par Martin Masse
Le comique attitré de la gogauche québécoise, le professeur de comptabilité Léo-Paul Lauzon, publiait cette semaine une nouvelle version de son étude périodique qui se penche sur la fiscalité des entreprises. M. Lauzon répète depuis des années le même refrain absurde: les entreprises font de l'évasion fiscale, elles ne paient pas leur part d'impôt, la baisse du fardeau fiscal des entreprises n'apporte aucun bienfait économique, le gouvernement impose de moins en moins les entreprises et de plus en plus les individus, ce qui appauvrit le monde et fait disparaître la classe moyenne, etc.
Je vais me concentrer sur un seul des innombrables sophismes économiques véhiculés par notre ami blagueur: la notion qui veut que les entreprises paient de l'impôt, et que si elles ne le font pas, ce sont des individus qui vont devoir en payer plus, comme s'il y avait un vase communiquant entre les deux.
Cette croyance s'accorde avec le fait que dans la mythologie gauchiste, l'entreprise est une sorte de monstre abstrait qui réside en dehors de la société réelle. Au mieux, ce monstre crée de la richesse mais tente de la garder toute pour lui, et il faut donc le forcer à la partager par des impôts élevés; et au pire, il dévore la richesse créée par le vrai monde, ce qui justifie qu'on l'extermine.
En réalité, les entreprises ne sont rien d'autres qu'un faisceau de relations contractuelles entre des individus, qui s'assemblent dans le but de produire quelque chose. Pourquoi s'assembler de cette façon et créer une entité corporative distincte? Ne pourrions-nous pas simplement tous collaborer ensemble comme travailleurs autonomes et arriver au même résultat? Pas sûr, puisque comme l'a expliqué l'économiste Ronald Coase dans un article de 1937 devenu célèbre, «The Nature of the Firm», cela aurait pour effet d'accroître considérablement l'incertitude et les coûts de transactions.
Imaginez si chacun des employés d'une firme où l'on construit des voitures travaillait indépendamment et devait régulièrement renégocier des contrats définissant les tâches et obligations de chacun avec les milliers d'autres personnes impliquées dans ce processus. Et si un autre type de contrat devait définir toutes les façons de partager les matières premières, machines, bâtiments, services, etc., qui vont à la fabrication des voitures (puisqu'aucune entité unique ne les possède). On serait confronté à des obstacles de coordination insurmontables.
En formalisant et en internalisant (jusqu'à un niveau optimal, au-delà duquel l'efficacité diminue et il devient préférable de faire appel à des fournisseurs et à des sous-contractants) toutes ces relations entre les personnes qui participent à la production d'un bien, on simplifie énormément le processus et on réduit toute une série de coûts, permettant ainsi une gestion plus efficace de la production.
Si les entreprises ne sont en fait que des individus qui ont formalisé leurs relations, qu'est-ce qu'on impose au juste quand on impose les entreprises? On impose des relations, un processus de création de richesse, et en bout de ligne, les individus eux-mêmes qui y sont impliqués.
Logiquement, l'entreprise comme entité reportera les coûts additionnels que constitue le paiement d'un impôt sur l'un ou l'autre des trois groupes suivants:
1. Ses propriétaires, qui devront se redistribuer moins de profits ou recevront par exemple des dividendes moins élevés sur leurs actions. Dans ce cas, l'impôt sur l'entreprise équivaut à un impôt sur les dividendes.
2. Ses employés, qui devront se contenter de salaires moins élevés. Dans ce cas, l'impôt sur l'entreprise équivaut à un impôt sur le revenu personnel.
3. Ses clients, qui devront payer plus cher les produits ou services de l'entreprise. Dans ce cas, l'impôt sur l'entreprise équivaut à une taxe de vente.
D'une façon ou d'une autre, une entreprise ne peut payer d'impôt, puisque ce sont toujours des individus qui en fin de compte possèdent des biens et peuvent en tirer satisfaction. L'entreprise, en tant que «personne morale», ne le fait que de façon abstraite, au nom d'individus réels.
Lorsqu'on comprend cela, on comprend aussi pourquoi la logique marxiste équivaut à se tirer dans le pied. En taxant les entreprises, on taxe un processus de création de richesse. On taxe les actions d'individus qui cherchent à coordonner leurs activités pour créer un produit ou un service.
On en diminue conséquemment son efficacité. Et on décourage les gens d'y avoir recours - de la même façon qu'on décourage de manger de la bouffe grasse ou de fumer des cigarettes en augmentant les taxes sur ces produits. Concrètement, cela signifie qu'on réduit l'attrait de l'entrepreneurship, parce que créer une entreprise devient moins profitable, et qu'on réduit l'attrait de l'investissement, parce qu'investir dans des entreprises devient moins rentable.
Pour les marxistes comme le professeur Lauzon, cela ne pose évidemment aucun problème puisque c'est l'État qui devrait idéalement tout produire, parce qu'il est bien plus efficace et qu'il redistribue la richesse plus justement. Cette prétention n'a toutefois aucun fondement dans la logique et la réalité historique l'a maintes fois contredite.
Mais pour tous ceux qui comprennent le fonctionnement de l'économie, il est évident qu'une taxe sur un processus de création de richesse est une absurdité ayant des conséquences néfastes. Et pour cette raison, on ne devrait pas simplement réduire les impôts sur les revenus des entreprises (et les autres types d'impôt sur le capital, la masse salariale, etc., que doivent payer les entreprises), comme le font heureusement nos gouvernements depuis quelques années sous la pression de la concurrence internationale; on devrait les éliminer complètement.
Rothbard a aussi démontré que l'impôt sur le revenu et les taxes à la consommation étaient équivalentes par un principe de vases communicants. J'imagine que ça s'applique aussi à l'impôt sur les dividendes, car c'est le retour sur l'investissement APRÈS IMPÔT qui doit être comparé au taux d'intérêt afin de voir si l'investissement est rentable. Plus d'impôts = plus de dividendes et donc moins pour les salariés. Et plus de $$$ pour les astucieux qui réussissent effectivement à échapper à l'impôt.
Donc, si j'ai bien compris, l'impôt sur les entreprises ainsi que les trois types de taxes sur l'individu pénalisent TOUS les pôvres travailleurs que Lauzon pense défendre. Ha ha.
Rédigé par : Bastiat | 07 mars 2008 à 14h33
Y a pas juste les marxistes qui sont débiles, il y a aussi les anarchistes libertaires comme Noam Chomsky qui rêvent d'abolir les corporations pour les remplacer par des coopératives de travailleurs.
J'ai jamais compris la logique des libertaires, ils veulent abolir l'État mais en même temps être éduqués et soignés gratis LOL
Rédigé par : Martin | 07 mars 2008 à 14h37
@Martin
Faux, les Libertaires ne veulent pas abolir l'État, mais simplement lui faire suivre une diète extraordinaire. Deux autres faussetés que tu as écrites sont : 1) Que les libertaires veulent obtenir soins et éducation pour "gratos". En fait le mouvement préconise plutôt la fin de l'éducation gratuite, ainsi que le libre-marché de la santé. F-I-fi-N-I-NI fini. Exit la Carte Soleil... De toutes façons, il y a tellement de campagnes de financements privées dans les milieux scolaires et médicaux. De plus, les travailleurs pourraient avoir le loisir de contracter des assurances privées.
Rédigé par : WaltA | 07 mars 2008 à 19h43
WaltA, je ne parle pas des libertariens mais des anarcho-socialistes (libertaires).
Rédigé par : Martin | 07 mars 2008 à 19h47
Martin, comme ceux qui manifestent lors des sommets du G-7 ?
Rédigé par : WaltA | 08 mars 2008 à 13h19
Oui.
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_basic_anarchism_topics
Rédigé par : Martin | 08 mars 2008 à 13h34
''On en diminue conséquemment son efficacité. Et on décourage les gens d'y avoir recours - de la même façon qu'on décourage de manger de la bouffe grasse ou de fumer des cigarettes en augmentant les taxes sur ces produits. Concrètement, cela signifie qu'on réduit l'attrait de l'entrepreneurship, parce que créer une entreprise devient moins profitable, et qu'on réduit l'attrait de l'investissement, parce qu'investir dans des entreprises devient moins rentable.''
Un exemple concret et flagrant, est la façon que les règlements et contraintes exagérés de la Régie du Logement ont découragé l'investissement dans les logements à revenus et nous sommes depuis confrontés avec un problème grandissant de pénurie de logements que notre grand gouvernement doit régler en puisant dans nos poches une fois de plus pour créer davantage des HLM !
Rédigé par : Iro | 08 mars 2008 à 16h28
@Martin
"Y a pas juste les marxistes qui sont débiles, il y a aussi les anarchistes libertaires comme Noam Chomsky qui rêvent d'abolir les corporations pour les remplacer par des coopératives de travailleurs.
J'ai jamais compris la logique des libertaires, ils veulent abolir l'État mais en même temps être éduqués et soignés gratis LOL"
Ne te casse pas la tête. Ceux-ci sont des communistes "old school" n'ayant plus le "guts" de s'affubler du marteau et de la faucille sur drapeau rouge.
Il veulent nous faire accroire qu'ils n'aiment pas l'État, mais veulent que tous les gens abandonnent leur propriétés et la possibilité de l'échanger.
Comment exactement vont-ils se débarasser des corporations sans l'intervention d'un État?
Rédigé par : FrancisD | 09 mars 2008 à 11h05
@Martin
Je trouve aussi, comme vous, très amusante la proposition des illuminés de Chomsky : "abolir les corporations pour les remplacer par des coopératives de travailleurs."
Ma perception des entreprises est exactement comme Martin la décris "des individus qui ont formalisé leurs relations". Dans ce contexte, de dire que nous allons remplacer des "corporations" par "coopératives" me semble un exercice de l'esprit plus qu'un objectif.
Cela est en lien avec l'approche "pensée magique" de plusieurs gauchistes et me fait sourire aussi en me rappelant le concept du "doublethink" de Orwell :)
Si on change le nom tout va mieux?
Rédigé par : Maxime | 10 mars 2008 à 12h01