Lors d'un récent débat du Parti républicain sur les ondes de MSNBC, le candidat à la présidentielle de 2008, Ron Paul, a réussi à placer trois remarques percutantes sur la politique étrangère américaine. Libertarien n'ayant pas la langue dans sa poche, vous devinez sans doute qu'il ne tombe pas dans les bonnes grâces des faucons de Washington. La présence de l'homme est à ce point dérangeante que dans un éditorial du Washington Post, on remet en question sa propre participation à l'investiture du Parti.
Dans sa première intervention, Paul affirme que la guerre en Irak viole la politique américaine traditionnelle et pragmatique qui a caractérisé le pays pendant les 125 premières années de son existence. Il résume sa pensée en citant un extrait du discours du président John Quincy Adam prononcé devant le Congrès lors du 50e anniversaire de la république: «go abroad in search of monsters to destroy,” and that, if America were ever to embrace such a policy, the “fundamental maxims of her policy would insensibly change from liberty to force” and she would become “the dictatress of the world.”»
Voilà qui illustre l'arrogance actuelle de l'administration Bush de plus en plus isolée aux yeux de la population et du Congrès. Les États-Unis sont devenus une puissance d'occupation qui, loin de promouvoir la liberté, contribue à accentuer la mort, la mutilation et la destruction. Cette politique à long terme consiste à imposer de par le monde des embargos, des sanctions à répétition, des opérations de kidnapping, ainsi que le maintien de bases militaires et de prisons outre-mer. On enregistre un recule important des libertés individuelles sur le territoire américain depuis la mise en oeuvre du Patriot Act. Une loi qui bafoue les fondements de l'article IV du Bill of Rights qui reconnaît le droit des citoyens d'être protégés contre les perquisitions et saisies déraisonnables de l'État. Un nombre toujours plus important de gens ordinaires ont été injustement victimes de profilage ou de discrimination raciale et ethnique. On commande des détentions sans accès à des avocats, ou le droit de comparaître devant un juge, pour contester une mesure basée simplement sur un décret du président.
Plutôt paradoxale, en 2001 l'ambassadeur américain au Canada, Paul Celluci, envisageait la possibilité pour les États-Unis d'éliminer la ligne frontalière de 5000km afin de favoriser l'intégration continentale, c'est-à-dire le commerce et la libre circulation des voyageurs. Aujourd'hui, tout ceci, sur un fond de paranoïa, a fait place à la méfiance, l'isolement et la fermeture. Une facture toujours plus salée est refilée à l'ensemble des contribuables.
Le deuxième point de M. Paul touche les conditions pour déclarer la guerre que l'on retrouve dans la Constitution. Les pères fondateurs, des hommes prudents, voulaient d'un gouvernement décentralisé sans trop de pouvoir et divisé en trois branches bien distinctes (exécutif, législatif et judiciaire), exerçant sur chacun un contrôle mutuel. Ce que l'on appelle dans le jargon le checks and balances. Si le président des États-Unis est le chef de l'armée, l'autorisation de déclarer la guerre et de lever les troupes est du ressort du Congrès. Si cette clause figure toujours dans le texte officiel, elle n'est plus du tout respectée. Le Joint Resolution donne maintenant au président des pouvoirs excessifs pour utiliser la force militaire contre des nations et des personnes. Tant que cette puissance particulière sera autorisée, les Américains ne pourront jamais se considérer comme un peuple libre.
Finalement, Ron Paul critique les dépenses honteuses du gouvernement américain. Interrogée sur sa position à l'égard de l'impôt sur le revenu, sa réponse a été catégorique: il faut l'abolir. Mais cette mesure n'aura aucun effet bénéfique sans une réduction de tous ses programmes militaires qui drainent toujours davantage de ressources financières. Il cite en exemple les milliards engouffrés jour après jour dans la guerre en Irak ou encore ceux qui seront utilisés pour maintenir les visées interventionnistes présentes et futures des néoconservateurs.
Ces trois remarques de Ron Paul rendent hommage à la mémoire des pères fondateurs. Les auteurs d'une constitution dont les extraits, avouons-le, ne servent maintenant qu'à garnir les discours de cette belle bande d'hypocrites et de fins manipulateurs que sont les politiciens américains.
Je ne sais pas ce qu'il est advenu du sondage après-débat qui était sur MSNBC la dernière fois, mais 39% des Américains avaient choisis Ron Paul comme étant le candidat qui avait le mieux performé lors de ce débat. Sa popularité, avant le débat, était de 1%. En espérant que ça fera une différence!
Rédigé par : Benoît Ferland | 13 mai 2007 à 23h03
Ron Paul is the man.
Rédigé par : Valérie Jean | 13 mai 2007 à 23h56
J'apprécie toujours lire Ron Paul, et encore plus John Adams. Mais il ne faut pas tomber dans l'antiaméricanisme aveugle, une dangereuse tendance populaire sur ce blogue il semble.
Les Républicains sous Bush ont vraisemblablement dépassé les bornes, mais quelques propos de John Adams sélectionnés judicieusement par Ron Paul ne devraient pas nous amener à nier qu'il peut exister des justifications à intervenir militairement quelque part.
John Stuart Mill lui-même disait que "War is an ugly thing, but not the ugliest of things. The decayed and degraded state of moral and patriotic feeling which thinks that nothing is worth war is much worse. The person who has nothing for which he is willing to fight, nothing which is more important than his own personal safety, is a miserable creature and has no chance of being free unless made and kept so by the exertions of better men than himself."
La chose pour laquelle il vaut la peine de faire la guerre et à laquelle Mill référait est la liberté. Et la liberté, à travers l'histoire, n'a jamais été un état naturel des sociétés humaines et a toujours été gagnée ou maintenue par la guerre, aussi triste celà puisse-t-il être, et aussi vrai soit-il que les guerres originent toujours, à quelque part, de la politique ou du pouvoir.
La guerre conduite en Irak respectait-elle les principes de la théorie de la guerre juste (jus ad bellum)? Probablement pas, sauf ce que nous ne savons pas. Mais il ne faudrait pas aller jusqu'à prétendre qu'après le World Trade Center, il n'existait pour le gouvernement américain aucune raison d'agir pour prévenir un autre tel événement. Un peu de perspective et de saine balance seraient de mise. Avant cette catastrophe, Bush passait paisiblement sa présidence à lire des livres aux enfants dans les écoles ou à prôner des réductions d'impôts...
Rédigé par : JH Lapointe | 15 mai 2007 à 12h17
Tout le monde sait que tous les problèmes de la planète sont causé par les méchants américains!
Je n'ai jamais lu sur ce blogue d'articles dénonçant le terrorisme islamique. Sont-ils des combattants de la liberté au yeux de certains libertariens? Est-ce que les libertariens seraient prêt à faire du terrorisme pour avancer leurs causes?
Parfois je me le demande...
En passant, c'est bien beau la pensée magique de l'isolationisme mais c'est vraiment être naif de croire qu'en retirant toutes les troupes américaines stationnées dans le monde que les terroristes vont se mettre à cesser d'hair l'Occident et son mode de vie.
Après 9-11, il aurait fallu faire quoi? Se mettre à genou devant Ben Laden et lui demandé pardon?
Rédigé par : Martin Gagné | 15 mai 2007 à 12h29
« Après 9-11, il aurait fallu faire quoi? Se mettre à genou devant Ben Laden et lui demandé pardon? »
Non, retirez les troupes américaines des pays où les États-Unis ne devraient pas être. Ben Laden n'a pas attaqué les USA à cause du mode de vie occidental. Il a attaqué les USA à cause de l'occupation américaine au Moyen-Orient. Il a été très clair dans son message après les attentats. À long terme, l'occupation illégitime de d'autres pays causent beaucoup plus de tord que de bien. Y-a-t-il quelqu'un qui croit vraiment que l'occupation de l'Irak et de l'Afghanistan ont rendu le planète plus sécuritaire ? Le nombre d'attentats dans le monde a plus que décupler depuis 2002.
Et oui, les actes terroristes sont totalement innaceptables, surtout quand ils visent des citoyens ordinaires.
Le non-interventionnisme est très différent de l'isolationisme en passant.
Rédigé par : Philippe | 15 mai 2007 à 14h46
Et vous pensez vraiment que Ben Laden et Al Quaida vont cesser le terrorisme quand les troupes occidentales seront retournées au bercail? Allô?
Le Djihad coranique, ça vous dit quelque chose?
Rédigé par : Martin Gagné | 15 mai 2007 à 15h06
En tout cas, de ne plus avoir de troupes américaines en sol musulman, d'arrêter de soutenir les sheiks, les dictateurs et les rois qui oppriment leur population, en arrêtant de s'impliquer dans leur politique, et en arrêtant de financer Israel avec les fonds publics américains, ça enleverait à Al Qaeda ses arguments recruteurs principaux.
Ce qui bloque le plus la liberté et (qui sait) une forme de démocracie dans le Moyen-Orient est l'intervention américaine depuis 50 ans et l'intervention britannique avant ça, et ainsi de suite.
Rédigé par : R.David | 15 mai 2007 à 21h12
@ R. David,
Je peux comprendre ce point de vue et même m'y ranger, jusqu'à l'enjeu israélien.
Puisque cette position revient souvent, je m'y intéresse et chercher sincèrement une réponse à la question suivante.
À votre avis, à partir du moment où la communauté internationale a décidé "d'installer" les Juifs en Israel suite à WW2 et à la montée de l'antisémitisme en Europe, fallait-il assumer cette décision et donc supporter Israel, ou fallait-il laisser le Moyen-Orient les jeter à la mer (rappelons que la Ligue Arabe a ordonné des attaques sur les Juifs immédiatement après l'approbation du plan de partition par l'ONU en 47).
Oublions la question à savoir si la décision était bonne ou non et partons du fait qu'elle a, à tort ou à raison, été prise par la communauté internationale (et non pas par les Américains unilatéralement - en fait, la Grande-Bretagne était bien plus impliquée).
Rédigé par : JH Lapointe | 16 mai 2007 à 09h42
"Oublions la question à savoir si la décision était bonne ou non et partons du fait qu'elle a, à tort ou à raison, été prise par la communauté internationale (et non pas par les Américains unilatéralement - en fait, la Grande-Bretagne était bien plus impliquée)."
De quelle façon est-ce cette décision est imposable sur le contribuable américain moyen? Pourquoi (si je suis américain) est-ce que je devrais accepter qu'on prenne ma propriété par la force pour financer les activités militaires d'un autre pays?
Sans même juger ce qu'Israel font avec cet argent, je suis déjà contre. Il n'y a aucune bonne raison pourquoi Joe Six-Pack devrait donner une partie de son chèque de paye à Israel. Si tellement de gens veulent aider Israel que ça doit être une politique publique, ça veut dire qu'ils s'en sortiraient avec des contributions volontaires (et seraient redevables aux donateurs).
Thomas Jefferson disait "Commerce with all nations, entangling alliances with none" et c'est le SEUL principe qui devrait diriger la politique étrangère américaine.
Rédigé par : R.David | 16 mai 2007 à 10h58
« Et vous pensez vraiment que Ben Laden et Al Quaida vont cesser le terrorisme quand les troupes occidentales seront retournées au bercail? Allô?
Le Djihad coranique, ça vous dit quelque chose? »
Si les Américains cessent leur occupation un peu partout, et si les attaques sur leur territoire continuent ensuite, ils auront alors tous les droits de répliquer si le Congrès le décide.
Rédigé par : Philippe | 16 mai 2007 à 12h42
@ R. David,
Outre le fait que vous ne répondez pas à la question, je suis d'accord avec les principes que vous énoncez, mais non avec le résultat auquel ils mènent (que vous omettez d'affirmer...).
En d'autres termes, je trouve la question du support américain à Israel bien délicate, et non pas aussi facilement condamnable que certains aiment laisser entendre.
Et en effet, comme le rappelle M. Texier, le Coran suggère le djihad contre les non-croyants. Je ne crois pas que tout ce débat puisse se limiter à "c'est la faute des interventions américaines".
Néanmoins, merci pour vos commentaires. Salutations.
Rédigé par : JH Lapointe | 16 mai 2007 à 13h00
Je vais rester dans le point de vue du contexte américain: le support à Israel est anti-constitutionel, alors la question de le financer ne se pose même pas. Si d'autres pays ou des individus privés américains veulent financer Israel, libres à eux, mais ce n'est pas aux contribuables américains à payer.
Je n'embarque pas dans les campagnes de peurs islamiques. Ce que le Coran suggère est libre à interprétation, et les personnes les plus violentes (les plus victimisées) vont l'interpréter d'une façcn violente. Il faut éliminer ce qui favorise le recrutement de ces extrémistes.
Les mots "Djihad" et "infidèles" sont particulièrement flous, le "djihad" veut dire "combat", mais ça peut être un combat politique, spirituel, social, pas nécessairement violent. Et le djihad n'est pas dirigé envers les "non-croyants", mais plutôt contre les "infidèles", soit ceux qui ont juré fidelité à l'Islam et qui les ont trahit. Ça ne dis pas de convertir ou tuer tous ceux qui ne croient pas à Mohamet.
Une fois que le gouvernement U.S. arrêtera de se mêler de leurs affaires, ils réussiront moins à recruter des nouveaux martyrs. Ainsi les quelques pognées de fous qui resteront seront beaucoup plus marginalisés et n'auront pas l'appuis de leur population (qui veulent que les américains plient bagages).
On n'arrêtera jamais le terrorisme (ou la guerilla) avec des troupes. La stratégie utilisée n'est pas efficace et trahit le but véritable de l'occupation: ce n'est pas d'arrêter les insurgeants et les terroristes, c'est le transferer l'argent des payeurs de taxes aux compagnies privées qui ont des contrats de reconstruction et de soutien militaire.
Rédigé par : R.David | 16 mai 2007 à 16h18
@Martin Gagné
Le djihad coranique n'est pas plus dangeureux que le crime organisé, que l'industrie privée. (que les socialistes corporatifs utilisent comme menace justifiant leurs politiques, un peu comme Bush utilise Ben Laden).
Si tu crois vraiment qu'en 2007 (ou les gouvernements ont gonflé au point qu'il n'y a plus vraiment de zones d'ombre ou les terroristes peuvent opérer) qu'il y existe une présence tel qu'Al Qaeda capable de fonctionner sans support d'aucun état, tu viens de te faire passer un solide sapin.
Si al-Qaeda fonctionne et frappe, c'est pcq les états le veulent ainsi. À chaque attentats revendiquée par al-Qaeda (souvent par des forums en ligne, wow, méchant standard de preuve qu'on a en 2007) l'État a plus à faire dans l'organisation de celle-ci que les 'terroristes'.
Bien sur, il y a surement quelques musulmans voulant faire sauter l'Occident, mais être maniac et extrémiste ne donne pas de pouvoirs spéciaux.
Recherche "Operation Gladio" et ca te donnera une bonne idée d'ou vient le 'terrorisme' habituellement. (http://www.amazon.com/NATOs-Secret-Army-Operation-Contemporary/dp/0714685003 , écrit par Daniele Ganser; ce livre étant sa thèse en doctorat science po)
Rédigé par : GreenRockefellerGiant | 17 mai 2007 à 10h31
Avant de justifier tout et n'importe quoi en se servant du vieux prétexte du 11/9, certains feraient bien ici de se documenter un peu plus sur ce fameux jour qui est à l'origine de toutes les justifications de l'administration US et de ses fans...
http://www.reopen911.info/
Rédigé par : Marab | 26 mai 2007 à 11h30