par Mathieu Bréard
«Quel est le pays qui a été le plus humilié, le plus détruit, le plus occupé, le plus traité comme un protectorat au cours du 20e siècle à tel point qu'il a reçu deux bombes atomiques – il les avait bien cherchées? C’est le Japon. Il ne restait plus rien du Japon. Quarante ans plus tard, c'était une des plus grandes puissances mondiales.» Ainsi s'exprimait le documentariste français Frédéric Mitterrand récemment sur une chaîne de télé française pour dénoncer l'immobilisme du continent africain vers lequel l'Occident déverse depuis près d'un demi-siècle des milliards de dollars de subventions en pure perte. Malgré tout cet argent, rien ne bouge. Les institutions y sont corrompues, les élites s'enrichissent et malgré tout l'enveloppe d’aide au continent noir n'est jamais assez grosse pour nos politiciens qui nous ont inculqué au fil des ans un profond sentiment de culpabilité. C’est l'émotion plutôt que la raison. Comme si l'Afrique n'avait aucune part de responsabilité pour le marasme dans lequel elle se trouve.
Prenons l'exemple récent du Kenya. Depuis la fraude électorale de décembre, nous assistons à l'anéantissement des libertés et à l'effondrement de l'économie. Faisons taire immédiatement les sales langues qui seraient tentées de jeter la faute sur l'ère coloniale. Il est question ici des bassesses des dirigeants locaux qui cultivent et répandent la misère. Il y a quelques années, ce pays était pourtant sur la voie du progrès, ayant mis en place des réformes institutionnelles saluées par le reste du monde. Si prometteur que l'on voyait le Kenya comme une lueur d'espoir dans une Afrique subsaharienne plongée dans la grande noirceur.
Malheureusement, le président Mwai Kibaki s'obstine à vouloir conserver le pouvoir. Il a minutieusement mis en place un régime qui sert avant tout ses intérêts en jouant sur de vieilles querelles tribales. La violence envahit les rues et la situation à l'échelle nationale se détériore. Si la fin du régime de parti unique en 2002 annonçait une décentralisation du pouvoir et une plus grande autonomie pour les régions, tout ceci vient d'être balayé du revers de la main. Le Kenya retourne tranquillement vers un régime kleptocratique et archaïque qui brime les droits de la population. Ce cas n'est pas isolé. Nous pourrions également citer celui du Ghana dont la situation économique au début des années 1960 était comparable à celle de la Corée du Sud.
Les solutions ne viendront pas de l'extérieur, mais bien de l'intérieur. Il faut un changement complet de mentalité en Afrique. Et cette réflexion se heurte à toutes sortes de tabous bien ancrés dans l'imaginaire collectif. Les Africains ne se sont toujours pas débarrassés de leur image d'éternelles victimes, de la croyance que leur avenir doit être dicté par des étrangers et que le progrès est en soi une forme de soumission, un aveu d'échec. Depuis l'indépendance des colonies, on a beaucoup de mal à harnacher tout le potentiel humain, les acquis de l'histoire, et les valeurs traditionnelles afin d'en faire de véritables outils de développement, gage d'un projet de civilisation cohérent. Il y a encore un malaise devant l'apport des sciences, de la technologie et de la possibilité d'aller chercher des idées à l'étranger afin de les adapter et les intégrer intelligemment. Le tribalisme dans lequel les individus sont cloisonnés rend problématique la possibilité de mettre au monde un système de droit adapté à la réalité africaine. Et ce n'est certainement pas à nous les Occidentaux de débarquer là-bas avec nos grands sabots et de dire: voilà, nous allons superviser une élection pendant quelques mois sous le regard des médias. Observez-nous et vous aurez ensuite la recette miracle.
La pire chose à faire est de laisser nos dirigeants nous gaver quotidiennement d'illusions à propos de l'aide à donner au continent noir. Non seulement, nous faire les poches pour financer ce genre de mesures est-il immoral, mais en plus il s'agit de gaspillage. On donne de l'argent qui bien souvent aboutit dans les coffres de régimes douteux ou encore dans un compte bancaire en Suisse, quand il ne disparaît pas tout simplement dans la stratosphère... L'aide à outrance est un échec et il faut y mettre un terme. Le problème de l'Afrique est avant tout celui de l'Afrique (voir aussi l'article de Martin Masse: «Éliminons l'aide aux pays pauvres»).
Est-ce que des rivières d'argent reviendraient dans les coffres des gouvernements par un type de néo-colonialisme rendu effectif par les actions purement mercantiles des compagnies prospectrices en ressources naturelles ? D'autre part, est-ce que les compagnies originaires de notre pays, dont celles qui vendent des armes, reprendraient l'argent des contribuables canadiens en catimini ?.. Ha, les voies des marchés sont impénétrables !
Rédigé par : WaltA | 25 février 2008 à 20h46
Je donne souvent cet article en référence récent du New York Times face aux problèmes de l'Afrique, et il rejoint justement parfaitement le thème de ce billet :
http://www.nytimes.com/2007/12/02/world/africa/02malawi.html?ex=1354251600&en=e3c079ed0f21238b&ei=5088&partner=rssnyt&emc=rss
Essentiellement, on raconte la petite histoire du Malawi, où le président a décidé d'envoyer paître les soi-disant experts de la Banque Mondiale et d'engager des agronomes et de subventionner l'achat de fertilisants plutôt que de suivre l'avis des experts de produire des cultures dédiées à l'exportation et d'importer leur nourriture.
Malgré que l'on puisse trouver regrettable la mainmise et la superversion de l'État dans ce dossier, les faits sont là : le Malawi se trouve dans le besoin de vendre ses récoltes aux pays environnants tellement les récoltes sont bonnes. Là où la famine sévissait encore tout récemment, on en arrive à une situation économiquement favorable pour ce pays. La situation a par le fait même fait baisser le prix de la nourriture ainsi que fait augmenter le salaire moyen des habitants. Il leur suffisait de se prendre en main et ils l'ont fait de belle façon.
Rédigé par : David Lacerte | 25 février 2008 à 23h00
Excellent article, criant de vérité!
Rédigé par : Paul Seger | 26 février 2008 à 07h40
Sur ce sujet, parmi les dizaines de sources de gaspillage annoncées aujourd'hui par le ministre Flaherty dans son plan budgétaire 2008:
"Le peuple canadien est compatissant et généreux. Le budget de 2008 prévoit des ressources et l’orientation requises pour permettre au Canada de réaffirmer son influence par rapport aux questions internationales, grâce aux mesures suivantes :
-Respecter notre promesse de doubler l’aide internationale pour la porter à 5 milliards de dollars d’ici 2010-2011.
-Respecter l’engagement de doubler l’aide accordée à l’Afrique d’ici 2008-2009, devenant ainsi le premier pays du Groupe des Huit à le faire."
Rédigé par : Martin Masse | 26 février 2008 à 18h00
Ce n'est pas tant que ça lorsque l'on songe que les grands festivaux de Montréal vont toucher 2 milliards de la part du Gvt canadien. Quant à l'Afrique, tout repose sur l'éducation et le contrôle des naissances,qui ne peuvent survenir que s'il y a un certain niveau de prospérité qui se soit installé auparavant. Dans le cas de l'Afrique, le laisser-faire ne peut pas être de mise, puisque les Africains, qui émigrent en grand nombre en Occident, peuvent être vecteurs de maladies infectueuses graves.
J'ai une question : Est-ce que les pays Scandinaves, si souvent ventés par la gaugauche,font leurs parts pour régler les conflits armés et la pauvreté dans le monde. Est-ce que ces États recoivent une bonne proportion d'émigrés en provenance des pays déshérités ?
Rédigé par : WaltA | 26 février 2008 à 19h35
"Quant à l'Afrique, tout repose sur l'éducation et le contrôle des naissances,qui ne peuvent survenir que s'il y a un certain niveau de prospérité qui se soit installé auparavant."
L'éducation vient normalement avec la prospérité, elles progressent ensemble.
Un contrôle des naissances 1. est immoral 2. ne changerait rien.
"Dans le cas de l'Afrique, le laisser-faire ne peut pas être de mise, puisque les Africains, qui émigrent en grand nombre en Occident, peuvent être vecteurs de maladies infectueuses graves."
Mais vous aussi vous pourriez être porteur de maladies! Cela signifie que je peux établir un siège devant votre demeure et vous empêcher d'y sortir?
Si vraiment vous avez peur, ne les invitez pas chez vous.
"Est-ce que les pays Scandinaves (...) font leurs parts pour régler les conflits armés et la pauvreté dans le monde(...)?"
Est-ce que VOUS vous faites ce qu'il faut? Savez-vous ce qu'il faut faire? Si vous faites erreur, vous êtes responsable?
Rédigé par : Christian Fortin | 27 février 2008 à 18h06
@Christian Fortin, bien sûr, je ne peux rien y faire, ni vous d'ailleurs ... Je vous l'accorde, je crois que vous avez raison lorsque vous dites que c'est le niveau d'éducation qui semble être un puissant agent régulateur de naissance. En Chine, par exemple, ce sont dans les campagnes que la politique de l'enfant unique est le plus difficile à faire respecter, quoique de nombreuses voix semblent s'élever contre la contreversée loi.
Quant à la maladie, si j'étais atteint d'une maladie infectueuse très grave, est-ce que l'on s'entend pour dire que je serais placé en quarantaine vite fait.
Mais vous que proposez-vous, car l'Afrique est un gouffre sans fond, malgré que ses terres regorgent de richesses infinis.
Rappelez-vous que dans notre monde où les peuples vivent imbriqués les uns contre les autres, si cela dégénérait dans tout l'Afrique, avec le nombre de compagnies étrangères qui s'y trouvent, la Chine et la Russie qui étendent leurs tentacules autour du continent d'Ébène, on finirait tous y goûter...
P.S. Il faudrait peut être savoir véritablement combien d'argent promis à l'Afrique reste dans les coffres du Canada...
Aussi, quels seraient les conséquences, pour nous, si les dettes africaines étaient effacées ?
Rédigé par : WaltA | 27 février 2008 à 19h59