Outre la disparition des «masses prolétariennes», le second argument que j’ai proposé lors du débat de Télé-Québec pour soutenir que la gauche était périmée est que le maintien d’un contrôle étatique sur la vie et les choix économiques des gens est en voie de devenir de plus en plus difficile.
Les politiques proposées par la gauche d’obédience marxiste sont toutes essentiellement fondées sur le contrôle bureaucratique, le protectionnisme, les restrictions et les interdits. Mes opposants lors du débat sont en faveur d’un monopole absolu de l’État sur les systèmes de santé et d’éducation; ils appuient l’existence de monopoles comme Hydro-Québec et la Société des alcools, et souhaiteraient que l’État s’approprie un contrôle sur encore plus de secteurs économiques. En bref, ils veulent empêcher les individus de transiger librement et pacifiquement pour s’offrir divers biens et services, au nom d’une vision égalitariste de la société.
Ce contrôle étatique a toujours été inefficace, pour une raison bien simple, expliquée par les économistes de l’École autrichienne: en l’absence de prix de marché reflétant l’offre et la demande pour les divers facteurs de production et pour les biens de consommation, il est impossible de planifier correctement la production. Les bureaucrates planificateurs n’ont tout simplement pas à leur disposition toutes les informations dispersées dans l’esprit de millions d’acteurs économiques qui leur permettraient de prendre les décisions appropriées.
Cette incapacité fondamentale à s’ajuster fait en sorte que les secteurs contrôlés par l’État souffrent systématiquement de pénurie ou de surplus, et qu’on entend constamment parler de «crise» d’un secteur ou d’un autre où l’État intervient. Et lorsque le contrôle est trop absolu et que les difficultés d’ajustement créent trop d’instabilité, le système peut carrément s’effondrer, comme ce fut le cas des régimes communistes est-européens.
Si l’on fait abstraction de ces difficultés inhérentes à la planification, le gouvernement tout de même peut maintenir un monopole sur un secteur économique spécifique aussi longtemps qu’il contrôle la production ou la distribution et que les consommateurs ne peuvent se tourner vers des fournisseurs étrangers; c’est-à-dire, concrètement, lorsqu’il peut empêcher tout concurrent d’entrer dans son marché.
Un ensemble de phénomènes fait toutefois en sorte que ce type de marché fermé et monopolisé devient de plus en plus difficile à maintenir: l’arrivée de nouvelles technologies (et en particulier d’Internet), qui permettent de s’informer instantanément sur ce qui se passe partout dans le monde; la mondialisation économique, qui permet d’avoir accès plus facilement à des biens et services en provenance de n’importe où sur la planète; le développement de moyens de transport rapide à la portée de plus en plus de gens; et la prospérité grandissante.
J’ai mentionné pendant le débat le cas de la santé et le phénomène du «tourisme médical». Aller se faire soigner à l’étranger, dans un hôpital privé en Thaïlande par exemple, devient de plus en plus abordable et facile à organiser et des dizaines de milliers de Nord-Américains et d’Européens le font chaque année. Certaines cliniques étrangères font même de la publicité au Canada. La médecine à distance, grâce à Internet, est aussi une solution d’avenir. Des innovations dans le domaine des assurances permettent également de contourner les restrictions de la loi sur la santé. Les compagnies d’assurance ne peuvent assurer les soins eux-mêmes, mais certaines offrent un nouveau produit qui promet à l’assuré qui reçoit le diagnostic d’une maladie grave d’obtenir un montant important pour aller se faire soigner à l’extérieur du Canada. Il devient impossible de maintenir un monopole dans de telles conditions.
On peut donner d’autres exemples, le plus évident étant l’impossibilité désormais manifeste pour un gouvernement de contrôler toute l’information sur son territoire. Depuis l’invention de la radio à ondes courtes, et plus encore du fax ou de la cassette vidéo, on a vu évidemment des fissures apparaître dans le monopole des régimes totalitaire sur l’information. Mais avec Internet, le gouvernement d’un pays développé ne pourra tout simplement plus empêcher ses citoyens de s’informer. Il pourra tout au plus, comme le fait le tyran chinois, contrôler partiellement le flot d’information.
L’éducation constitue avec la santé l’autre grand monopole étatique le plus important dans la vie de chacun. Impossible de s’y soustraire, de l’école primaire à l’université, puisque même les institutions dites «privées» sont en grande partie réglementées et contrôlées par l’État. Mais l’éducation à distance est en train d’en miner les fondations. Que ce passera-t-il lorsqu’on pourra facilement suivre n’importe quel cours de n’importe qu’elle institution dans le monde? Lorsqu’on pourra «télécharger» un professeur donnant son cours sous la forme d’un hologramme dans son salon? Plus encore, maintenant qu’on peut s’éduquer tout seul le plus simplement du monde sur tous les sujets imaginables grâce à Internet, la valeur d’une éducation formelle en institution n’est-elle pas en train de diminuer graduellement?
Prenons enfin le cas de l’énergie. Les technologies actuelles, comme l’hydro-électricité, sont caractérisées par une production de masse et facilitent conséquemment un monopole étatique sur la production et la distribution. Mais imaginez que dans quelques années, un appareil sur le toit de votre maison produise toute l’électricité dont vous avez besoin? Il se vend déjà des panneaux solaires, coûteux et peu efficaces. Mais la technologie va continuer d’évoluer à une vitesse vertigineuse, et ce secteur va se transformer radicalement au cours des prochaines décennies. Les monopoles étatiques du secteur de l’énergie risquent de devenir des mastodontes en voie de disparition.
Ce n’est évidemment pas d’hier que les développements à l’échelle mondiale posent des limites à la possibilité de mettre de l’avant des politiques socialistes et dirigistes au sein d’un pays donné. En 1983, le gouvernement socialo-communiste de François Mitterrand a dû adopter une «politique de rigueur» et renverser plusieurs des mesures prises deux années plus tôt à cause notamment d’une fuite des capitaux et d’une dévaluation du franc. Les marchés financiers internationaux n’ont tout simplement pas permis à la France, un pays étroitement intégré dans l’économie mondiale, de poursuivre cette expérience désastreuse.
Ce qui va arriver dans l’avenir, c’est simplement un approfondissement et un élargissement de cette tendance, qui fait en sorte que l’obsession de contrôle de la gauche deviendra de plus en plus un fantasme déconnecté de la réalité au lieu d’être une option politique réaliste. L’État continuera bien sûr de mettre sa grosse patte sur presque tout ce qui bouge, mais il ne pourra plus le faire au moyen de monopoles et il deviendra plus facile de contourner ses interdits.
Et que pensent nos grands intellectuels gauchistes de ces développements? Difficile à dire, puisqu’aucun ne semble y prêter attention, trop occupés qu’ils sont à débattre de la mise en place de «Pharma Québec» (un nouveau monopole sur la recherche pharmaceutique proposé par Québec solidaire), à discuter des ratés du quasi monopole de l'État sur les garderies, ou encore à lutter contre toute nouvelle ouverture vers le privé du système de santé. Laissons-les patauger dans leurs illusions.
Dire que le contrôle étatique est de moins en moins possible n'est pas vraiment un argument en faveur du libre marché (pour prendre une comparaison extreme, dire que la prévention du crime serait de plus en plus ardu ne serait pas un argument en faveur d'un droit au crime).
En revanche, c'est une très bonne nouvelle pour les amoureux de la liberté.
Reste à savoir en combien de temps les nouvelles technologies de l'information permettront de renverser the powers that be.
Rédigé par : Naufragé | 14 janvier 2008 à 09h44
.....L’État continuera bien sûr de mettre sa grosse patte sur presque tout ce qui bouge, mais il ne pourra plus le faire au moyen de monopoles et il deviendra plus facile de contourner ses interdits.....
Il est facile de contourner les monopoles ? L'Office des Professions est le siège social des gros monopoles québécois. Essayer de les contourner pour voir, vous m'en direz des nouvelles.
Parlant du BigPharma, quand une majorité de personnes auront accepté de se faire vacciner, croyez-vous que ceux qui ne veulent rien savoir de ça seront libres ?
Ne seront-ils pas pointés du doigt et accusés de répendre des virus, des maladies ?
En ce moment, un enfant tannant, un gars de préférence, sera drogué au Ritalin et si ses parents refusent, il sera banni et exclut de toute sorte de manière. Un enfant non-vacciné a de la difficulté à être accepté dans une école. Etc...etc...etc...
La liberté de la personne humaine ne vaut rien face à un monopole, n'importe lequel. Une société de libre marché qui créé des monopoles est hypocrite. Merci.
Rédigé par : clusiau | 14 janvier 2008 à 09h57
Clusiau : Essayer de mettre un peu d'ordre dans vos arguments.
Il est très difficile de vous suivre.
Rédigé par : Christine | 14 janvier 2008 à 11h35
Non, ça se suit assez bien je trouve, même si cela mériterait d'être développé un peu. Par exemple on pourrait parler du monopole public des soins de santé, et de la logique de rationnement de l'offre de soin qu'il impose au Canadiens en général et aux Québécois en particuliers. Tant que le cout d'opportunité lié au contournement de ce monopole là n'affectera pas substantiellement la valeur de la rente de situation dont il jouit, je ne vois pas bien ce que le contournement en question apporte au citoyen lambda.
Rédigé par : Pierre-Yves | 14 janvier 2008 à 15h25
Christine, je dis que le Québec a créé l'Office des Professions pour créé des monopoles. Que celui qui se vante de pouvoir les contourner, s'en moquer maintenant ou plus tard et ben, qu'il s'essaie.
D'assurance-maladie @ assurance-santé, Christine, voyez-vous un ordre difficile à suivre ?
Ça signifie l'appropriation de la santé.
Que les experts des maladies monopolisent la santé humaine ça vous fait rien ça ?
Je dis aussi Christine qu'une Province qui se vante de créer un espace de libre-commerce et qui crée des monopoles est complètement hypocrite. Est-ce assez clair ? Merci.
Rédigé par : clusiau | 14 janvier 2008 à 17h21
Monopole d'etat ou vous pouvez vous faire soigner gratuitement, ou Monopole des Multinationales (Assurances, Pharmaceutiques) a l'Americaine ou vous devez payer une prime minimale de $8,000. dollars annuellement, malade ou pas et dont vous pouvez etre exclus si vous etes deja affecte d'une maladie grave, environ $60,000. pour un pontage cardiaque si vous avez oublie de payer votre prime, Que preferez-vous????
Rédigé par : Republica | 14 janvier 2008 à 19h14
Aller se faire soigner en Thailande coutera moins cher qu'a Montreal, allons donc, 50,000 au lieu de 60,000 peut-etre mais qui paira?
Rédigé par : Republica | 14 janvier 2008 à 19h19
Je préfére payer pour avoir un bon service, une assurance privée que de perdre ma femme d'un cancer sur une liste d'attente comme l'an dernier dans votre merveilleux monopole Public de merde.
Au Québec la gratuité du système public rime avec l'inefficacité ou l'on vous considère comme un numero de trop.
Et cette gratuité est illusoire, car elle est financer a même l'argent de nos impôts. Et l'argent ne pousse pas dans les arbres.
Rédigé par : André | 14 janvier 2008 à 19h22
Mon frère est assuré aux Etats-Unis, dans la région de Miami pour une famille de quatre personnes. Il est dans la classe moyenne et sa jeune fille a des problèmes d'élocution. Le service est bon et adapté à ses besoins a domicile. Essayer juste de trouver un médecin de famille ici dans le beau service gratuit du Québec.
Oui tout est gratuit (En théorie) mais pas de service. Il faut se battre a l'urgence juste pour se faire respecter.
Rédigé par : André | 14 janvier 2008 à 19h26
@Republica
`Gratuitement`? Mais enfin, c'est d'une naïveté incommensurable de dire cela. Cette 'gratuité` me coute annuellement (enfin, me coutait puisque j'ai finalement décidé d'aller payer mes impôts ailleurs) environ 20,000$ d'impôt sur le revenu par an, dans ma tranche. A ce prix là on trouve une assurance santé tout a fait convenable aux États-Unis, et en Ontario ou je me suis finalement relocalisé, pour environ 15% de moins je dispose d'un meilleur accès au soins.
Il n'y a rien de 'gratuit' dans la vie, c'est toujours quelqu'un qui paie pour... jusqu'au jour ou ce quelqu'un là décide de ne plus se montrer bien entendu.
Rédigé par : Pierre-Yves | 14 janvier 2008 à 19h45
c'est vrai, "gratuit" dans le vrai terme du mot est presqu'impossible, 15% de moins en Ontario est appreciable, j'irai bientot vivre au NouvBrunswick, j'espere y trouver aussi une difference avantageuse, je serais curieux de savoir la prime payee aux USA par le frere d'Andre pour un plan familial
Rédigé par : Republica | 14 janvier 2008 à 20h51
@Republica,
Peut-être pas moins cher mais quand tu as le choix entre casser tes dernières économies de ton petit cochon ou mourrir sur une liste d'attente, la question ne devrait même pas se poser à moins d'être idéologue marxiste au point d'en mourrir.
Cordialement vôtre,
Tym Machine
Rédigé par : Tym Machine | 14 janvier 2008 à 21h07
En fait de gratuité, notre beau système de santé canadien et québécois est un des plus dispendieux au monde. Le Canada est le pays de l'OCDE qui dépense le plus, après l'Islande, pour ses soins de santé (per capita, ajusté pour l'age).
Voir ici même: http://www.quebecoislibre.org/07/071028-5.htm
Et malgré ces couts important, la performance n'est pas au rendez-vous.
Rédigé par : Pierre-Yves | 14 janvier 2008 à 21h19
N'oublions pas qu'à l'opposé des monopoles, la compétition est toujours bonne pour le consommateur.
Rédigé par : Stephen Buddo | 14 janvier 2008 à 21h34
C'est avec grand intérêt que j'ai vu (et revu) le débat en question et M. Masse a défendu ses idées avec conviction, sérieux et respect au point même où l'on a, à plusieurs reprises, entendu des applaudissements marqués en sa faveur; chose rarement atteinte par la "droite" dans ce genre d'émission à tendance gauchiste (comparer la go-goche à Bush était génial!!! Et que dire de la définition de la "générosité" de la gauche...). Les blogues de la gauche en sont même réduits à s'auto-flageller et à envisager d'admettre que leurs représentants à l'émission n'étaient peut-être pas les meilleurs... C'est plutôt leur cause qui est devenue indéfendable mais leur cheminement n'en est pas encore rendu là. Ils sont un peu plus lents que la moyenne... Quoiqu'il en soit, qui mieux qu'un Amir Kadir, demi-chef d'un parti politique identifié officiellement à la gauche québécoise pourrait les défendre? Leur autre représentant ne semblait pas du tout à sa place...j'en conviens et j'aurais aimé plutôt y voir Léo-Paul Lauzon mais bon...
Il y avait quand même un piège et c'est celui d'avoir comme invité un personnage de la planète péquito-gochiste-extrémiste. On savait dès le départ ce qu'il allait dire après ce débat et il a fait son petit numéro moraliste anti-droite... Comme on s'y attendait!
M. Kelly-gagnon, on le sent, a des intérêts légèrement différents à défendre que ceux qu'il soutenait lorsqu'il était à l'IEDM et il est plus mielleux et plus onctueux qu'avant. Il a aussi tendance à être un peu moins absolu dans son langage et vouloir se donner une image de rassembleur (me faisait penser à Brian Mulroney...). On sentait qu'il ne voulait provoquer personne et qu'il protégeait peut-être ses arrières au cas où une carrière politique se dessinait à l'horizon.
Il ne faut pas jamais cesser de défier, voire d'affronter la gauche car on perçoit qu'au Québec, l'édifice de leurs certitudes vacille singulièrement et j'en veux pour preuve qu'au Québec, il n'y aurait jamais eu ce genre de débat il y a 10 ans car personne n'aurait osé s'afficher publiquement pour la raison.
Rédigé par : François 1 | 17 janvier 2008 à 16h35