par Martin Masse
Un lecteur, Investisseur, demande sur un fil de discussion de ce blogue si des taux d'intérêt élevés ne seraient pas la solution idéale pour éviter les crises financières.
Les problèmes actuels sont en effet en partie causés par le fait qu'ils sont souvent trop bas, ce qui découlent de l'injection constante de monnaie et de crédit dans l'économie et des pressions politiques constantes pour les baisser (comme les principales banques centrales du monde l'ont encore fait aujourd'hui) et rendre ainsi le crédit plus facile à obtenir.
La réponse correcte est toutefois qu'il n'y a aucune raison de souhaiter des taux d'intérêt élevés.
Dans une économie libre, les taux d'intérêts (qui correspondent en fait au «prix de l'épargne») seraient fixés, comme les autres prix, par l'offre et la demande sur les marchés financiers.
Ils dépendraient, d'un côté, de la propension des individus à reporter leur consommation à plus tard (les «préférences temporelles», dans le jargon de l'économie autrichienne), c'est-à-dire à épargner une partie de leur revenu et à offrir ces fonds épargnés à des emprunteurs sur les marchés financiers. C'est le côté «offre».
D'un autre côté, ils seraient influencés par la propension des ménages et entreprises à emprunter pour consommer ou investir. C'est le côté «demande».
Plus l'offre d'épargne est élevée et la demande est faible, plus les taux d'intérêt (le «prix») tendent à baisser; inversement, plus l'offre d'épargne est faible et la demande est élevée, plus les taux tendent à augmenter.
Dans notre système où la monnaie est étatisée, ce taux est constamment manipulé par des bureaucrates qui tentent de prévoir et de planifier l'offre et la demande de crédit, exactement comme le Gosplan en Union soviétique fixait le prix du pain, des clous et des chaussures. Mais comme c'est le cas pour toutes les autres tentatives de fixer des prix, il est impossible d'avoir accès de manière centralisée à la totalité des informations qui existent dans la tête de chacun des acteurs de l'économie de manière à fixer un taux d'intérêt optimal. C'est justement à cela que sert le marché.
De la même façon que les économies communistes se sont effondrées à cause de ce problème de calcul économique (on n'a qu'à penser aux citoyens faisant la file pour acheter du pain et à extrapoler à l'ensemble de l'économie), les marchés financiers traversent aujourd'hui une crise parce que les apparatchiks monétaires sont incapables de planifier l'offre et la demande de monnaie, en plus d'en détruire les fondements mêmes en créant constamment de la fausse monnaie. Les banques centrales sont en réalité de gigantesques faux-monnayeurs qui s'adonnent à leurs activités en toute impunité.
Pour résumer, il n'y a donc aucune raison de souhaiter davantage un taux d'intérêt élevé qu'un bas taux. Ce qu'il faut, c'est un taux qui correspond à l'offre et la demande, qui n'est pas manipulé par des apprentis sorciers possédant les pouvoirs de coercition de l'État, et qui n'entraîne pas de distorsions économiques.
Nathalie Elgrably (École de Chicago) prônait ce matin à RP des taux d'intérêts plus élevés. Finalement, ce serait juste remettre à plus tard d'autres problèmes...
Attaquons-nous à la cause des problèmes directement: Abolission les Banques centrales et retournons à une monnaire à contrepartie métallique.
Martin, est-ce qu'il a des pays sans Banques centrales et/ou avec une monnaie reliée à quelque chose?
On m'a déja parlé du Panama et du Guernsey qui étaient des exemples à suivre, j'aimerais votre opinion la-dessus.
Rédigé par : Martin | 08 octobre 2008 à 14h10
Mais, si les apparatchiks pouvaient plannifier exactement la demande et l'offre de la monnaie est-ce que cela ne reviendrait pas à dire que ces mêmes apparatchicks se plieraient intégralement au marché et qu'alors il serait apparent qu'ils sont inutiles et superflus ?
N'est-ce par justement pour imposer leur volonté au marché sans tenir compte de ce dernier qu'ils manipulent et centralisent les pouvoirs monétaires ?
La vérité est que les apparatchicks n'ont jamais eu l'intention de calculer l'offre et la demande et qu'ils ont toujours voulu manipuler les marchés monétaires pour leur bénéfice politique et personnel.
Rédigé par : Investisseur | 08 octobre 2008 à 14h19
@ Martin,
Il y a divers modèles d'ancrage des monnaies nationales avec différents types de réserves, mais à ma connaissance aucun pays important n'a éliminé sa banque centrale ni ne possède une monnaie ancrée essentiellement dans l'or. La monnaie du Panama,le balboa, est lié au dollar américain. Ce n'est en fait qu'un dollar américain avec des images différentes dessus pour circulation locale.
Les banques centrales vont tôt ou tard devoir augmenter les taux d'intérêt, si ce n'est que pour éviter l'hyperinflation et l'effondrement de leur monnaie - surtout dans le cas américain. De ce point de vue, Nathalie n'a pas tort. Mais comme vous dites, la solution à long terme n'est pas là.
Rédigé par : Martin Masse | 08 octobre 2008 à 14h31
@ Martin, pourtant ici on semble dire que le Panama n'a pas de Banque Centrale et que l'inflation est faible.
http://mises.org/story/2533
Rédigé par : Martin | 08 octobre 2008 à 14h44
@ Martin,
"pourtant ici on semble dire que le Panama n'a pas de Banque Centrale et que l'inflation est faible"
C'est un cas intéressant où l'intervention de l'État dans le système monétaire est effectivement plus limitée à cause de l'absence d'une banque centrale, mais comme je l'écrivais plus haut et comme l'explique l'article, la monnaie nationale est essentiellement le dollar américain. C'est comme si le Panama était un État américain (qui ne peut pas non plus monétiser sa dette et accroître sa masse monétaire), mais sans la réglementation américaine des banques et sans la possibilité pour les banques privées d'être renflouées par une banque centrale, ce qui est certainement une situation préférable.
Mais d'un autre côté, comme dit l'article, l'inflation "is caused mostly by the Federal Reserve's effect on world prices". Bref, le balboa panaméen n'a que la solidité du dollar américain. Ce qui, dans les circonstances actuelles,n'est pas exactement un gage de sûreté.
S'accrocher à la monnaie de Monopoly servant de monnaie de réserve mondiale de la principale puissance économique du monde a sans doute des avantages, surtout dans un contexte latino-américain avec leur tradition populiste de politiques inflationnistes et de dévaluation constante, mais je ne considère pas ça comme un modèle à adopter. Si le dollar américain s'effondre, les Panaméens vont en subir les contrecoups.
Rédigé par : Martin Masse | 08 octobre 2008 à 15h58
Merci pour la réponse, Martin!
J'aimerais avoir votre opinion maintenant sur le modèle Guernsey
http://www.youtube.com/watch?v=YEVlLJHAvcY
Rédigé par : Martin | 08 octobre 2008 à 16h58
@ Martin,
Cette série de vidéos "Money Masters" propose une théorie extrêmement confuse, qui mêle un point de vue friedmanien sur les causes des dépressions avec une opposition à la Fed et aux réserves fractionnaires (ce qui est plus près des positions autrichienne), en plus de présenter une sorte de théorie du complot des grandes banques internationales et de suggérer comme solution un contrôle total (sans passer par une banque centrale) de la création de monnaie par le gouvernement (ce qui correspondrait au "modèle" Guernsey). Sans compter les commentaires anti-chinois et anti-mondialisation. Bref, ça m'apparaît comme une variante bizarroïde de créditisme, qui est déjà une théorie crackpot...
Difficile de trouver des informations fiables sur la politique monétaire de Guernsey, et je n'ai malheureusement pas le temps de faire des recherches approfondies, mais je n'accorderais pas trop d'importance à ce fameux modèle.
Rédigé par : Martin Masse | 08 octobre 2008 à 17h21
Martin Masse, je vais commencer par te dire que je t'admire beaucoup.
Je crois que tu cherches vraiment LE système monétaire idéal.
Mais pourquoi ne pas nous en parler (en détail) ?
Moi j'ai mon idée depuis plusieurs années
J'écris beaucoup et je lis (et écoute des vidéos) encore plus
---
Dans ton commnentaire sur (Money Masters) que je trouve assez juste, je dois cependant t'avouer que je te trouve plutot nébuleux sur 2 points;
1) Pourquoi les comnentaires anti-mondialisation et anti-système chinois seraient "négatifs" ? Surtout dans le contexte actuel où la mondialisation semble plus ressembler à une "communisation" des capitaux/entreprises et que le "miracle" chinois a eu l'aide (accord asymétrique de libre-échange, "most favored nation", etc) des mêmes gens qui forcent cette mondialisation "marxiste" de toute leur force ?
2) Ta remarque sur le soi-disant complot des banquiers, alors que nous pouvons constater que ces banquiers internationaux "travaillent de façon hyper-coordonnées" (complot?) et ce, plus que jamais ? Tu crois vraiment qu'ils travaillent pour résoudre la crise (avec ce que je sais que tu sais sur le fonctionnement du système monétaire "mondial") ;-)
Je crois qu'étant donné que TU es bon, tu ne peux imaginer autant d'horreur; planifiée. Pourtant, l'étude de l'histoire et de la nature humaine nous prouvent le contraire.
J'attends ta réponse avec impatience.
J'aimerais aussi que les autres intervenants présentent "leur" système monétaire idéal.
Je crois sincerement que c'est une des SEULES façon d'éviter ce qui "s'en vient".
Pour ma part, je travaille sur l'élaboration d'un tel système (à un niveau local), qui serait facilement "exportable" ailleurs.
Rédigé par : Sebastien Tremblay | 11 octobre 2008 à 19h47
@ Sébastien,
1) Il est impossible de "forcer" la mondialisation, qui n'est que le résultat normal de la libéralisation des échanges. Si nous pouvions tous acheter de n'importe qui dans le monde et vendre à n'importe qui dans le monde, parce que les États n'imposeraient plus aucune barrière à ces échanges, il n'y aurait plus qu'un seul marché mondialisé.
2) Le "complot" auquel vous référez n'est pas entre les banquiers privés, qui se font concurrence entre eux, mais entre les banques centrales et les gouvernements, qui s'entendent effectivement entre eux pour accroître l'effet de leurs politiques inflationnistes. Par ailleurs, un complot est une gigantesque tromperie qui vise à atteindre un but caché, et est très difficile à organiser. J'ai travaillé dans le gouvernement et je peux vous assurer que ces gens-là seraient incapables d'organiser un tel complot. En fait, cette coordination mondiale découle simplement de l'ignorance très évidente et pas du tout caché des principes de base de l'économie dont font preuve nos dirigeants.
Pour ce qui est du système monétaire idéal, je tenterai d'en parler plus en détail lorsque j'aurai le temps de le faire, mais je n'ai rien d'original à proposer. Il s'agit simplement d'un système de production privé et concurrentiel de la monnaie fondé sur l'étalon-or. Bref, ce que nous avons eu d'une façon ou d'une autre à travers l'histoire de la civilisation jusqu'à très récemment, mais sans les interventions des États qui ont toujours entravé en partie son bon fonctionnement. On ne va pas réinventer ce système, c'est celui qui émerge toujours spontanément dans un marché libre. Voir par exemple ce court texte de Murray Rothbard, The case for a 100 percent gold dollar, à http://www.mises.org/story/1829 .
Rédigé par : Martin Masse | 11 octobre 2008 à 21h23