Quand je disais que le gouvernement ignore plus souvent qu’autrement le principe de l’offre et la demande, en voici un autre bon exemple. En manchette dans l’édition week-end du journal Le Devoir:
«Québec sort l'artillerie lourde afin de venir en aide aux producteurs de sirop d'érable: une enveloppe de 25 millions de dollars a en effet été remise hier par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) pour lui permettre de régler d'ici les cinq prochaines années le problème récurrent de surproduction qui rythme actuellement ce secteur. L'argent doit entre autres permettre de payer des producteurs qui volontairement vont s'abstenir de faire pleurer les érables en 2006.»
Et il y en a qui se demande encore pourquoi le Québec est dans le trou! Payer les gens à ne rien faire, c’est payer les gens à ne rien faire. Et n’allez surtout pas croire que cela va s’arrêter là. C’est 25 millions $ aujourd’hui, 50 millions $ demain et 100 millions $ après-demain et ça va continuer jusqu’à ce que l’État et le syndicat des faiseux de sirop réussissent à contrôler le nombre de producteurs, la quantité de sirop produite, et le prix de la canne de sirop au magasin, sans jamais tenir compte de la demande du consommateur pour leur produit.
Ça me fait penser… En Louisiane, le gouvernement est intervenu comme ça dans la production de riz, il y a de cela une cinquantaine d’années. Vu la trop grande abondance du produit sur les marchés, l’État a commencé à payer les fermiers pour qu’ils ne plantent pas. Comme beaucoup de programmes étatistes, celui-ci n’a pas de fin. Aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, les descendants de ces fermiers sont toujours payés pour ne pas planter de riz, si la terre inclue dans l’entente à l’époque est toujours la propriété de la même famille. Je connais personnellement des fermiers qui reçoivent quelques milliers de dollars à chaque année parce que leur grand-père participait au programme et ce, même si c’était bien avant leur temps et même s’ils n’ont jamais planté de riz de leur vie.
Mais revenons à notre sirop. Nous avons ici un exemple parfait pour une petite leçon économique bien simple sur le principe de l’offre et la demande. D’un côté, nous avons les producteurs de sirop d’érable et de l’autre, les consommateurs − c’est-à-dire ceux qui achètent le produit. Présentement, il y a trop de sirop d’érable sur les tablettes, ce qui indique un déséquilibre entre la quantité de sirop mise sur le marché par les producteurs et la quantité que les consommateurs veulent acheter.
Dans une économie libre, le consommateur est roi: il décide du prix qu’il est prêt à payer pour tel ou tel produit. Dans notre exemple, le consommateur indique clairement au producteur qu’il n’est pas prêt à acheter tout le sirop d’érable produit au prix proposé. Le producteur a alors les choix suivants: 1) il peut baisser le prix de son produit, incitant ainsi plus de consommateurs à l’acheter; 2) il peut tenter de trouver un autre marché où il pourrait écouler son surplus; 3) ou il peut produire moins de sirop ou arrêter d'en produire et trouver une autre manière de gagner sa vie.
Cette idée que le gouvernement peut intervenir et qu’à coup de millions, il peut «régler» l’économie du sirop, ou n’importe quel autre secteur économique, est ridicule. Payer certains producteurs pour qu’ils ne produisent pas ne fait que diminuer la production de façon temporaire sans rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande. À l’exception des producteurs qui auront de plus longues vacances sur le bras des contribuables, qui va bénéficier de ces 25 millions? Certainement pas le consommateur puisqu’il y aura moins de sirop de produit l’année prochaine et il sera aussi cher qu’avant. De plus, il y aura toujours autant de producteurs en affaire. En 2007, quand nous serons face au même problème, on fera quoi? On leur lancera quelques millions de plus?
À ce prix-là, le gouvernement serait bien mieux d’acheter le surplus de sirop et de le donner aux contribuables. Au moins, ils auraient quelque chose pour leur argent.
Chantal Saucier
Louisiane