par Martin Masse
Pour faire suite à mon dernier billet sur la fin prochaine du monopole étatique sur l'éducation, un autre phénomène qui va dans le sens de la privatisation de l'éducation est le développement du tutorat privé. Dans ce cas, il s'agit surtout d'appuyer ou de compléter l'enseignement reçu à l'école traditionnelle et non de s'y substituer. Mais c'est tout de même une façon pour le parent de contribuer à améliorer une partie de l'éducation de son enfant, un choix additionnel sur lequel il a un certain contrôle.
La Presse publiait justement hier matin un dossier spécial sur le développement rapide de ce type de service, auquel auraient aujourd'hui recours le tiers des parents canadiens, soit deux fois plus qu'il y a une décennie. Un service qui se développe selon un modèle typiquement commercial. Autrefois confiné aux petites annonces des journaux, le marché de l'«après-école» s'incorpore et devient l'affaire d'entreprises structurées qui croissent en misant sur le modèle des franchises. «Comme des chaînes de restauration rapide», fait remarquer le professeur Scott Davies de l'Université McMaster. Autre miracle de la mondialisation et des nouvelles technologies de la communication, on retrouve d'ailleurs des équipes de tuteurs en Inde, avec qui l'élève peut communiquer à l'aide d'une interface graphique, d'un micro-casque ou d'une webcam.
Voilà un bon exemple de la façon dont des services privés peuvent se développer pour répondre à un besoin précis, avec des entrepreneurs qui trouvent des façons de diminuer les coûts pour augmenter leur clientèle. Si on privatisait l'éducation, les coûts diminueraient constamment grâce à une productivité en hausse constante, au lieu d'augmenter d'année en année (malgré une baisse continue du nombre d'élèves) comme en ce moment.
Le phénomène du tutorat n'a évidemment rien de nouveau. Il est depuis longtemps largement répandu en Asie, selon le modèle (pas nécessairement à copier) des «cram schools», où de nombreux jeunes vont perfectionner leurs connaissances en anglais, mathématiques ou sciences pour pouvoir passer les tests d'entrée très difficiles des bonnes écoles et universités. (Sur la photo ci-contre, je donne des cours d'anglais à des enfants d'une école de Tsu, au Japon, lors de mon séjour dans ce pays en 1986-87.)
L'industrie du tutorat n'est pas réglementée, ce qui explique son dynamisme mais a également pour effet de compliquer le choix des consommateurs qui recherchent un tuteur compétent, n'importe qui pouvant s'improviser tuteur. La directrice du service Math et Mots, Marielle Potvin, envisage donc une solution privée tout à fait pertinente: Elle a entrepris de se regrouper avec deux concurrents pour mettre en place une «certification» qui assurera que les enfants reçoivent bien la visite d'un diplômé - ou un étudiant en voie de l'être - en enseignement ou en orthophonie, dont les antécédents judiciaires auront été vérifiés. D'autres organismes de certifications pourront voir le jour (à moins que Mme Potvin ne demande à l'État de lui conférer un monopole de la certification…) et une concurrence émergera, chacun ayant intérêt à garantir sa réputation. Ce n'est évidemment pas le cas du système public, qui est incapable de garantir quoi que ce soit, même pas que les élèves terminent leur secondaire en sachant lire et écrire, mais qui est protégé par son monopole et ses budgets croissants garantis.
Il fallait s'y attendre toutefois, cette absence de réglementation a provoqué un bip bip sur le radar des bien-pensants gauchistes, pour qui rien ne doit exister à moins que ce soit encadré par l'État. L'éditorialiste Nathalie Collard de La Presse (qui semble rivaliser avec sa collègue Ariane Krol pour obtenir le titre de l'éditorialiste qui publie le plus d'insignifiances étatistes dans ce journal) s'est donc penchée sur la question ce matin. Inutile de perdre votre temps à aller lire l'éditorial au complet, je vous résume en quelques lignes son argumentation:
(…) Pour l'instant, ces analyses n'existent pas. Le ministère de l'Éducation devrait les réaliser afin de mieux comprendre ce phénomène et s'assurer que les écoles québécoises répondent adéquatement aux besoins des enfants, en particulier ceux qui éprouvent des difficultés.
(…) Voilà de beaux sujets de réflexion pour le ministère de l'Éducation qui n'aura pas d'autre choix que de se pencher sur ce phénomène, car il est visiblement là pour rester.
(…) Le ministère doit d'abord s'assurer que les tuteurs privés ne viennent pas pallier un manque de ressources dans les écoles.
(…) La ministre doit également veiller à la qualité de l'aide aux devoirs offerte par les écoles.
(…) Le ministère de l'Éducation doit dévoiler les résultats de son évaluation d'ici la fin du mois.
(…) Enfin, le ministère de l'Éducation devra se questionner sur la pertinence d'encadrer ces services. Tout en veillant à ce que le recours aux tuteurs demeure l'exception, et non la norme.
Eh oui, il devrait en faire bien des choses le ministère, heureusement qu'on l'a…
Merci à madame Marielle Potvin et à ses accolytes pour faire avancer la cause de la liberté, tout en n'étant vraisemblablement pas anarchistes ou libertariens. L'avenir passe par de telles initiatives privées.
Rédigé par : Francis St-Pierre | 03 avril 2008 à 22h18
L'avenir est au libéralisme, l'explosion des technologies et la mondialisation rend la compétition impossible à stopper, rendant les monopoles de plus en plus invivables.
Le tutorat pogne autant en grande partie à cause de l'échec de notre système scolaire, c'est surtout là-dessus que doit se pencher le ministre, pas sur de nouvelles lois, on en a déjà plusieurs caisses de trop.
Rédigé par : Jean-François Grenier | 03 avril 2008 à 22h58
"(…) Le ministère doit d'abord s'assurer que les tuteurs privés ne viennent pas pallier un manque de ressources dans les écoles."
Cette citation est particulièrement amusante. Il s'agit d'un parfait déni de la réalité. On dirait que c'est impensable pour elle que les ressources puissent être limitées dans les écoles. Nous avons observé la même mentalité pour les services de santé et elle a donné lieu au jugement Chaoulli...
Je verrais bien cette éditorialiste soutenir une loi similaire a celle qui interdit les soins de santé hors monopole public qui interdirait l'éducation hors-État.
Hors du public point de salut!
Rédigé par : Maxime | 04 avril 2008 à 10h04
Ben en fait, vous pouvez déjà voir venir le train: un projet de loi qui interdirait aux parents de défrayer eux-mêmes les coûts du tutorat privé, ou de choisir eux-mêmes le tuteur, et les obligerait plutôt à passer par un organisme public qui délivrera les 'permis de tutorat' nécessaires aux imbéciles agréés qui paieront leur cotisation annuelle, et assignera d'autorité un de ces imbéciles aux parents demandeurs (s'ils demandent gentiment).
Le paradis sur terre du corporatisme québécois.
Rédigé par : Pierre-Yves | 04 avril 2008 à 14h44
Tutorat ??? Qui a besoin de béquilles ? Quoi qu'on en dise, le secteur public a, en partie, réussit à parer le coup en laissant les élèves faire leurs devoirs à l'école. Si cela vous enlève une épine du pied, de laisser des étrangers s'occuper des devoirs des vôtres, soit ! mais vous perdez une excellente opportunité de tisser des liens avec vos jeunes tout en prenant connaissance de ce qui se trame essentiellement dans leurs entours scolaires.
En fin, je réitère que l'éducation alternative semble être ce qu'il y a de mieux pour le développement de l'autonomie intellectuelle pour les élèves de bonne volonté, épris de liberté. De toutes façons, il devrait y avoir plusieurs chemins à explorer afin de compléter ses études.
Rédigé par : WaltA | 04 avril 2008 à 18h51
@WaltA
Oui enfin, c'est pas tous les parents qui ont les compétences pour faire réviser les équations différentielles ou la deuxième loi de la thermodynamique à leurs rejetons quand-même. Même moi, j'ai calé... par contre, il ne manque pas de brillants jeunes gens que l'opportunité de faire une piasse séduit toujours.
Rédigé par : Pierre-Yves | 04 avril 2008 à 20h00
@Pierre-Yves, c'est sûr... Mais les parents tiennent tout de même des rôles cruciaux : de surveillance, d'encouragement ainsi que de celui de soutien financier $$$.
Rédigé par : WaltA | 04 avril 2008 à 20h40