Une lectrice, Geneviève Marleau, nous écrit:
Bonjour. Je lis régulièrement le blogue du Québécois Libre et certains des articles qui sortent le 15 du mois. Je ne me considère pas comme une libertarienne mais certaines de vos idées m'attirent. Je suis littéralement tombée en bas de ma chaise (et ce fut le cas aussi de mon mari) en lisant la réponse de Martin Masse face aux commentaires d'un lecteur sur le faible nombre de femmes dans le mouvement libertarien. Était-ce une blague?
Vous écrivez que: «les femmes sont en général moins portées à être des leaders et des lutteuses, et plus portées à chercher la sécurité et la dépendance - ce qui n'est pas étonnant, puisqu'il est difficile sinon d'assurer leur rôle de reproduction.» … «les filles mères entretenues par l'État» (sommes-nous de retour en 1932 pour parler de «filles mères»?) … «Mais disons que la volonté de s'affranchir d'un pouvoir tutélaire correspond peut-être mieux à un point de vue "masculin"…» (ainsi les femmes s'accommodent mieux de l'esclavage?!!), etc.
De tels propos sont tout simplement inacceptables si vous voulez vous faire prendre au sérieux! Aucun mouvement politique qui se respecte ne peut traiter la moitié de la population de cette manière. Je m'attend à lire de telles inepties du côté de certains groupes néo-nazi qui se tiennent sur le Web... êtes-vous à classer dans la même catégorie?
En tout cas, ce n'est pas en disant aux femmes qu'elles sont naturellement dépendantes et que leur rôle est dans la reproduction que vous recruterez plus d'entre elles dans votre mouvement. Ces propos sont non seulement non scientifiques (les chercheurs qui ont travaillé sur ces questions et que vous citez indirectement méritent de voir leurs propos rapportés avec NUANCES. Aucun chercheur qui se respecte ne va dire que «les hommes sont en général moins dépendants que les femmes», c'est une chose qui ne s'affirme pas en science. Il y a une différence majeure entre des recherches sérieuses sur les différences homme-femme – oui, elles existent, là n'est pas la question! – et un ramassis de préjugés qui servent à supporter des propos sexistes), mais extrêmement choquants en 2005 au Québec.
Ainsi l'équité salariale et les congés de maternité sont des aberrations? Allez-vous me dire aussi que le fait que les noirs n'aient plus à s'asseoir dans une section réservée de l'autobus est dommage? Je suis tout à fait d'accord que la famille actuelle vit des crises, mais quand vous parlez de l'avortement gratuit sur demande, du concubinage, du divorce facilité, et de tout ce qui peut affaiblir les rapports traditionnels entre les hommes et les femmes... je frémis et je trouve que vous ressemblez à cette droite américaine qui propose de retourner 100 ans en arrière. La famille traditionnelle où la femme était dans l'obligation de porter 15 enfants en 20 ans et ne pouvait divorcer même si elle était battue est donc un modèle à suivre!? Je me répète: était-ce une blague? Je ne peux pas croire que vous croyez ce que vous écrivez. Vivez-vous au Québec?
Ce texte, je crois, représente bien le Québécois Libre: quelques bonnes idées, certaines analyses économiques sociales et politiques rigoureuses, mais des commentaires bourrés d'inepties beaucoup trop nombreux. Je trouve ça bien dommage parce que les idées de responsabilité, de liberté, d’optimisme derrière le libertarianisme me semblent très intéressantes. Et le fait que vous soyez contre les abus de l'État me plait: vous offrez un genre de 3e voie à côté des go-gauches et de ceux que l'on appelle souvent les «de droite» dans les médias mais qui en fait sont bien plus des «go-gauches de luxe» qu'autre chose – les gens qui veulent qu'au lieu d'augmenter les impôts pour donner l'argent aux pauvres, on le donne aux compagnies... ce qui n'est pas de droite en fait.
Bref, je suis très déçue et je classe désormais le Québécois Libre (que je croyais un site sérieux et qui se veut tel puisque je l'ai entendu cité dans les médias avec une certaine aura de respectabilité) parmi les sites «à éviter» où l'on profère des choses sans bonne foi, sans vérification scientifique, et où l'on tolère le sexisme. Je précise que je suis une personne ouverte d'esprit, mais il y a une différence entre des propos qui méritent le débat (doit-on privatiser Hydro-Québec?... je ne sais pas si je suis d'accord avec cela, mais je suis prête à lire un texte candidement où l'on me dit que c'est LA solution et peser les pour et les contre) et d'autres propos qui sont carrément inacceptables (vos propos sur les femmes).
Il semble que peu de gens arrivent à avoir des opinions nuancées et si les gens de gauche que vous décriez tant exagèrent souvent, eh bien je constate que ce n'est pas dans votre mouvement (du moins, dans la forme qu'il prend dans le Québécois Libre) qu'il faut chercher la nuance et des solutions équilibrées à nos problèmes politiques et sociaux.
Réponse de Martin Masse :
Vous êtes-vous déjà demandée pourquoi il n’y a pas d’exemple dans l’histoire de classe dirigeante d’une société entièrement composée de femmes? Ou d’armées composées de soldates? Selon le dogme féministe, c’est parce que ça fait des millénaires que les hommes font de la discrimination. Mais si les femmes ont autant d’agressivité, de sens de leadership et d’esprit combatif que les hommes, et puisqu’elles sont aussi nombreuses que les hommes, pourquoi n’ont-elles pas alors tout simplement réagi et imposé un pouvoir féminin, ou à tout le moins équilibré entre les sexes?
Les Amazones sont un mythe pour faire fantasmer quelques lesbiennes, pas une réalité historique. Je comprends que ça fait freaker les féministes lorsqu’on pose ces questions, mais on parle ici d’un phénomène qui existe depuis des milliers d’années et qui se fonde sur des différences biologiques fondamentales. Le fait que vous jugiez qu’il s’agit de propos «extrêmement choquants en 2005 au Québec» ne fait qu’illustrer à quel point le discours féministe est déconnecté de la réalité.
Au cours des dernières décennies, les féministes ont voulu occulter le fait que ce sont les femmes qui portent des enfants, pas les hommes, et que cette réalité a des conséquences. Nos ancêtres femelles n’avaient pas le temps de s’entraîner au combat et n’auraient pas pu se reproduire si elles s’étaient régulièrement retrouvées dans des situations risquées. La stratégie reproductive la plus appropriée consistait non pas à jouer à l’Amazone, mais à se trouver un mâle protecteur et pourvoyeur. Il existe de nombreux bouquins de psychologie évolutionniste et d’anthropologie qui discutent de ces questions, qui contrairement à ce que vous prétendez ne sont pas très controversées dans les milieux scientifiques.
Cela implique-t-il qu’il faille vivre comme nos ancêtres et que les femmes devraient rester soumises et retourner dans les cuisines? Évidemment que non. Mais nier cette réalité ne la fera pas disparaître. La prospérité qu’a entraînée le capitalisme au cours des derniers siècles a permis aux femmes (comme aux hommes) de s’affranchir de ces déterminismes biologiques comme jamais auparavant dans l’histoire humaine. Il fallait aussi garantir les mêmes droits individuels aux femmes. C’est le cas depuis plusieurs décennies, les femmes ne sont plus considérées comme des mineures au sens de la loi.
Mais devait-on aller plus loin et se servir du pouvoir coercitif de l’État pour favoriser indûment les femmes? Certainement pas. Les programmes d’équité salariale et les congés de maternité payés par l’État sont en effet des aberrations socialistes. L’équité salariale est fondée sur un illogisme économique (voir par exemple cet article). Quant aux congés de maternité, c’est un autre programme de redistribution de la richesse, qui vole à certains pour donner à d’autres, comme tous les programmes sociaux. Pourquoi devrais-je financer les congés des autres, moi qui n’ai pas d’enfant? Je ne fais pas payer mes choix de vie par les autres. Que ceux qui veulent des enfants s’organisent de façon responsable pour gérer leur vie. (Évidemment, ce serait plus facile si l’État ne nous soutirait pas la moitié de nos salaires.)
Même chose pour les filles mères (eh oui, c’est moins politically correct que «mère monoparentale», mais je considère ce mot plus approprié: un enfant, ça se fait et ça devrait s’élever à deux, avec un père): l’État les subventionne, et c’est pourquoi il y en a tant aujourd’hui. Je comprends qu’il peut arriver des tragédies ou des accidents, mais ce phénomène a pris des proportions gigantesques parce que nous sommes forcés d’entretenir de jeunes irresponsables qui font des enfants sans penser au lendemain.
Si, comme vous le prétendez, vous êtes sensibles aux idées de liberté et de responsabilité, vous devriez comprendre cela, même si ça va à l’encontre des dogmes féministes. Vos accusations de néo-nazisme ou de vouloir remettre les noirs à leur place sont des insultes gratuites complètement à côté de la track. Si les noirs devaient s’asseoir dans des sections réservées des autobus ou donner leur place à des blancs, c’est parce que les lois racistes des États du Sud l’imposaient, ce qui est le contraire de la liberté et du libre marché. Il y a une différence fondamentale entre l’imposition d’une règle par la coercition étatique et la coopération volontaire entre les individus.
Et pour retourner aux rôles sexuels traditionnels, je n’ai pas plus de respect pour les excès d’agressivité des mâles, ce penchant pour la force et la violence qui est responsable de tant de souffrance, de guerres, de meurtres et de génocides tout au long de l’histoire de notre espèce. (Est-ce que c’est du sexisme d’écrire cela? J’attends les réactions des hommes choqués qu’on puisse écrire une telle chose en 2005 au Québec!)
Heureusement, le libéralisme est un système fondée sur la paix et sur l’échange, et on peut espérer que son influence civilisatrice fera en sorte que cette violence ira en diminuant. Nous vivons cependant de plus en plus sous le joug d’un «gouvernemaman» de plus en plus envahissant, c’est-à-dire une social-démocratie de moumounes (et je ne parle pas d’homosexuels mais bien de moumounes, des hommes faibles qui ont abdiqué leurs responsabilités) et de bonnes femmes maternantes qui veulent nous protéger contre tout, nous dire quoi faire et nous imposer leur vision d’une société aseptisée, où la concurrence et la performance ont été bannies. Les féministes ont beau prétendre être les égales des hommes, elles veulent imposer à tous des «valeurs féminines» (maternage, sécurité, dépendance) qui ne sont pas plus appropriées que les «valeurs masculines» poussées à leurs extrêmes.
Pratiquement personne n’ose remettre ces dogmes collectivistes en question. C’est ce que nous faisons au QL, que ce soit «respectable» ou non parmi les bien-pensants. Désolé si ça vous incite à nous éviter, d’autres y verront une bouffée d’air frais.