler. D'autres, pour chasser l'ennui, vont même écouter la télévision, ce qui les rend beaucoup moins réceptifs...
Évidemment, l'utilisation de caméras ouvre surtout la porte aux abus. Dans son édition du 26 novembre 1997, le Washington Post rapportait le cas du Lieutenant Jeffery Scott Stowe qui utilisait la banque de données de la police pour rassembler des renseignements confidentiels sur les clients d'un bar gai. En repérant les numéros d'immatriculation de leurs voitures, il pouvait connaître les noms et adresses des individus fréquentant l'établissement. Lorsqu'il s'agissait d'hommes mariés, Stowe leur extorquait de l'argent en les menaçant de tout révéler à leur famille.
Les caméras peuvent être utilisées de manière discriminatoire envers certaines minorités ethniques dont le comportement, la gestuelle et la tenue vestimentaire ne correspondraient pas aux normes généralement rencontrées dans notre société. Comme certains aiment répéter que l'ennemi peut-être partout, imaginez les délires! On ouvre la porte aux fausses interprétations basées sur des jugements de valeur qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour les individus. Pire encore, pour 2005, certaines firmes ont reçu le mandat de mettre sur pied des logiciels afin d'identifier et analyser tous les faits et gestes pouvant paraître suspects. Faudra-t-il, dans un futur rapproché, prévoir un projet de loi du gouvernement visant à encadrer notre façon d'être au quotidien? Et pourquoi pas des cours financés à même les caisses de l'État pour enseigner comment se déplacer en société?
Sérieusement, les éléments mentionnés ici ne représentent qu'un bref survol des conséquences néfastes d'un resserrement des mesures de sécurité - épineux dossier qu'on a le culot de nous présenter de façon superficielle aux bulletins de fin de soirée. Non, le recours à la caméra vidéo sur les lieux publics n'est pas un gage de sécurité comme on veut nous le laisser croire. Il s'agit plutôt d'une atteinte à nos droits individuels. Ne soyons pas dupes, nos gouvernements savent pertinemment comment jouer avec nos angoisses et nos craintes. Sans opposition, ils n'auront aucune difficulté à nous vendre toute leur quincaillerie électronique.