On se le fait dire constamment par les illettrés économiques: les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent! C’est évidemment faux. Enfin, la seconde partie de l’affirmation est fausse. La réalité est que pratiquement tout le monde s’enrichit dans une économie en croissance, mais à des degrés divers.
Il est vrai toutefois que les inégalités semblent s’accroître lorsqu’on observe les écarts de richesse, ce qui n’est pas très surprenant. Les personnes à revenu modeste, qui ne possèdent aucun actif ni aucun investissement, ne peuvent compter que sur leurs augmentations de salaire pour améliorer leur sort. Les personnes aisées ont au contraire souvent diverses sources de revenu qui s’accroissent en même temps. Leur salaire augmente, leurs investissements rapportent, leurs actifs prennent de la valeur.
Ainsi, même si le taux d’augmentation du revenu est le même pour le pauvre et le riche – disons, 3% par année –, ça signifie qu’en termes nominaux, les écarts vont sembler toujours plus grands. Le millionnaire est plus riche de 30 000$ après une année; celui qui a un revenu de 10 000$ dispose de seulement 300$ de plus. L’écart de richesse entre les deux vient de passer de 990 000$ à 1 019 700$.
D’un point de vue libertarien, ces écarts de richesse n’ont aucune importance. Ce qui compte est que chacun soit libre de travailler, de produire, de commercer, et qu’il puisse récolter les fruits de son travail et des risques entrepreneuriaux qu’il prend. S’il le fait en respectant la propriété et les droits d’autrui et que toute la richesse qu’il en retire est légitimement acquise, personne ne devrait avoir quoi que ce soit à en redire. Cette personne a d’ailleurs permis à d’autres de s’enrichir en s’enrichissant elle-même. La redistribution de son revenu par l’État n’est qu’une forme de vol légal.
Mais les riches ne s’enrichissent-ils que de façon légitime? N’y a-t-il aucun fondement aux dénonciations des écarts de richesse qui vont en augmentant?
Dans un article publié sur le site Mises.org, le renommée économiste George Riesman propose une analyse des effets pervers des politiques monétaires inflationnistes qui permet de répondre à la question. Ces politiques ne seraient pas uniquement responsables des cycles de boom et de repli économiques comme celui que nous traversons en ce moment, mais aussi d’une augmentation notable des inégalités, pour laquelle on blâme à tort le système capitaliste.
Ce n’est pas un accident si les deux principales périodes d’expansion du crédit dans l’histoire – les années 1920 et la période qui va du milieu des années 1990 à aujourd’hui – ont été caractérisées par une augmentation majeure des inégalités économiques. Autant dans les années 1920 que plus récemment, l’une des causes majeures de ces inégalités accrues est que les fonds additionnels créés par l’expansion du crédit se retrouvent rapidement dans les marchés financiers, où ils ont pour effet de faire grimer les prix des valeurs mobilières, et en particulier des actions ordinaires. Les propriétaires d’actions ordinaires sont majoritairement des individus financièrement à l’aise, qui se retrouvent soudainement à bénéficier de gains de capital substantiels. Ces gains sont d’autant plus impressionnants que l’expansion du crédit est considérable et prolongée et qu’elle permet de gonfler les prix des actions. Durant ce processus d'injection monétaire dans les marchés financiers, les banquiers d’affaires et les spéculateurs à la bourse se retrouvent dans une position où ils peuvent bénéficier de gains importants.
(…) Les fonds additionnels injectés dans le système économique se manifestent également rapidement en termes de demande accrue pour les biens de production tels que les inventaires, les usines et l’outillage, et de demande accrue pour des biens de consommations durables comme les maisons et les automobiles. Les achats pour ces derniers types de biens, comme ceux des biens de production que se procurent les entreprises, dépendent en grande partie du crédit et sont encouragés par de bas taux d’intérêt. Ils sont aussi alimentés par les gains de capital qu’engrangent les personnes riches, ce qui entraîne une hausse particulièrement forte de la demande pour des demeures cossues et des objets de luxe en général.
N’est-ce pas intéressant? Les riches qui s’enrichissent trop vite, la consommation effrénée de biens de luxe, les châteaux démesurés qu’on construit dans les quartiers cossus: tout cela serait encouragé non pas par le fonctionnement normal de l’économie de marché, mais bien par les politiques inflationnistes débiles des banques centrales, avec l’appui de nos gouvernements, de tous ces parasites du monde financier qui réclament quotidiennement des baisses de taux d’intérêt et des «injections de liquidités» – mais aussi, il faut le souligner, avec la bénédiction des socio-démocrates et des keynésiens qui favorisent ces politiques de «relance» de l’économie par l’intervention de l’État.
Les données officielles tendent à supporter l’analyse de M. Reisman. Une étude récente de Statistique Canada (la même que Michel Kelly-Gagnon citait lors du débat à Télé-Québec et à laquelle je référais en fin de semaine) indique que les écarts de richesse se sont accrus au Canada depuis le milieu des années 1990, les riches s’enrichissant plus rapidement que les moins riches:
L'écart observé entre les familles avec le revenu le plus faible et celles dont le revenu est le plus élevé, indiquant une inégalité du revenu, s'est élargi au cours de la dernière décennie. Ainsi, l'écart entre le quintile supérieur et le quintile inférieur, qui s'établissait à 83 800 $ en 1980, a fluctué entre 79 500 $ et 84 500 $ jusqu'en 1996. En 2005, l'écart avait atteint 105 400 $.
La moyenne du revenu après impôts en 2005 était de 128 200 $ pour la tranche de 20 % des familles ayant les revenus les plus élevés, comparativement à 22 800 $ pour la tranche de 20 % des familles ayant les revenus les plus faibles.
Bien que tous les quintiles aient bénéficié de la conjoncture économique favorable que l'on connaît depuis le début des années 1990, les familles situées dans le quintile supérieur sont celles qui en ont profité le plus. En effet, depuis 1996, la moyenne de leur revenu après impôts a augmenté de 24 %, comparativement à environ 18 % pour les autres quintiles.
Récapitulons: Les riches qui s’enrichissent par des moyens légitimes devraient pouvoir profiter pleinement de leurs avoirs. Mais dans une période de boom économique provoqué par des politiques inflationnistes, les riches s’enrichissent plus vite que les autres, c’est-à-dire qu’ils profitent plus que les autres de cet enrichissement illusoire (illusoire parce que l’inflation monétaire finit toujours par se répercuter dans des hausses de prix et dans le repli économique qui suit le boom). Les riches n’en sont pas nécessairement responsables pour autant; on ne peut pas les blâmer de profiter d’une situation qu’ils n’ont pas créée. Ce sont les gouvernements, et tous ceux qui appuient ces politiques inflationnistes (qui vont des supply-siders et des monétaristes à droite aux keynésiens et autres interventionnistes à gauche), qu’il faut plutôt condamner.
Voilà donc un bon argument à apporter lorsqu’un gauchiste illettré économique vous sortira son baratin habituel contre les riches qui s’enrichissent trop vite: oui, c’est vrai, mais ce n’est pas la faute du capitalisme, ce n’est qu'un autre des effets pervers du contrôle de l’État sur la monnaie.
....oui, c’est vrai, mais ce n’est pas la faute du capitalisme, ce n’est un autre des effets pervers du contrôle de l’État sur la monnaie......
Pas la faute du capitalisme !!! Mais a-t-il jamais existé un système capitaliste sans la fraude bancaire ?
Rédigé par : clusiau | 15 janvier 2008 à 07h18
@clusiau
C'est les individus qui font la fraude bancaire pas le capitalisme...
C'est comme dire 'une societe n'a jamais existe sans corruption' Les individualites forment la societe ou le systeme.
je prefere un systeme ou un groupe libre avec qqs individus qu'il faut remettre sur les rails (corruption, vol,...) qu'un systeme etatique qui vole directement les individus sous un couvert pseudo-legal (loi de l'impot, legitimite democratique...)
Rédigé par : Jerome | 15 janvier 2008 à 09h55
"Mais a-t-il jamais existé un système capitaliste sans la fraude bancaire ?"
Il y a toujours eu des gouvernements ou des rois qui ont manipulé la monnaie à différents degrés. Les rois rognaient les pièces d'or pour en faire de nouvelles mais le peuple s'en rendait compte puisque le poids de celles-ci avait diminué. Il faillait donc employer la loi pour forcer à accepter les nouvelles pièces contrefaites. Une preuve que c'est payant: l'État s'assure d'avoir le monopole dans la contrefaçon et poursuit toute personne qui tenterait d'en faire autant.
Le mot "capitalisme" est malheureusement teinté et amalgamé avec toutes les fraudes, tueries et autres déboires de l'humanité. Peut être qu'employer un autre mot pour le principe "d'échange volontaire et de propriété privée" éviterait l'association facile avec les tyrans?
Rédigé par : Sylvain Falardeau | 15 janvier 2008 à 10h00
Les inégalités économiques, avec ses riches et ses pauvres, existent depuis aussi loin qu'on peut remonter dans l'histoire, donc bien avant que le système capitaliste n'apparaisse.
Si ces inégalités ne sont pas la faute du capitalisme ni des riches, elles ne sont certainement pas plus la faute des pauvres !
Mais d'où vient donc ce système d'inégalité dans la distribution de la richesse ?
Rédigé par : Gerry Flaychy | 24 janvier 2008 à 23h44
"Les riches n’en sont pas nécessairement responsables pour autant; on ne peut pas les blâmer de profiter d’une situation qu’ils n’ont pas créée." Martin Masse
On ne peut pas non plus blâmer les pauvres de s'en plaindre, ni les blâmer de demander au gouvernement de rectifier une situation qu'ils n'ont pas créée et que ce dernier a créé.
Rédigé par : Gerry Flaychy | 05 février 2008 à 14h43