par Martin Masse
La feuille de chou nationalo-étatiste publie ce matin en manchette une nouvelle censée nous faire très peur: «Les omnipraticiens passent de plus en plus au privé». «À l'heure où il manque près de 800 médecins généralistes au Québec, 96 omnipraticiens boudent le système public et exercent en privé seulement (…).C'est deux fois plus qu'en janvier 2007.» Ouhhhhhh! Encore le privé qui vient bousiller notre beau système de santé public-universel-gratuit-égalitaire-tellement-plus-efficace-que-le-privé-qui-veut-juste-faire-du-profit!
Il ne s'agit tout de même que de 96 généralistes sur les 7700 que compte le Québec, soit la mirobolante proportion de 1,2%, mais il faut s'inquiéter. On le sait bien, quand on donne un petit doigt à l'ogre du privé, on risque de se faire manger tout rond!
Le journal est allé chercher les commentaires d'un apparatchik de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le Dr Jacques Ricard, qui se dit très préoccupé. «Nous avons de la difficulté à maintenir les services essentiels, comme les urgences et les accouchements. Imaginez ce qui arriverait si un plus grand nombre de médecins encore délaissaient une partie de leurs tâches dans le réseau public pour faire des consultations au privé?»
OK, essayons d'imaginer ce qui arriverait. Les médecins travaillant dans le secteur privé étant moins sujets à des contraintes bureaucratiques absurdes, ils seraient plus productifs et offriraient donc plus de services que s'ils travaillaient encore dans les hôpitaux de l'État. La quantité totale de services augmenterait. Il y aurait un transfert de la demande du secteur public vers le privé. Et les patients qui choisiraient volontairement de payer pour consulter ces médecins seraient plus satisfaits. Vraiment inquiétant, n'est-ce pas?
M. Ricard, qui est directeur de la planification et de la régionalisation de la FMOQ (un titre qui indique bien qu'il n'est qu'un rouage dans la grande machine encrassée qu'est la planification bureaucratique à la soviétique de la santé au Québec), reconnaît d'ailleurs lui-même les limites du système public:
«Ce qu'on entend des médecins qui partent, comme de ceux qui restent au privé, c'est beaucoup de doléances sur les lourdeurs administratives du système, les mesures de contrôle souvent démesurées, les difficultés d'accès à des services spécialisés et certaines conditions de pratique archaïques, comme l'impossibilité d'accéder, depuis son cabinet, aux résultats de tests d'imagerie médicale et aux analyses de laboratoire», explique le Dr Ricard. Ces deux derniers irritants sont liés aux délais de mise en place du Dossier Santé Québec, le dossier patient informatisé. «Au chapitre de l'informatisation, nous sommes l'une des provinces les plus en retard au Canada», affirme-t-il.
Pendant ce temps, la manchette de La Presse, elle, nous apprend que «Le nouveau CHUM manquera de personnel». Eh oui, surprise surprise, «La construction du nouveau CHUM au centre-ville de Montréal n'est même pas encore commencée que déjà on prévoit qu'il manquera cruellement de personnel pour y travailler. Le nombre d'infirmières et de médecins ne sera pas suffisant pour combler les besoins des patients.» Comment ce fait-il que personne n'ait vu ça venir, alors que tellement de gens dans le système de santé s'occupent de «planification et régionalisation» des effectifs?
J'ai l'impression que c'est le 58e article que j'écris depuis 10 ans où je répète exactement la même chose. Mais c'est incontournable. Année après année, les mêmes nouvelles se retrouvent dans les journaux: il y a des pénuries de personnel dans la santé, les règles bureaucratiques créent des irritants, le gouvernement a un plan pour régler le problème. Année après année, ça ne fonctionne pas, pour la bonne raison qu'il est impossible de planifier bureaucratiquement de manière centralisée un secteur de l'économie, en fixant les prix de manière arbitraire. C'est pourquoi toute tentative de régler le problème à l'intérieur du cadre actuel ne fait que le perpétuer, sinon l'empirer.
Pas besoin d'être un libertarien radical pour accepter cela, suffit de comprendre les règles les plus simples et fondamentales de l'économie et de savoir ce qui s'est passé dans les pays communistes, où les pénuries étaient une réalité omniprésente. Mais personne, semble-t-il, n'est au courant de ces faits au sein de notre brillante élite planificatrice. C'est pourquoi nous sommes condamnés à réinventer constamment la roue et à relire les mêmes manchettes, année après année. En attendant la prochaine, consolons-nous du fait que quelques autres médecins auront d'ici là la présence d'esprit de quitter ce système absurde pour se donner la liberté de travailler et de mieux servir leurs patients.
Excellent billet! Je ne crois pas à la pénurie de généralistes (bémol, les spécialistes m'inquiètent plus)
En effet, on ne peut plus continuer à soviétiser la santé comme ça. De plus en plus coûteux et inefficace. Mais il semble qu'on soit dans le champ, Yves Bolduc va tout régler et ne favorisera certainement pas sa future carrière comme le Couillard Difficile!
Je souhaite que l’on permette la concurence privée NON SUBVENTIONNÉE en santé, tout comme en éducation.
Mais pas une privatisation des services publics de santé et encore moins ces foutus PPP à la con qui ne sont qu’une socialisation des risques pour une privatisation des profits.
Pour aller un peu plus loin dans le débat, je vous suggère de lire ceci:
http://www.theartofthepossible.net/2008/08/02/a-free-market-agenda-for-healthcare-reform/
De plus, Francois Tremblay, ex-collaborateur au QL, est d'accord avec ce plan. Et personnellement, je crois que ça a du sens.
http://francoistremblay.wordpress.com/2008/08/28/how-to-make-health-care-anarchistically-better/
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 29 août 2008 à 13h35
"Je souhaite que l’on permette la concurence privée NON SUBVENTIONNÉE en santé, tout comme en éducation.
Mais pas une privatisation des services publics de santé"
Donc c'est normal pour moi de payer en double (1-taxes/Public, 2-Contributions directe/assurance/privé) pour que je puisse obtenir des soins au niveau de mes attentes? Ce système n'est-il pas pire pour moi et ceux qui ont l'argent et le désir de se faire soigner au privé qu'un système totalement privé?
Suite à cela, comment me convaincre moi et ceux qui sont encore jeunes et envisagent faire de bons salaires et désirent en avoir un maximum pour leur argent de ne pas quitter pour des endroits oü les taxes et les impots sont beaucoup plus bas et les services de santés ne sont que payés à un seul endroit? Prière de ne pas me parler de mon devoir de devoir travailler pour le bien des autres. Je veux des arguments pour me vendre le système oü je devrai payer en double en plus de payer les impots et taxes les plus élevés. De plus, les couts "exorbitants" des soins de santé totalements privés ne me font pas peur.
Rédigé par : Yan Grenier | 30 août 2008 à 11h36
@Yan Grenier
Possible que mon commentaire ait pu porter à confusion, je l'admets.
"Ce système n'est-il pas pire pour moi et ceux qui ont l'argent et le désir de se faire soigner au privé qu'un système totalement privé?"
Bien sûr qu'il est pire, j'en conviens! Mais il est moins pire que le système soviétisé actuel et le système des PPP préconisé par la charogne soi-disant libérale. De plus, on peut penser à certains crédits d'impôts pour les dépenses en santé privée.
Tout comme vous, je souhaite un système de santé complètement désétatisé, sauf qu'en attendant, ce n'est pas ce qui est dans les plans du PSDLCul et de n'importe quel autre parti au Culbec.
De plus, je vous rappelle qu'il y a beaucoup d'autres choses à faire AVANT de désétatiser complètement la santé. Quand je dis ceci: "Mais pas une privatisation des services publics de santé", j'ai surtout en tête les points suivants:
1) Les privatisations deviennent trop souvent des monopolisations. Exemple: ce qui est proposé pour Hydro-Québec.
2) Les privatisations sont souvent faites à rabais et des BS corporateux s'enrichissent au dépens des CONtribuables. Pensez à comment ce parasite de Chagnon s'est enrichi avec Vidéoétron et comment Labeaume Le Minable s'est enrichi dans l'affaire Mazarin.
http://lorganepolitique.blogspot.com/2007/10/largent-la-question-labeaume.html
http://www.cese.uqam.ca/pdf/chr_00_fev.pdf
3) Je n'ai pas de problème à désétatiser la santé, dans le sens où IL S'AGIT DE DÉSENGAGER L'ÉTAT de ce secteur, mais pas dans le sens de reconnaître une propriété étatique antérieure illégitime qui sera transmise à des corporations.
Ce qui est proposé par Carson me semble raisonnable pour désétatiser la santé. Je vous suggère de lire les liens que j'ai laissé ici.
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 30 août 2008 à 15h09
La violence est bonne quand elle fait notre affaire mais pour le reste il faut la condamner :) Sacré anarcho-machin..(sic)
Rédigé par : Martin | 30 août 2008 à 15h24
Expliquez!
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 30 août 2008 à 15h28
"Je souhaite que l’on permette la concurence privée NON SUBVENTIONNÉE en santé, tout comme en éducation. Mais pas une privatisation des services publics de santé"
Rédigé par : Martin | 30 août 2008 à 15h35
@Anarcho-pragmatiste,
"Les privatisations sont souvent faites à rabais et des BS corporateux s'enrichissent au dépens des CONtribuables. Pensez à comment ce parasite de Chagnon s'est enrichi avec Vidéoétron"
Et qui tenait absolument à ce que Vidéotron reste Québecois à tout prix et ne passe pas dans les mains soit-disantes étrangères de Rogers (on reste dans le même pays pourtant)? La caisse de dépôt géré par le péquiste nationaleux de Bernard Landry.
Rédigé par : Tym Machine | 30 août 2008 à 15h41
Pour ce qui est des PPP, Anarcho-Pragmatiste a raison dans le sens qu'il n'y a que très peu de différence avec le système universel actuel. Le système universel est géré par les syndicats et les PPP sont gérées par les "amis du parti" (bien que techniquement cela constitue de la corruption si le contrat va sans appel d'offre).
Il faut tout simplement laisser libre court à une concurrence qui doit en tout point suivre toutes les lois de la santé mais qui est non-subventionné car sinon, ce n'est pas de la privatisation, c'est simplement du déplacement d'argent investi par le gouvernement.
Rédigé par : Tym Machine | 30 août 2008 à 15h44
@Martin
Relisez mon commentaire à Yan Grenier, vous comprendrez mieux ce que je voulais dire.
Mais tout de même vous soulevez un bon point. C'est vrai que mon commentaire portait à confusion. Je comprends mieux pourquoi vous avez fait ce commentaire.
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 30 août 2008 à 15h56
@Tym Machine
"Et qui tenait absolument à ce que Vidéotron reste Québecois à tout prix et ne passe pas dans les mains soit-disantes étrangères de Rogers (on reste dans le même pays pourtant)? La caisse de dépôt géré par le péquiste nationaleux de Bernard Landry."
Absolument! Et même si ça avait été des américains, c'eût été aussi scandaleux (voilà un point où je ne suis pas d'accord du tout avec Léo-Paul Lauzon!)
De plus, n'oubliez pas que c'est sous Landry, avec Marois comme Sinistre des Finances Volées, que Vincent Lacroix a reçu des subventions pour "protéger les investisseurs québécoises.
Ce dernier mandat péquiste est une vraie honte pour les séparatistes (et j'en suis un)!
"
Pour ce qui est des PPP, Anarcho-Pragmatiste a raison dans le sens qu'il n'y a que très peu de différence avec le système universel actuel. Le système universel est géré par les syndicats et les PPP sont gérées par les "amis du parti" (bien que techniquement cela constitue de la corruption si le contrat va sans appel d'offre)."
Exactement!
"Il faut tout simplement laisser libre court à une concurrence qui doit en tout point suivre toutes les lois de la santé mais qui est non-subventionné car sinon, ce n'est pas de la privatisation, c'est simplement du déplacement d'argent investi par le gouvernement."
À condition tout de même, qu'il arrive un jour un système de santé complètement désétatisé, ce dont je suis entièrement d'accord avec Yan. Mais on est loin d'en être rendu là, malheureusement.
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 30 août 2008 à 16h47
Au QL,
Moi, en toute amitié, pour ne pas que vous ayez à répéter année après année la même chose, je vous répète, année après année, que pour les choses changent, il faut que les gens sachent combien leur coutent ces services médicaux publics en particulier et les services publics en général.
Tant qu'ils croiront qu'ils sont "gratuits" (léger oubli de la part de nos concitoyens des charges sociales, notament "patronales" et des impôts, notament "indirects"), on pourra toujours leur répèter année après année que le privé (et payant, pas "gratuit" cette fois) c'est mieux, ils ne nous croieront pas.
A l'année prochaine donc.
Rédigé par : Christophe Vincent | 01 septembre 2008 à 08h05
Je suis tout à fait d'accord avec ce que Christophe dit. J'ai lu qu'environ 40% des impôts que nous payons au gouvernement québécois vont à la santé. On peut donc calculer ceci en regardant son talon de paye. Cependant, il est certain que ce ne serait pas un argument qui convaincrait les gens ne payant pas d'impôts au Québec, soit environ 40 à 45% de la population.
Rédigé par : Steven | 01 septembre 2008 à 17h51
Merci Steven,
Je précise juste que je suis français, pas québécois (personne n'est parfait).
Voilà le texte que j'ai écrit pour sensibiliser les français au fait que les services "gratuits" de l'Etat leur coutaient en réalité chaque mois la moitié de leur salaire :
http://cvincent.club.fr/textes/textes/augmentation30.htm
Voilà ce qu'a fait Liberté Chérie, une association libérale française, sur le même thème :
http://www.salairecomplet.com/
Je pense que vous québécois devriez faire quelquechose dans le même genre (mais adapté à vos spécificités que je ne connais pas).
Amitiés françaises donc.
Rédigé par : Christophe Vincent | 02 septembre 2008 à 03h23
Merci Christophe.
Bien intéressant les liens. Il est clair qu'on paye tous trop cher nos services, que l'on soit en France ou au Québec. L'État n'a pas les incitatifs nécessaires afin d'être plus efficace avec l'argent comme l'est le privé. Dommage...
Rédigé par : Steven | 02 septembre 2008 à 09h04
La cause de la pénurie de médecins est très simple : elle est artificiellement créée et maintenue par l'État qui n'a pas les moyens de payer plus de médecins.
Les autres pays où le système privé existe n'ont pas ce problème.
C'est le système public qui crée la pénurie.
Le gouvernement viole la loi fédérale sur l'accessibilité aux soins de santé. Le système est en lui-même délinquant.
Et la solution n'est pas de payer moins les médecins comme la dirait la gauche...
Rédigé par : Grand Maître des Anonymes | 12 septembre 2008 à 19h19
Les systèmes de santé publics universels en arrivent tous un jour ou l'autre à pratiquer le rationnement des soins, tout simplement parce que la santé coûte de plus en plus cher. Ce sont seulement les modalités du rationnement qui changent selon les pays. En France on ne limite en théorie pas l'accès aux soins mais on maintient très bas les honoraires des (encore) nombreux médecins et l'on rogne inexorablement sur les remboursements des médicaments et des actes. Le gouvernement agit pour cela en collusion avec les syndicats et certains organismes patronaux. Au Québec, le rationnement est organisé directement entre le gouvernement et les médecins : sous-effectif entretenu de médecins plutôt bien rémunérés, qui garantit de facto le rationnement par une restriction considérable de l'accès aux prestations. Aucun de ces systèmes n'est honorable mais je suis troublée par le rôle assez écœurant du corps médical au Québec, qui se prête en toute connaissance de cause à la manœuvre grâce à un ordre professionnel particulièrement cynique.
Je suis étonnée que la population québécoise ne se manifeste pas davantage contre cette arnaque.
Rédigé par : marianne | 12 septembre 2008 à 22h17