(Note: À l'occasion de l'anniversaire demain de la bataille de Vimy, j'ai traduit mon article publié dans le QL en avril 2002.)
par Martin Masse
Le 9 avril 2002, le 85e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy a été célébré au Canada. Cette prise d'assaut par des troupes canadiennes d'une position allemande fortifiée dominant la campagne environnante s'est déroulée un lundi de Pâques en 1917. Les Allemands contrôlaient la crête depuis le début de la guerre et des tentatives de la reprendre par les armées britannique et française avaient entraîné la mort de 200 000 soldats.
Pour la première fois depuis le début de la Grande Guerre, 35 000 soldats provenant des quatre divisions du corps expéditionnaire canadien se sont battus en tant qu'unité nationale de combat, au lieu d'être divisés et utilisés pour appuyer et renforcer les divisions britanniques. Trois mille six cent furent tués et 7000 blessés, mais le résultat fut une victoire éclatante.
Comme l'a souligné l'historien britannique John Keegan dans son volume The First World War, «Le succès des Canadiens a été sensationnel. Les épouvantables pentes nues et brisées de la crête de Vimy, sur lesquelles des milliers de Français étaient morts au bout de leur sang en 1915, furent prises en une seule lancée. Le sommet fut atteint et, sur l'abrupt versant opposé donnant vers l'est où s'entassaient l'artillerie et les troupes de réserve allemande, le regard du vainqueur pouvait embrasser toute la plaine de Douai.»
Dans d'autres pays, cette percée mineure, lorsqu'on s'en souvient, n'est vue que comme l'une d'une interminable série de batailles qui ont eu lieu pendant les longues années de la guerre. Keegan la décrit simplement comme «la première journée de la bataille d'Arras». Mais ici, et en particulier au Canada anglais, cette bataille a pris les proportions d'un mythe national.
Deux jours avant l'anniversaire, le quotidien montréalais The Gazette publiait, sous le titre «La naissance d'une nation» («The birth of a nation»), un article d'usage sur les étudiants et vétérans en visite sur le site de la bataille et sur le ministre donnant son discours prévisible appelant à «se souvenir de nos riches histoire et patrimoine militaires». Le jour suivant l'anniversaire, on retrouvait de nouveau la même notion dans le même journal: «Un vétéran de Vimy se souvient de la bataille qui a fait de nous une véritable nation.»
Ce cliché repris un peu partout à chaque année à propos de la naissance d'une nation pendant que des milliers de jeunes hommes s'entretuaient dans un combat féroce provient d'une célèbre phrase du brigadier-général Alexander Ross, qui commandait le 28e bataillon à Vimy: «Le Canada de l'Atlantique au Pacifique défilait. Je me suis dit qu'au cours de ces quelques minutes, je venais d'être témoin de la naissance d'une nation.» Il s'agit en fait de sottises collectivistes à l'état pur, un mélange de mythologie nationaliste et de propagande militariste.
Mythologie nationaliste
Un lecteur ne connaissant pas trop l'histoire de la Première Guerre mondiale qui lirait une description de la bataille écrite par un commentateur canadien pourrait croire qu'elle a constitué un point tournant pour les alliés. Il apprendrait par exemple qu'elle «a constitué la première victoire majeure des alliés en deux ans et demi de combat. Grâce aux vaillants efforts du Canada, la guerre allait bientôt prendre fin.» Eh oui, ne riez pas!, c'est grâce à nous si les Boches ont finalement été repoussés et défaits. Les Français, les Anglais et les Américains, ils ne faisaient qu'éplucher les patates.
La réalité est évidemment pas mal loin de ces prétentions. Ce n'est pas tellement à cause de la bravoure et de l'endurance surhumaine des soldats canadiens si les Allemands ont subi un tel revers à Vimy, mais plutôt, selon Keegan toujours, à cause d'«une déficience absolue en termes de nombre de divisions dans le secteur de Vimy-Arras. Les Français ont pu en apprécier la contrepartie au Chemin des Dames, où quinze divisions allemandes dédiées à une contre-attaque ont pu être rassemblées derrière les vingt-et-une en position de combat. Si les Allemands avaient été surpris à Vimy-Arras, c'est le contraire qui allait se produire sur l'Aisne [...].» Sur cet autre front où la bataille eut lieu dans les jours suivants, 29 000 Français furent tués, une défaite qui allait briser tout espoir au sein de l'armée française et mener aux mutineries de l'été 1917.
Le récit de cette guerre n'est qu'une suite sans fin, inimaginable dans son horreur et profondément déprimante d'assauts gigantesques où des dizaines de milliers d'hommes se font tuer, parfois en l'espace de quelques heures, la plupart du temps sans résultat concret. En tout, dix millions de personnes, soldats et civils, sont mortes durant la Première Guerre. Malgré l'ampleur de ce cataclysme, plusieurs croyaient, et croient encore, que c'est la participation du Canada à cette boucherie qui a entraîné «la naissance de la nation canadienne».
La logique historique tordue qui sous-tend cette idée a un sens surtout pour les Canadiens anglophones, qui conçoivent de manière générale leur pays comme une partie de l'Empire britannique qui a grandi et s'est développé, et a finalement atteint l'âge adulte en tant que nation à toutes fins utiles indépendante après la Première Guerre mondiale.
Le Canada était un dominion autonome au début du 20e siècle et dès que la mère-patrie partait en guerre, les colonies suivaient immédiatement et on s'attendait à ce qu'elles contribuent à l'effort de guerre. La bataille de Vimy est toutefois considérée comme l'élément déclencheur qui a donné une voix autonome au Canada. Après la guerre, il a obtenu un siège distinct à la Conférence de paix de Paris de 1919 et est devenu un acteur respecté sur la scène internationale. Il a également obtenu un siège à la Ligue des Nations. Avec d'autres dominions britanniques, il devenait finalement indépendant par l'adoption du Statut de Westminster en 1931.
Voici quelques perles de mythologie nationaliste canadienne que l'on peut retrouver sur le Web: «Vimy est survenu exactement 50 ans après la Confédération. Jusque-là, les Canadiens avaient toujours combattu en tant que citoyens britanniques. Cette fois, ils sont allés au combat en tant que Canadiens.» «Pour la première fois, des Canadiens d'un océan à l'autre se sont tenus coude à coude et ont reçu des ordres de la part d'officiers canadiens à tous les niveaux d'autorité sauf le plus élevé.» «Pour les troupes canadiennes qui ont combattu à Vimy, il s'agissait de l'un de ces rares moments de vérité - pour la première fois, ils se reconnaissaient tels qu'ils étaient. Ils gravirent la crête porteurs d'une identité régionale et la redescendirent avec une identité nationale.» «Les milliers de Canadiens qui ont participé à cette féroce bataille peuvent témoigner de ses conséquences sur le nationalisme canadien, eux qui durant ces jours sombres ont compris pour la première fois le concept de la nationalité canadienne par opposition au colonialisme britannique.»
Il s'agit là d'une construction historique qui n'a pourtant rien à voir avec la réalité. Il est de toute évidence absurde de prétendre que le Canada est né à Vimy. Les colons français, qui furent les premiers occupants européens du territoire que nous appelons aujourd'hui le Canada, sont arrivés trois siècles auparavant. N'avaient-ils aucune identité nationale pendant tout ce temps? Il n'est pas étonnant que cette mythologie liée à la bataille de Vimy n'ait jamais vraiment pris racine parmi les francophones du Québec.
On pourrait sans doute affirmer que le Canada actuel est officiellement né lors de la Confédération de 1867. Mais pourquoi utiliser des dates qui correspondent à la mise en place ou à la transformation d'un régime politique? Les peuples et les États parasitaires qui se nourrissent de leur travail sont deux choses différentes. Les nations ne naissent pas tout d'un coup lorsque des politiciens signent des documents officiels, elles naissent et grandissent chaque jour lorsque les gens travaillent ensemble, échangent des biens et services, développent une culture et se donnent des points de référence communs. En bref, lorsqu'ils vivent leur vie et construisent leurs communautés de façon pacifique.
Ce qui est né en avril 1917 n'est pas en réalité la nation canadienne, mais simplement le nationalisme canadien en tant qu'idéologie contemporaine, une idéologie qui a mené à une centralisation toujours plus poussée des pouvoirs à Ottawa et à un interventionnisme grandissant de l'État fédéral dans les décennies qui ont suivi, pour culminer durant l'ère Trudeau. Le Canada serait dans un bien meilleur état aujourd'hui si cette idéologie avait plutôt été avortée à Vimy.
Propagande militariste
Quoi que l'on pense de ce débat sur l'importance de la bataille de Vimy et de son rôle dans la cristallisation de l'identité canadienne, il existe une autre raison pour remettre en question l'importance que l'on accorde à cette bataille durant cette guerre en particulier. Les Canadiens n'auraient jamais dû y être en premier lieu.
Le pays était âprement divisé en ce qui a trait au niveau de participation approprié à la guerre. Durant la guerre des Boers de 1899, la plupart des Canadiens français s'opposaient vivement — et avec raison — à une implication dans ce qu'ils considéraient comme l'une des sales petites guerres de conquête impérialistes de l'Angleterre sur d'autres continents. En 1914, la sympathie était plus grande pour le sort de la France, de la Belgique et de l'Angleterre, mais l'envoi de troupes suscitait malgré tout peu d'appui. Plusieurs considéraient que le Canada devait limiter sa participation à la fourniture de munitions et de nourriture. Et durant la crise de la conscription de 1917, tout comme lors de celle qui allait survenir durant la Seconde Guerre mondiale, les Canadiens français s'opposèrent de manière écrasante à un enrôlement coercitif, alors que la majorité des anglophones se montrèrent en faveur. Les francophones étant minoritaires, (environ le tiers de la population à l'époque), les forces proconscription remportèrent la bataille politique.
Il existe une sorte de tabou aujourd'hui autour de cette question du faible enthousiasme des Canadiens français envers la participation du Canada à des guerres étrangères. Le consensus semble être que nous devrions en avoir honte, que cela démontre par exemple à quel point la population était influencée par l'antisémitisme et le fascisme durant la Seconde Guerre mondiale. Mais en 1917, la plupart des Canadiens français ne voyaient tout simplement pas ce qu'ils avaient à gagner à envoyer des milliers de leurs fils pour servir de chair à canon selon les caprices de généraux britanniques, dans des unités de combat où on leur donnait des ordres en anglais. Ils ne voyaient pas l'intérêt du Canada à envoyer plus de troupes dans un conflit qui ne posait aucune menace directe. Ils réagissaient instinctivement comme le font les citoyens de petits pays qui ne veulent pas être mêlés aux jeux dangereux des grandes puissances et des empires.
Et ils avaient raison de penser ainsi. C'est un argument qu'on ne retrouvera pas dans les livres d'histoire officiels, mais une politique de non-interventionnisme dans les conflits étrangers, lorsqu'on l'applique de façon cohérente, est la meilleure façon d'éviter les conflagrations majeures et d'encourager la paix. Si seulement le Canada, et de façon bien plus cruciale les États-Unis, avaient décidé de ne pas intervenir dans cette stupide guerre européenne, on aurait évité des catastrophes sans nom et le monde serait sans doute dans un bien meilleur état aujourd'hui.
Les chercheurs de l'École autrichienne, un courant de pensée qui défend sans compromis la liberté et l'antiétatisme, sont parmi les très rares qui défendent ce point de vue. Voici comment le professeur Hans-Hermann Hoppe résume la perspective révisionniste sur cette question:
Si les États-Unis avaient appliqué une politique étrangère strictement non interventionniste, il est probable que le conflit intra-européen aurait pris fin vers la fin de 1916 ou le début de 1917 à la suite de nombreuses initiatives de paix, particulièrement celle de l'empereur autrichien Charles 1er. De plus, la guerre se serait terminée par un compromis acceptable pour tous, sans que quiconque ne perde la face, plutôt que par l'imposition de termes par les vainqueurs sur les vaincus. En conséquence, l'Autriche-Hongrie, l'Allemagne et la Russie seraient restées des monarchies traditionnelles au lieu de devenir des républiques démocratiques éphémères. Avec un tsar russe et des empereurs allemand et autrichien en place, il aurait été presque impossible pour les bolcheviks de saisir le pouvoir en Russie et, en réaction à une menace communiste grandissante en Europe de l'Ouest, pour les fascistes et les nationaux-socialistes de faire de même en Italie et en Allemagne. Les millions de victimes du communisme, du national-socialisme et de la Seconde Guerre mondiale auraient été épargnées. L'interventionnisme étatique et le contrôle du gouvernement sur l'économie privée aux États-Unis et en Europe de l'Ouest n'auraient jamais atteint les niveaux que nous constatons aujourd'hui. Et plutôt que de voir l'Europe centrale et de l'Est (et par la suite la moitié du globe) sombrer dans le communisme et être saccagée, dévastée et tenue de force à l'écart des marchés de l'Occident, toute l'Europe (et le monde entier) serait demeurée intégrée sur le plan économique (comme au 19e siècle) dans un système planétaire caractérisé par la division du travail et la coopération. Les niveaux de vie auraient augmenté immensément plus à travers la planète que ce qui est arrivé en réalité. (Democracy: The God That Failed, 2001, p. xiii-xiv. Ma traduction.)
Ainsi donc, le Canada est «né», nous disent les idéologiques nationalistes et néoconservateurs du Canada anglais, lorsque de jeunes soldats canadiens ont tué de jeunes soldats allemands dans une guerre qui a fait du 20e siècle le siècle le plus sanglant et destructeur de l'histoire humaine. On peut remercier le ciel que les deux tiers des Canadiens, si l'on se fie à des sondages récents, soient tellement ignorants de l'histoire qu'ils ne savent même pas que la bataille de Vimy est la plus célèbre victoire du Canada durant la Grande Guerre. C'est vraiment le cas parfois que «ignorance is bliss» comme disent nos compatriotes. Parce qu'on aurait une justification pour détruire ce pays bien plus pertinente que les arguments proposés par les séparatistes québécois si sa population en venait à accepter majoritairement ceci comme son mythe fondateur officiel.
C'est bien là tout le paradoxe des tragiques aventures guerrières qui ont dessiné la structure de l'Occident moderne: citez-moi une guerre, une seule, qui n'ait pas été une connerie? Que Vimy ait été une une sanglante escarmouche sans profonde conséquences stratégiques, c'est une question à la fois abstraite et sans importance.
Abstraite, parce vu de ce mois d'avril 1917, alors que des millions de soldats avaient déjà péri des deux côtés du front, sans compter les théâtres d'opération internationaux, la dynamique des engagements cumulatifs (escalating commitments) rendait totalement irréaliste la perspective d'une paix négociée sans modification substantielle du rapport de forces sur le terrain: même si les soldats en avaient marre, plus que marre, c'était impensable, politiquement invendable, stratégiquement impensable. On arrête pas la der des der quand déja le quart des jeunes hommes de la tranche d'age mobilisable a été éradiqué. C'est idiot, mais c'est la logique des guerres, et on sait aujourd'hui bien entendu que c'était une erreur, puisque le conflit a pris fin un an plus tard pour cause d'épuisement réciproque des parties, une saignée dont la France a mis un demi-siècle à se remettre.
Sans importance, parce que ce qui est important, c'est que des politiciens et des officiers astucieux aient pu convaincre l'état-major britannique de laisser les Canadiens combattre, comme vous le mentionnez, en tant qu'unité nationale. Quelles qu'aient été les véritables tenants et aboutissants de cette décision, une formidable opération de marketing s'était mise en branle. Et à l'occasion du second acte du massacre, le conflit de 39-45, d'autres fondations de la mythique canadienne se sont mises en place, cristallisant à travers l'Europe une image héroïque et noble de la jeune démocratie canadienne, en tant que telle, dont les nationalistes québécois enfermés dans leur vision étroite ont sérieusement sous-estimé la force d'impact, quand ils l'ont même vue venir...
Alors cracher sur Vimy, 90 ans plus tard, c'est rouler le rocher de Sisyphe: face au momentum acquis par le concept 'Canada', l'option du repli nationaliste québécois a définitivement perdu la bataille du marketing. Même la population française, qu'on pourrait imaginer favorable à l'idée de l'irréductible village québécois en terre américaine, bunker défensif autour d'une langue à la fois patrimoine et malédiction, n'accorde à cette hypothèse qu'un intérêt poli, mais folklorique: c'est bien ce qui fait flipper Louise Beaudoin d'ailleurs, mais céçakiéça.
En contrechamp, on consate également une loyauté quasi-indéfectible des populations occidentales vis-à-vis du Canada, qui va souvent bien au-delà de celle que peuvent se permettre d’exprimer les politiciens. Aveuglés par leurs œillères, les nationalistes québécois ont toujours sous-estimé cette loyauté, et surestimé en particulier les différents franco-britanniques au sein de la communauté européenne : la réalité, c’est que les Anglais et les Français sont *aussi* des cousins, même s'ils se sont chicanés pendant 500 ans. Avec son Vivre le Québec libre, le général de Gaulle n’avait finalement que succombé à son goût marqué pour le geste théâtral, un moment d’égarement, une bonne blague, qui a coûté fort cher mais que certains ont pris au premier degré : qu’on attende pas cependant de la France qu’elle renouvelle une telle boulette!
Partout en occident, on pense que le Canada est une maudite bonne idée, une belle et fructueuse expérience, une influence positive sur les affaires mondiales, un laboratoire d’idées et de réformes dont les démocraties modernes doivent s’inspirer, et même Louise Beaudoin serait mieux de s’y faire : dans une Europe aux prises avec l’hydre de l’intégration nationale et interethnique, qui peine à s’adapter et à s'organiser au niveau continental, ce qui intéresse les gens c’est surtout ce que le Québec peut contribuer, aujourd'hui et dans l'avenir, au succès de l’aventure canadienne.
Alors on ne va pas faire avec la bataille de Vimy le même coup qu'avec celle des plaines d'Abraham, la rejouer pendant 250 ans, et puis après qui sait, Juno Beach, la campagne d'Italie... même si Austerlitz avait été un fiasco (ce qu'elle a été d'ailleurs, sur le plan de l'exploitation stratégique dans le contexte élargi du conflit austro-russo-français à l'époque), cette victoire n'en resterait pas moins un symbole fédérateur de l'identité française, au point que le mot est aujourd'hui dans les expressions courantes (ex., le soleil d'Austerlitz). Et bien c'est pareil pour Vimy, the deal is done, le mythe est solide, exploitez-le à votre avantage, ou battez-vous contre... mais sachez que c'est un combat desespéré. Personnellement je ne suis pas romantique à ce point.
Rédigé par : Pierre-Yves | 08 avril 2008 à 17h42
La Première Guerre mondiale a été la guerre la plus inutile et aurait pu cesser par un accord en 1917 ou 1916 si chacun des protagonistes avait mis de l'eau dans son vin. Chacun des belligérants avait une raison de faire la paix.
L'Allemagne du kaiser était un pays hautement civilisé et technologiquement avancé (le plus avancé du continent) et c'était un adversaire avec qui on aurait pu négocier. Au fond ça aurait dû se faire ainsi en 1916 après les quatres hétacombes (Somme, verdun, Jutland et offensive Brousilov). L'Allemagne donne l'Alsace à la France suite à un référendum. Ensuite la Russie donne la Pologne à l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie reste pareil, idem pour l'empire Ottoman.
La Deuxième Guerre mondiale a été causée par le Royaume-Uni, la Belgique et surtout la France qui ont humilié un grand pays qui n'était pas vaincu: En 1918 aucun soldat aillié avait mis le pied en Allemagne, l'Allemagne avait sous sa coupe l'Ukraine, les Pays Baltes, la Biélorussie, le Caucase, la Finlande était un satelite allemand, l'Allemagne avait la deuxième flotte au monde et invaincue, des commandos et guérilleros allemands et africians faisaient encore des combats dans le sud de l'afrique et les autres puissances centrales se battaient encore vaillament. L'Allemagne a été injustement traitée et c'est injuste que la France de Bonaparte ait été mieux traité que l'Allemagne wilhelmienne.
Par contre plusieurs guerres sont justifiables. Le communisme devait etre vaincu, Pinochet a sauvé le Chili et a réussi car le Chili est le seul pays latino-américain qui est libre et économiquement prospère (niveau identique à la Grèce). La guerre de Corée a été une bonne chose car la Corée du Sud est un pays libre et prospère, ce qu'il n'auraitt pas été s'il avait été réunifié en 1950 sous les stalinistes de Kim Il Sung. C'est bon que le dictateur dealer Noriega ait été renversé en 1989 car le Panama est un pays en meilleure situation. Israel a bien fait de se défendre contre les agressions arabes (et ce malgré avoir offert 4 fois la paix) et faut pas oublier qu'en mai 1948 les Arabes attaquaient les pauvres fermiers juifs qui s'occupaient à fertiliser des petites bandes de désert. Israël est la seule démocratie et pays ayant une économie libérale au M-O. Certaines guerres sont mauvaises comme la première mais d'autres sont bonnes.
Rédigé par : MaT | 08 avril 2008 à 19h25
@MaT
Votre réflexion est très articulée, mais ce qui me dérange c'est que:
1. En en occultant certaines étapes, vous entérinez en fait cette logique de représailles récursives qui est justement à l'origine de la plupart des conflits armés historiques: vous mentionnez la volonté de la France d'humilier l'Allemagne en 1918, mais vous devriez remonter également à l'humiliation française de 1870, qui a elle-même pour origine, ainsi que vous le notez, la relative absolution donnée à la France de Napoléon nonobstant les années de dévastations subies par l'Europe centrale et l'empire austro-hongrois. De la même façon, en simplifiant à outrance la dynamique du conflit israélo-arabe vous faites l'impasse sur le rôle central de la France et de l'Angleterre dans la genèse d'une situation qui ne pouvait qu'amener arabes et juifs à s'étriper (il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur le mythe de David contre Goliath dont on a paré la Hagana, le rapport de forces ayant toujours été en faveur de l'État Hébreu). Et au final vous vous contredisez dans votre appréciation des options qui auraient été envisageables en 1916 et 1917, parce que c'est précisément cette logique de représailles récursives qui rendait impossible une paix franco-anglo-allemande à ce moment-là: les combats ont cessé quand tout le monde a été à genoux (ou sous terre).
2. Le communisme n'a pas été vaincu par la guerre, le communisme a été vaincu par le capitalisme.
3. Vous mélangez de plus des interventions telle le renversement de Noriega, qui s'apparentent plus à une opération de police coloniale dans l'arrière-cour US, avec des conflits armés majeurs dont les racines, tel qu'expliqué au point No 1, remontent très loin dans le temps et ont principalement eu pour déclencheurs la féroce rivalité politique et commerciale entre nations européennes, une situation tout à fait unique dans l'histoire de l'humanité.
Rédigé par : Pierre-Yves | 08 avril 2008 à 20h12
Excellent texte! Bravo! Je l'avais déjà lu dans sa version originale. Je le recommanderai dans mon blogue.
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 08 avril 2008 à 20h34
Je découvre qu'une écolière albertaine, Zoe Suche, a gagné l'année dernière un concours d'essais à l'occasion du 90e anniversaire de la bataille en me citant et en utilisant la plupart des mêmes arguments (voir cette nouvelle du Calgary Sun sur les jeunes lauréats: http://www.calgarysun.com/cgi-bin/publish.cgi?p=179404&x=articles&s=photo ).
Le concours a été organisé par Les Musées militaires ( http://www.themilitarymuseums.com/main/page.php?page_id=15 ), un complexe muséal en construction à Calgary.
Le texte n'est plus disponible sur le site des Musées mais Google a une version en cache: http://64.233.167.104/search?q=cache:qL93BUN7I8kJ:www.museumoftheregiments.ca/Images/EssayWinners-ZoeSuche.pdf+%22zoe+suche&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=ca . C'est un excellent texte, qui reprend mes arguments mais les exprime avec beaucoup plus d'éloquence je trouve.
@ Pierre-Yves: Le mythe est loin d'être solide, les deux tiers des Canadiens ne sont mêmes pas au courant de son existence - sans compter que pratiquement personne au Québec y croit. Je ne vois pas trop la pertinence de votre premier commentaire de toute façon. Un mythe stupide existe, je m'y attaque, qu'il soit solide ou non et que ça prenne dix ans ou deux cents ans pour renverser la propagande qui l'accompagne. Je ne fais pas ça pour gagner un concours de popularité mais pour faire avancer la vérité. Si Ludwig von Mises avait suivi vos conseils en 1940, quand il ne semblait plus y avoir aucun espoir pour le libéralisme dans le monde, nous ne serions pas des milliers aujourd'hui à profiter de son héritage et à propager ses idées.
@ David: Merci!
Rédigé par : Martin Masse | 08 avril 2008 à 22h39
@Martin
Tous ces mythes sont stupides: le mythe de Verdun (ou mon grand-père a été blessé... d'un coup de pic dans le postère alors qu'il creusait une tranchée), celui de Vimy également, celui de Monte-Cassino, de Bastogne, de Bouvines, d'Alésia, et même celui de la bataille des plaines d'Abraham, rixe de pure forme ou l'on a combattu par politesse, ce qui n'a pas empêché l'évènement d'être abondamment exploité aux fins qu'on sait par qui l'on sait.
Ce que j'essaie de dire, c'est que vous perdez votre temps en tentant d'écorner des symboles sur lesquels vous ne pouvez avoir aucune prise, parce qu'ils transcendent depuis longtemps la réalité des faits, et que vous l'emploieriez mieux en travaillant à imposer les vôtres: on ne combat pas la propagande guerrière, on regarde en avant et on prouve qu'il y'a une meilleure voie.
Le mythe de Vimy ne peut pas 'pogner' auprès de la majorité des Québécois tout simplement parce que c'est un mythe anglo, et non parce que c'est une supercherie: mais dans 200 ans, ce mythe sera toujours là, aussi solide que le monument qui illustre votre article, et pas nous.
Enfin, c'est mon avis.
Rédigé par : Pierre-Yves | 09 avril 2008 à 01h13
Premièrement, le traité de 1871 était juste (l'Allemagne a demandé un montant raisonnable et n'a pas forcé d'échéance). De deux, l'Alsace et la partie germanique de la Lorraine étaient remplies en 1871 d'une population parlant l'allemand et de confession chrétienne luthérienne. Donc justifiable.
Autre chose, en 1919 le traité de Versailles étaient injuste, voici les clauses:
http://en.wikipedia.org/wiki/Treaty_of_Versailles
Le communisme a été vaincu sur plusieurs fronts (Corée du sud, Grenade, Guatemala, Honduras), par le support intérieur aux mouvements dissidents (syndicat libre de Lech Walesa), le drainage des armes nucléaires pour les soviétiques (l'économie mal concue et primitive des Russes perdait beaucoup pour ses armements et son programme spatiale) et aussi par leur drainage en Afghanistan. Pas juste des réformes intérieures.
3)Défendre la Corée du Sud n'était pas une guerrre policière, le nord communiste l'a envahie et c'est justifiable. La Corée du Sud est une démocratie pluraliste libérale et ça en a valu la peine (mon grand-oncle a perdu une partie de son ouïe dans ce conflit). Noriega est un petit dealer de drogue kleptocrate et il méritait de se faire renverser.
3) S'il y avait eu la paix en 1917 Mustafa Kemal (le vainqueur de Gallipoli) aurait été capable de retarder l'islamisme pour deux générations et aurait allégé les problèmes du M-O) quoique leurs problèmes sont liés aux Coran et ce même Mustafa Kemal l'admettait) car les Anglais mais aussi les Français soutenaient les régimes dictatoriaux et exploitaient les pays arabo-islamiques).
Étant donné que sur le côté de mon père (mon arrière-grand père paternel était américain) et sur le côté de ma mère (son grand-père était allemand qui a immigré dans les années 1920), pour moi 1760 c'est plus Frédéric le grand qui défend victorieusemnt la Prusse contre les despotes obscurs (Frédéric le grand était un despote éclairé comme plus tard sera pour la Russie Catherine la grande). D'ailleurs nombre de Québécois francophone en 2008 avaient en 1760 des ancêtres irlandais, écossais, portugais et d'autres plus tard ont des ancêtres belges, donc pour eux 1760 veut rien dire.
Aussi personnellement je suis fier que mon frère ait servi en Afghanistan en 2007-08 contre des barbares du Moyen-Âge.
Rédigé par : mat | 09 avril 2008 à 07h57
Très intéressant, même si je ne me rends pas compte comment est traitée la bataille de Vimy au Canada.
Rédigé par : Castor | 09 avril 2008 à 09h49
@ Pierre-Yves,
Vous écrivez:
"vous perdez votre temps en tentant d'écorner des symboles sur lesquels vous ne pouvez avoir aucune prise, parce qu'ils transcendent depuis longtemps la réalité des faits, et que vous l'emploieriez mieux en travaillant à imposer les vôtres"
"dans 200 ans, ce mythe sera toujours là, aussi solide que le monument qui illustre votre article, et pas nous"
Le calcul coût-bénéfice que vous proposez, coloré par l'attitude fataliste et pessimiste qui ressort régulièrement de vos propos, est tout simplement absurde. Vous-même venez de perdre 15 minutes à écrire quelques paragraphes mille fois plus inutiles que mon article, puisque la probabilité que vous me convainquiez de ne plus jamais me préoccuper de cette questions est - je vous l'annonce en primeur - de zéro!
Comme je le rapportais plus haut, une jeune Albertaine a gagné un prix l'an dernier en reprenant mes arguments. C'est un début. Je pense être le premier au Canada à déconstruire ce mythe idiot. Mes deux articles sont déjà faciles à trouver sur Google. Il est probable qu'il le resteront aussi longtemps qu'Internet existera. Ainsi, au cours des 200 prochaines années, si ce mythe survit (ce qui est loin d'être assuré, je ne vois pas pourquoi les mythes militaires seraient éternels et pas les autres) des dizaines de milliers de personnes retrouveront mon article et s'inspireront de mes arguments pour le rejeter ou les utiliseront pour y répliquer.
Voilà pourquoi je consacre du temps pour écrire des articles, sur ce sujet comme sur des dizaines d'autres. L'investissement que j'y ai mis rapportera beaucoup, non pas à moi directement dans 200 ans puisqu'en effet je ne serai plus là, mais à plusieurs autres et aussi à moi dès maintenant, en voyant germer les graines que j'ai semées et en imaginant les arbres qu'elles deviendront plus tard.
Pour ce qui est d'imposer mes propres mythes au lieu de combattre les autres, vous vous méprenez sur ma démarche, puisque je n'ai aucun mythe à imposer.
Avez-vous encore 15 minutes à gaspiller à répliquer à ceci pour essayer de me convaincre qu'on ne devrait plus passer de temps à discuter de ce sujet parce que ça ne changera rien de toute façon?
Rédigé par : Martin Masse | 09 avril 2008 à 10h10
J'ai pris le temps de lire le texte de Zoe Suche et il est excellent.
Un seul petit bémol, c'est lorsqu'elle dit ceci: "In general, Canada’s military are known as peacemakers rather than warriors, plying their skills incountries such as Afghanistan and Bosnia, and this is an image that has stayed with us far more than the victory of Vimy Ridge".
Même si sur le fond des choses je suis d'accord, sur la forme, je ne vois pas grand-chose de réellement "humanitaire" dans cette guerre en Afghanistan, malgré ce qu'on prétend (celle en Bosnie est douteuse aussi mais au moins les casques bleus faisaient un travail humanitaire plus intensif sur le terrain).
Bien sûr, la guerre en Afghanistan est beaucoup moins sanglante que la Première Guerre Mondiale!
Mais pour tout le reste, je suis entièrement d'accord avec ce texte.
Pour que ce texte ne soit jamais oublié, je l'ai reproduit dans mon blogue dans son intégralité.
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 09 avril 2008 à 12h35
Woa vos connaissances de l'histoire sont impressionnantes, peu importe le camp, je ne saurais juger vu mon ignorance des sujets!!
Rédigé par : Kevin | 09 avril 2008 à 14h07
@Martin
Ça ne changera rien en effet ni d'un côté ni de l'autre, mais j'ai toujours eu un faible pour les Don-Quichottes, et le monument de Vimy fait un moulin plus que présentable.
Rédigé par : Pierre-Yves | 12 avril 2008 à 14h54
Une question qui devrait aussi être posée: un québécois libre peut-il vraiment être Québécois? La nation québécoise est une invention encore plus récente et artificielle que la nation canadienne. Elle est fondée sur une hégémonie provinciale dont un aléa historique a donné pour capitale la ville de Québec. Cette hégémonie provinciale a pratiqué, au nom du nationalisme, un nettoyage ethnique des minorités commerçantes anglophones qui ont fait la richesse du pays et qui précèdent toute notion "du" Québec.
Lorsqu'on sait que les québécois ont la plus grande proportion de personnes s'identifiant comme d'origines canadiennes, (60%: http://www.nationalpost.com/news/story.html?id=417168) un tel défi à l'état nationaliste serait une bombe dans le débat politique provincial. Les Québécois sont en fait plus canadiens que tout les autres Canadiens.
Rédigé par : Canadien pur-laine | 14 avril 2008 à 08h12