Ce matin dans Le Soleil, le chroniqueur Jean-Simon Gagné s’amuse à nous donner des exemples de la savante langue de bois utilisée dans les documents officiels de notre ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. «D’autres ministères ont élevé le jargon administratif au rang d’oeuvre d’art, écrit-il, mais aucun de ceux-là ne peut rivaliser avec le charabia de luxe de notre célèbre ministère, que les initiés surnomment affectueusement MELS. À côté de lui, même le redoutable ministère de la Santé passerait pour... un enfant d’école.» Voici quelques exemples:
- Les enfants ne vont pas vraiment à l’école. Ils «vivent une expérience scolaire et sociale».
- Ils ne subissent pas un échec. Ils expérimentent «une situation de non-réussite scolaire».
- Ils ne choisissent plus un métier. Ils suivent une «trajectoire vocationnelle».
- Et quand ils se chamaillent, c’est qu’«ils n’ont pas développé leurs aptitudes de résolution de problèmes».
- Un enfant n’est pas dissipé. Il s’est «désorganisé».
- L’examen devient une «expérience d’évaluation».
- La formation cède la place au «continuum éducatif de l’enfant».
- Les élèves ne proviennent pas des quartiers environnant une école. Ils «originent de bassins d’alimentation».
- Les directeurs qui bénéficient de mesures de soutien deviennent des «accompagnés».
- N’importe qui peut discourir sur le décrochage scolaire, mais il faut l’âme d’un poète pour évoquer «les besoins des acteurs de l’accrochage scolaire».
- La formation reçue par un enfant devient comme par magie «une trajectoire scolaire», qui lui permet de «s’insérer socialement».
Maintenant imaginez un élève, écrit Gagné, qui veut vous expliquer qu’il aura bientôt un examen de mathématiques, et qu’il n’a rien étudié: «Dans le langage ultrapoétique du MELS, cela donnera à peu près ceci. Nom d’un petit bonhomme! Je dois vivre une expérience d’évaluation en mathématiques à 13h et je n’ai pas encore maîtrisé les compétences disciplinaires! Je risque une non-réussite scolaire, ce qui pourrait me faire dévier de ma trajectoire vocationnelle et compromettre mon insertion sociale harmonieuse...»
Aïe, aïe, aïe...
Hahaha si les enfants utilisaient ces termes, ils deviendraient des rejets et passeraient pour des intello fucked up!!
Moi ce qui m'a souvent fait rire c'est "non-voyant" au lieu d'aveugle. Quand "non-voyant" sera péjoratif, on utilisera "personne éprouvant des difficultés occulaires".
Je ne savais pas que notre ministère aimait autant l'enculage de mouches (j'adore cette expression, ça dit tellement tout)
Rédigé par : Kevin | 19 mai 2008 à 00h10
Dans notre chère éducation nationale française, un ballon est un "référentiel bondissant" et un parent d'élève un "géniteur d'apprenant".
Comme quoi les cuistres ne connaissent pas les frontières.
Rédigé par : Le Nain | 19 mai 2008 à 03h12
Tant que la connerie marche en pantoufles, nous pouvons survivre, mais qu'elle s'avise de chausser ses bottes de fer comme dans certains pays, alors l'esprit meurt.
Le pédagogisme est le délassement des oisifs du ministère.
Rédigé par : Catoneo | 19 mai 2008 à 06h16
Le Nain me prend les mots de la bouche ! J'allais donner le même exemple de la langue de bois qui sévit à l'Education nationale en France ! L'expression complète pour désigner le ballon est même "référentiel bondissant aléatoire" ...
J'ai découvert le même genre de novlangue gouvernementale ici, au Québec, en lisant les journaux. Ce style de vocabulaire n'est pas seulement de la cuistrerie, ni de la c... en pantoufles. Il montre la mainmise d'une caste d'apparatchiks sur la société, loin des réalités et très à l'abri de celle-ci, fonctionnant en vase clos sur des notions idéologiques chimériques, et se reconnaissant ainsi les uns les autres. Ils ont peur des vrais mots - et de la vérité qu'ils contiennent.
Il y aurait une étude à faire sur la corrélation entre l'emprise de la langue de bois dans les ministères de l'éducation et le niveau de l'enseignement du français par exemple.
Rédigé par : marianne | 19 mai 2008 à 10h05
Sur le même sujet, mais en France :
http://cvincent.club.fr/humour/textes/enfantecole.htm
Rédigé par : Le Champ Libre | 19 mai 2008 à 16h29
Tellement drôle que ça devient triste.
Ce n'est que la continuation, que dis-je la sublimation d'une génération baby boomer élevée en prince absolue du bien et du "ce n'est pas si pire" (parce qu'évidemment il n'y a rien de "mal"). Pas d'élite, pas de gagnant, pas de perdant mais tous des égaux, des participants. Pas de difficulté ou d'épreuves, le gouvernemaman est là pour veiller au grain. Plus de malades mais des bénéficiaires, plus de noirs mais des gens de couleurs, plus d'handicapés mais des gens à mobilité réduite, plus de sourds, plus de vieux, plus de méchants super-héros qui traumatiseraient nos pôvres jeunes enfants.
Ce qui me fascine dans ce billet, c'est tout le background qu'une personne doit posséder pour arriver à pondre de telles inepties... des relents de mescaline faut croire... faite l'amour pas la guerre qu'ils chantaient...
Merci pour ce petit billet si drôle.
Rédigé par : Ben Gbs | 20 mai 2008 à 13h26
Les enfants ne font pas de travaux mais de la pédagogie par projets.
Autre chose, c'est tu vrai qu'un primaire il ne font plus doubler personne?
Rédigé par : Mat | 20 mai 2008 à 14h58
Oui Mat c'est bel et bien vrai. Je suis étudiant en enseignement et lors de l'un de mes stages au primaire, on m'a montré que la note la plus basse qui existe et qui est donc la plus basse atribuable est un D où D veut dire à peu près : L'élève réussit avec de la difficulté.
Dans le cas où un élève a trop de notes basses, on devrait lui faire passer des examens des années précédentes, et prendre la note qui en résulte en y ajoutant une étoile pour signifier que la méthode d'évaluation a été adaptée "aux besoins de l'élève".
Je ne plaisante pas.
Rédigé par : Yan Grenier | 21 mai 2008 à 00h25
Est-ce que le fémini-fascisme si présent dans le monde de l'éducation aurait femellisé tout ce qui a trait à la compétition et au dépacement de soi pour une société marxiste et égalitaire???
Rédigé par : Tym Machine | 26 mai 2008 à 23h57
Oui. Il est interdit de mettre en compétition les élèves.
Rédigé par : Yan Grenier | 27 mai 2008 à 17h56