Encore une fois cette année, les Québécois se classent parmi les Nord-Américains les moins généreux (en 59e position sur 64 États, provinces et territoires) dans le Generosity Index publié par l’Institut Fraser. L’étude révèle que seulement 22,5% des contribuables québécois ont déclaré des dons de bienfaisance, comptant pour 0,33% de l’ensemble de leurs revenus personnels.
Les Manitobains sont les plus généreux des Canadiens, 28,4% d’entre eux versant aux œuvres de charité des dons totalisant 1,11% de leurs revenus totaux. L’Utah arrive en tête sur le continent: ses citoyens versent 11 fois plus de dons que les Québécois.
Une étude de Statistique Canada confirme le même phénomène en utilisant des données un peu différentes. Peut-on en conclure que les Québécois sont des êtres mesquins qui se préoccupent peu de leur prochain comparés aux autres Nord-Américains?
D’un point de vue économique, les œuvres de charité sont un «service» comme les autres, offert par des entreprises et pour lesquels les gens sont prêts à payer. Le service en question que l’on se procure est le sentiment d’avoir contribué au bien-être d’autres membres de sa communauté.
Différentes entreprises se font la concurrence dans ce marché: Centraide, les œuvres du cardinal Léger, la Société canadienne du cancer, etc. Une organisation domine toutefois: l’État, qui joue lui aussi un rôle de redistribution des ressources en faveur d’œuvres qu’on pourrait qualifier de «charitable». En fait, avec les privilèges dont il jouit, en particulier celui de pouvoir extraire une partie importantes des revenus de chaque citoyen avant même qu’il puisse penser à donner à d’autres organisations, on peut dire qu’il fait une «concurrence déloyale» à celles-ci.
C’est cet intéressante analyse qu’a faite la semaine dernière le professeur Martin Boyer lors d’un colloque à HEC Montréal. Il a également pu l’illustrer en ajoutant aux dons privés l’équivalent d’une portion donnée (de force évidemment) aux «œuvres charitables» de l’État par l’entremise de l’impôt. Si l’on suit cette logique, on peut présumer que plus l’État est gros, plus il prend en impôt et fait une concurrence déloyale, et moins les gens auront tendance à donner à des œuvres privées. Non seulement auront-ils moins de ressources disponibles pour le faire, mais ils auront l’impression d’avoir déjà donné.
Et effectivement, on ajoutant les deux types de contributions (privées volontaires et publiques forcées), M. Boyer arrive à des données surprenantes: les Québécois, qui paient plus d’impôt que la plupart des autres Canadiens, se retrouvent non plus à la traîne, mais dans la moyenne. Ils seraient donc ni moins, ni plus généreux que les autres Canadiens.
D’une certaine façon, cela absout les Québécois pour ce qui semble être leur manque de générosité privée. Mais tout ne s’équivaut pas. La charité, la générosité, la volonté d’aider son prochain, ne peuvent être que des vertus exercées dans un cadre volontaire. On n’a aucun mérite lorsqu’on est forcé à faire quelque chose.
C’est pour cette raison que les gauchistes nationalistes partisans du «modèle québécois», qui prétendent que nous sommes plus vertueux que les autres Nord-Américains à cause de nos programmes sociaux plus développés, ne sont en fait que de parfaits hypocrites. Ou bien ils profitent eux-mêmes de ce système en tant que bénéficiaires des largesses de l’État; ou bien ils se donnent bonne conscience en appuyant l’utilisation de la coercition pour forcer les autres à contribuer, ce qui les dispense de faire leur part individuellement tout en obtenant le «service» à un coût minimal. D’une façon ou d’une autre, ce sont des profiteurs, dans le sens péjoratif du terme.
Les Québécois en général ne sont peut-être pas encore nécessairement moins généreux que les autres. Mais le système qui permet à une organisation fondée sur la coercition de s’imposer dans le marché de la charité, et de faire cette concurrence déloyale aux organisations qui utilisent plutôt la persuasion, engendre à long terme une corruption morale généralisée – au-delà de celle dont font preuve les gauchistes. On l’a vu dans les pays communistes: les gens finissent par vraiment ne plus se préoccuper de leur prochain, puisqu’ils ont perdu tout contrôle sur leur propre vie. Ils ne cherchent qu’à profiter du système pour avancer leurs propres intérêts, même en piétinant ceux des autres.
Comme on le voit dans plein d’autres domaines, l’intervention de l’État engendre son contraire: la charité forcée rend les gens individualistes et insensibles aux autres. Par contre, un système fondé sur la liberté individuelle encourage la véritable générosité, celle qui s’exprime volontairement.
Autre lecture en rapport avec la guignolée, le don et la pauvreté: Choisit-on d'être pauvre?
Réduire la générosité uniquement à ce qu'on déclare comme dons de charité sur notre rapport d'impôt, me semble pas mal tordu comme concept, ne trouvez-vous pas?
Depuis quand la générosité se résume-t-elle à une simple question d'argent donné?
Ceux qui donnent de leur temps ne sont-ils pas eux aussi généreux?
Ceux qui achètent une oeuvre d'art ou autre objet dans un encan de charité, le font-ils uniquement par générosité ou charité? Et s'ils le déclarent comme don de charité dans leur impôt, c'est-à-dire qu'ils en font payer une partie par le reste des payeurs d'impôt, sont-ils vraiment si généreux que ça?
La vraie générosité ne se fait-elle pas dans la discrétion et le silence?
Comment peut-on, ne serait-ce que penser à, mesurer la générosité?
Je touve cela très étrange. Mais peut-être que c'est moi qui n'y comprend rien? Si c'est le cas, alors qu'on m'explique!
Rédigé par : Gerry Flaychy | 20 décembre 2007 à 21h28
Le calcul n'est pas parfait, mais il est probablement fiable. Ne croyez-vous pas qu'il y ait une corrélation forte entre donner "officiellement" à des oeuvres de charité et le bénévolat et autres dons de soi non calculés? À tout le moins au niveau d'une société, sinon individuellement?
Rédigé par : Francis St-Pierre | 20 décembre 2007 à 22h56
Excellents articles (je n'avais jamais lu "choisit-on d'être pauvre") et étonnante tradition, à ma connaissance quasi inconnue en France, que celle de la guignolée.
Chez nous (ie : la France, pays en voie d'effondrement marxiste précipité) le débat porte sur les "mal logés" et les "sans abris" qui meurent dans le froid...
"Salauds de riches!", disent-ils à gauche, eux qui veulent que l'Etat intervienne pour les sans domicile fixe.
Après le DALO (""droit"" au logement opposable) et l'idée de doubler les logements "sociaux" gérés par l'Etat, l'idée lumineuse est de passer des "contrats" avec des associations par nature quémandeuses de fonds publics, de les aider à réinsérer les SDF et, bien sur, de créer de nouveaux logements rachetés par l'Etat... pendant que les "riches" continuent de donner des fonds à ces mêmes associations.
Comme c'est sympa ! mais l'ensemble des contribuables continuent, pendant ce temps, de payer et leurs impôts (comme la CSG et la TVA, que tous les Francais paient et que l'on comptabilise rarement comme impôts parce qu'indirects) et leurs loyers, souvent très elevés et pesant de + en + lourd dans leurs budgets.
Toujours les solutions de l'Etat ! Comme le disait l'humoriste Jean Yanne, si l'Etat instituait un impôt sur la connerie, il s'autofinancerait...
Sur ce, et sans aucun lien logique : bonnes fêtes de fin d'année à tous !
Rédigé par : Philippe Jaunet | 21 décembre 2007 à 06h18
@ Gerry Flaychy
"Et s'ils le déclarent comme don de charité dans leur impôt, c'est-à-dire qu'ils en font payer une partie par le reste des payeurs d'impôt, sont-ils vraiment si généreux que ça?"
Ainsi, toute personne qui profite d'une diminution de ses impôts "ferait payer le reste par les autres"? Ça peut sembler logique à première vue mais celà implique qu'une personne qui utilise les coupons rabais d'une circulaire serait aussi responsable des prix plus élevés que ceux qui n'utilisent pas les coupons doivent payer. Et les déductions pour enfants? Et les REER? etc.
Croyez-vous vraiment que si 50 000 personnes de plus immigraient au Québec et qu'ils avaient des salaires > 100 000$ l'impôt baisserait? Pourquoi?
Rédigé par : Sylvain Falardeau | 21 décembre 2007 à 09h50
Gerry Flaychy a écrit :
« Depuis quand la générosité se résume-t-elle à une simple question d'argent donné? Ceux qui donnent de leur temps ne sont-ils pas eux aussi généreux? »
Donner de son temps = bénévolat
M. Flaychy, voici un lien qui vous renseignera davantage sur les habitudes des "généreux" Québécois en ce qui a trait au bénévolat :
Les Québécois sont derniers au Canada pour le bénévolat
http://canadianpress.google.com/article/ALeqM5garpRdTFyJD_-_nQ_vnUFcHlIAmA
Ils étaient probablement occupés à regarder la télé : http://www.statcan.ca/Daily/Francais/011023/q011023a.htm
« C'est à Terre-Neuve et au Québec que les gens ont passé le plus grand nombre d'heures à regarder la télévision (24,0 heures) et en Alberta qu'ils en ont passé le moins (19,7 heures).
Au Québec, les heures d'écoute des francophones ont dépassé de quatre heures celles des anglophones et de trois heures la moyenne nationale. Dans cette province, les francophones de tous les groupes d'âge, peu importe le sexe, ont regardé davantage la télévision que les anglophones, bien que l'ampleur de la différence a varié d'un groupe à l'autre.»
Rédigé par : Hugo | 21 décembre 2007 à 10h10
A ceux qui m'ont répondu:
Le problème que j'ai soulevé a trait à l'utilisation de la notion de générosité, à l'idée que la générosité puisse se mesurer, et en outre qu'elle puisse se mesurer à partir de déclarations d'impôts: c'est ce que je trouve aberrant.
Je comprend que d'autres ne trouvent pas ça aberrant, en commencant par ceux qui ont fait l'étude intitulée Generosity Index , puisqu'ils utilisent cette notion de générosité, et c'est cet emploi de cette notion que je conteste. Je trouve que c'est abusif.
Par exemple, comment peuvent-ils déterminer que si je déclare 1 000 $, ou 10 000 $, ou n'importe quel autre montant, dans mon rapport d'impôt, que j'ai été généreux ou non? Qu'en savent-ils?
Je connais des gens qui s'ils déclaraient 1 000 $, et que ce 1 000 $ a été effectivement donné, je les considéreraient généreux, et d'autres qui s'ils déclaraient la même chose, je les considéreraient pas mal mesquin! Comment alors des statisticiens, qui ne voient que des chiffres, peuvent-ils faire pour se prononcer sur la générosité ou non de ceux qui ont déclarés ces chiffres?
Rédigé par : Gerry Flaychy | 21 décembre 2007 à 19h56
Ce que cette étude appelle "Dons de charité" inclut en fait les donations aux organismes religieux, les dons de mécènes et ce que le commun des mortels appelle réellement un don de charité. Les dons aux organismes religieux expliquent probablement l'écart énorme entre le Canada et les USA, et probablement aussi une bonne part de l'écart du Québec par rapport au reste du pays, les Québécois étant les moins portés sur la religion il me semble. Par exemple, les mormons et les témoins de Jéhovah, il me semble, exigent à leur membres de 10% de leur revenus. En Utah, si on applique cette régle à 30% des gens, ca ressemble au 3% du revenu de l'étude....
Ensuite, les don de mécènes, par défintion des montants élevés, font sûrement monter la moyenne au Canada. Si on enlevait ainsi les dons aux organismes religieux et les dons de mécènes, je suis à peut près convaincu que le "Québécois moyen" se rapproche beaucoup du "Canadien moyen".
Rédigé par : Bernard De Blois | 21 décembre 2007 à 20h58
Les québecois sont-ils plus cheap qu'ailleurs?
Peut-être que oui, peut-être que non.
Néanmoins, n'est-il pas curieux que l'on soit l'état le plus imposé et taxé en Amérique du Nord et a la fois aussi illetré économiquement.
Une grande portion de gens investissent zéro cents dans leur REER, comment imaginez-vous qu'ils aient l'ombre d'une idée que les dons de charités peuvent être déductibles d'impot???
Rédigé par : Tym Machine | 21 décembre 2007 à 21h24
Au Québec, il y a beaucoup de petits salariés qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts chaque fin de mois. Même s'ils ont droit à mettre de l'argent dans un Réer, probablement qu'ils considèrent qu'il est préférable pour eux de prendre le peu d'argent qu'ils ont pour régler les difficultés du présent plutôt que celles d'un avenir lointain.
On peut aussi se demander si investir dans un Réer est nécessairement bon pour tout le monde. Par exemple, quelqu'un qui augmente son revenu régulièrement, et qui au début paie disons 20% d'impôt, et qui se voie payant 50% d'impôt à l'âge de la retraite, peut à juste titre se demander si ça va être vraiment profitable pour lui d'investir dans un Réer, sans compter ce qu'il peut perdre du coté des pensions de retraite, plus la RRQ qui va venir s'ajouter à son revenu. Il a un calcul à faire avant de décider ce qu'il fera.
Il y a aussi ceux qui vivent de la sécurité du revenu et qui n'investissent pas dans les Réer.
Ce n'est donc pas juste une question d'être illettré économiquement.
D'autre part, l'argent qu'on met dans un Réer, on ne peut pas le mettre en même temps dans des dons de bienfaisance. Pour faire les deux à la fois, il faut donc disposer d'un certain niveau de revenu le permettant.
Et si les dons qu'on fait sont plusieurs petits dons qu'on fait ici et là, et pour lesquels on ne reçoit pas de reçus d'impôt, on ne peut les déduire de notre impôt, donc ils ne comptent pas dans les statistiques. Ce qui ne veut pas dire que ces gens-là ne sont pas généreux. Mais c'est pourtant ce que prétend l'étude « Generosity index ». Idem pour les petits salariés qui peinent à joindre les deux bouts, pour ceux qui ayant investi dans un Réer ont alors moins d'argent pour les dons de bienfaisance, et pour tous ceux dont les heures de bénévolat ne sont pas comptabilisées en termes monétaires et ensuite ajoutées à la ligne « dons de bienfaisance » de la déclaration d'impôt.
Remarquez d'ailleurs que dans les formulaires d'impôt on parle de bienfaisance, et non de charité, et encore moins de générosité! Au moins au gouvernement, ils ont quand même compris qu'il ne fallait pas confondre l'un avec l'autre.
Alors, quant à moi, pour l'index de « générosité », on repassera!
Rédigé par : Gerry Flaychy | 22 décembre 2007 à 14h19
On devrait compter aussi les dons que NOUS faisons aux autres et à nous mêmes.
Le travail au noir qui constitue au bas mot 10 à 15% de notre économie, des milliards perdus en impot...
Notre électricité que l'on donne à Alcan, elle devrait également être comptabilisée comme don de charité.
Nos bas tarifs pour les terres de l'Outaouais données en paturage en guise de "cottage" pour les "Québeco-ontariens", immatriculés Ontario sur leur plaque de char parce qu'ils ont une boite postale à Ottawa ou soit disant habitent chez un ami là bas mais qui dans les faits devraient payer des impôts au Québec.
Les paradis fiscaux, le scandale des commandites, les petites crosses "on the side"....
Finalement, on est peut-être plus généreux qu'on ne le pense et que les statistiques pourraient nous amener à penser à cela....
Pour l'illétrisme économique, je n'en démore pas cependant, vous irez demander cela à nos grands penseurs socialistes dans nos écoles pourquoi vont-ils enlever le SEUL cours d'économie au secondaire dans l'instruction publique???
Est-ce que notre culture serait devenu aussi insipide que la bouffe des cafétéria scolaires???
Rédigé par : Tym Machine | 29 décembre 2007 à 00h51
La démonstration de Martin Boyer est lumineuse, ceci dit j'avais déjà soumis cette opinion par le passé à un journaliste de La Presse tant l'explication me semblait évidente. La conclusion est que les Québécois ne sont pas moins généreux que les autres, ils sont simplement sur-taxés. c.q.f.d.
Rédigé par : Pierre-Yves Pau | 07 janvier 2008 à 09h55
Absolument d'accord avec vous monsieur Pau.
J'aimerais donner davantage mais on est taxé sur tout au Québec.
Taxer et surtaxer! Il ne reste plus rien.
Rédigé par : Avard | 07 janvier 2008 à 10h04