par Martin Masse
J'aimerais revenir sur le commentaire d'Alan Greenspan qui, devant un comité de la Chambre des représentants la semaine dernière, admettait avoir découvert une faille dans ses croyances dans la capacité des marchés de s'auto-réglementer, ce qui l'aurait plongé dans un profond désarroi.
Greenspan se décrivant lui-même comme un libertarien et ayant été un acteur central de la crise actuelle, en plus d'avoir envouté le monde des affaires par ses tours de prestidigitation monétaire pendant presque deux décennies, cet aveu a un poids considérable. Et nos amis étatistes n'ont évidemment pas manqué de l'interpréter comme une preuve supplémentaire de la faillite d'un libéralisme économique trop «débridé» et pas assez réglementé.
Dans La Presse de samedi dernier par exemple, l'éditorialiste Ariane Krol écrit sur un ton sarcastique que «Pour cet adepte du laisser-faire, fervent admirateur de la philosophe libertarienne Ayn Rand [Wow! Ai-je bien lu? Le mot «libertarienne» correctement écrit dans La Presse au lieu de «libertaire»?!], c'est presque une révélation existentielle. Il n'aura pas vécu jusqu'à 82 ans en vain, pourrait-on dire, si la situation n'était pas aussi tragique. Mais pour les millions d'Américains qui ont perdu leurs économies, il aurait mieux valu qu'il voit [sic] la lumière un peu plus tôt.»
La tactique rhétorique n'est évidemment pas très nouvelle. On tient pour acquis qu'un dirigeant est un libertarien, ou généralement plutôt un «néolibéral» dogmatique; sans mentionner que ses politiques vont en fait dans le sens contraire de ce que préconise le libéralisme économique, on l'accuse d'être responsable de tel ou tel problème survenu sous sa gouverne; puis, suivant une logique infaillible, on conclut que le «néolibéralisme» est donc la source du problème et est une doctrine dépassée qui devrait être mise à la poubelle. «L'idéologie qui le guidait, écrit Krol, ils étaient nombreux à la partager sous l'administration Bush.» Ah oui, Bush, ce grand libertarien qui a bien dû réduire Washington de moitié et dont on a fait l'éloge à maintes reprises sur ce site…
La réalité est que même s'il faisait effectivement partie du cercle d'Ayn Rand dans les années 1960, Greenspan a fait toute sa carrière subséquente comme apparatchik de l'État et n'a strictement rien accompli pour en réduire la taille. Il a au contraire abusé de ses pouvoirs d'inflationniste en chef pendant les 18 années où il a occupé ce poste. Sa politique monétaire, qui se résumait essentiellement à gonfler constamment la masse monétaire et à inonder les marchés financiers de liquidités dès qu'un ralentissement économique se pointait le nez (le fameux «Greenspan put»), n'avait rien à voir avec des principes libertariens. D'ailleurs, les décisions de Greenspan le maestro de la Fed contredisaient tout à fait les principes professés par Greenspan le randien des années 1960.
Aujourd'hui, Greenspan est un vieil homme probablement réellement en désarroi, qui cherche à sauver sa réputation pour la postérité après avoir vendu son âme à l'État pendant la dernière partie de sa vie. Son explication est, dans cette perspective, peut-être la défense la plus appropriée, celle qui limite le plus les dégâts.
Comme je l'ai expliqué dans un récent billet, il faut distinguer les deux causes de la crise. L'expansion de la masse monétaire a créé une bulle et de la spéculation effrénée — c'est la première cause fondamentale. La raison pour laquelle cette bulle a surtout émergé dans le secteur immobilier est l'existence de lois comme le Community Reinvestment Act et d'organismes comme Fannie et Freddie qui ont incité et subventionné la distribution d'hypothèque à des millions de personnes qui n'avaient pas les moyens de s'acheter une maison — c'est la deuxième cause accessoire.
Greenspan a clairement été responsable de la première cause. Mais il n'a pas du tout fait cet aveu. Il continue au contraire de prétendre qu'il était impossible de savoir si on était dans une bulle, et qu'il y avait des circonstances internationales impossibles à contrôler (une trop grande quantité d'épargne dans le monde, a-t-il bizarrement affirmé à plusieurs reprises) qui rendaient sa tâche difficile. Comme s'il était difficile de prévoir ce qui va se passer si l'on baisse les taux d'intérêt à 1% et on injecte des milliards de dollars de liquidités à chaque occasion qui se présente!
Au lieu de cela, Greenspan avoue avoir découvert une faille dans sa compréhension de la seconde cause. Si les marchés immobilier et hypothécaire avaient été très strictement réglementés pour rendre impossibles les excès et la spéculation qui ont eu lieu, il est en effet possible de croire que la bulle ne se serait pas développée dans ce secteur. Mais l'argent injecté n'aurait pas disparu: la bulle aurait simplement gonflé ailleurs, comme elle l'a fait précédemment dans le secteur de la haute technologie ou dans les marchés émergents.
Bref, ce que nous dit Greenspan, c'est que sa politique monétaire était, compte tenu des circonstances, correcte; mais qu'il a eu tort de croire que les marchés (totalement faussés par cette politique monétaire) pourraient s'auto-réglementer pour éviter une bulle. Si l'on accepte la première affirmation, la seconde est tout à fait juste. Les marchés faussés ne pouvaient en effet pas s'auto-réglementer dans un tel contexte. La solution à ce problème n'était toutefois pas de réglementer très strictement ces marchés pour empêcher l'émergence de la bulle. Il aurait fallu alors réglementer toute l'économie pour éviter que la bulle émerge ailleurs. La solution était plutôt de mener une politique monétaire plus responsable et prudente (en présumant qu'on reste dans la même logique de planification centralisée de la politique monétaire).
Greenspan croit-il vraiment ce qu'il dit? A-t-il pu oublier complètement les principes qu'il défendait il y a 40 ans, alors que Ron Paul les lui rappelait constamment lors de ses comparutions devant le comité des finances de la Chambre des représentants? Je n'en sais rien. Mais chose certaine, son aveu est beaucoup moins lourd de conséquence que s'il avait admis que la politique monétaire qu'il avait menée pendant 18 ans était elle-même un échec.
Ariane Krol termine son article en constatant que «rares sont ceux qui, comme lui, ont eu l'honnêteté intellectuelle de la [son idéologie libertarienne] remettre en question». Voilà, nous qui pensons que la crise vient spectaculairement confirmer nos théories au lieu de les remettre en question, nous sommes des malhonnêtes intellectuels. De mon côté, je ne doute pas de l'honnêteté intellectuelle de Krol, qui croit sans aucun doute fermement tous les sophismes économiques et les poncifs interventionnistes qu'elle nous sert presque quotidiennement dans ses éditoriaux. Je doute surtout de sa capacité intellectuelle à écrire autre chose que des insignifiances.
Tu écris:
"Greenspan a fait toute sa carrière subséquente comme apparatchik de l'État et n'a strictement rien accompli pour en réduire la taille"
Par rapport à cet extrait, j'ai une petite question pour toi:
La FED, est-ce une institution étatique (comme la banque centrale canadienne?) ou plutôt une institution privée sur laquelle l'état américain n'a que très peu de pouvoir?
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 01 novembre 2008 à 01h52
"une institution privée sur laquelle l'Etat américain n'a que très peu de pouvoir " ?
Toute banque centrale est la clef de voute d'un gigantesque édifice dédié à la création (contrefaçon?) de monnaie. Son monopole dans cette activité lui est conféré par l'état et est garanti par l'état (ou une coalition d'états comme en Europe). Le degré d'indépendance des dirigeants d'une banque centrale face aux pressions des politiciens et des autres fonctionnaires de cet état est une question qui a peut être son importance pour expliquer certaines décisions. Toutefois, la réponse à cette question ne change fondamentalement rien à la nature de cette institution - et à l'inévitable incapacité de ses dirigeants à manipuler le système des prix tout en contrôlant à volonté les effets de ces manipulations, comme ils prétendent pourtant pouvoir (et devoir) le faire.
Cette question rejoint plus largement le thème des "organismes indépendants", mythe qui s'appuie sur l'idée, séduisante, qu'un fonctionnaire au QI très élevé pourrait réguler efficacement tel ou tel secteur d'activité s'il était à l'abri des pressions partisanes et des perturbations liées aux foires électorales. L'analyse de l'école autrichienne, comme l'explique M.MASSE depuis des années, rappelle que prétendre contrôler (ou remplacer) le système des prix de l'économie de marché est une vanité qui implique des problèmes autrement plus sérieux que celui posé par le chahut des petits camarades, qui perturberait le planificateur.
Rédigé par : Olivier Golinvaux | 01 novembre 2008 à 04h40
"Toute banque centrale est la clef de voute d'un gigantesque édifice dédié à la création (contrefaçon?) de monnaie."
- Je suis d'accord
"Son monopole dans cette activité lui est conféré par l'état et est garanti par l'état (ou une coalition d'états comme en Europe)."
- "Lui est conféré par l'état", c'est vrai, mais dans le cas de la FED, connais-tu la 'petite histoire' de sa création ? N'est-ce pas important de la connaître ? Faut rester uniquement dans la théorie ?
"Le degré d'indépendance des dirigeants d'une banque centrale face aux pressions des politiciens et des autres fonctionnaires de cet état est une question qui a peut être son importance pour expliquer certaines décisions."
- Les politiciens américains n'ont pas du tout de pouvoir sur cette banque dite centrale. Ce sont les gens qui possèdent la FED (une institution 100% privée) qui décident qui sera sur la liste (des futurs dirigeants de la FED) soumise au président américain.
Me semble qu'ici le 'degré' a son importante, non?
"Toutefois, la réponse à cette question ne change fondamentalement rien à la nature de cette institution - et à l'inévitable incapacité de ses dirigeants à manipuler le système des prix tout en contrôlant à volonté les effets de ces manipulations, comme ils prétendent pourtant pouvoir (et devoir) le faire."
- Je suis d'accord. Mais connaitre le fonctionnement et surtout l'origine de la FED ne peut-il pas nous aider à mieux comprendre la situation -merdique- dans laquelle nous nous trouvons? Connaître le passé, pour ne pas répéter les mêmes erreurs ?
"Cette question rejoint plus largement le thème des "organismes indépendants", mythe qui s'appuie sur l'idée, séduisante, qu'un fonctionnaire au QI très élevé pourrait réguler efficacement tel ou tel secteur d'activité s'il était à l'abri des pressions partisanes et des perturbations liées aux foires électorales. L'analyse de l'école autrichienne, comme l'explique M.MASSE depuis des années, rappelle que prétendre contrôler (ou remplacer) le système des prix de l'économie de marché est une vanité qui implique des problèmes autrement plus sérieux que celui posé par le chahut des petits camarades, qui perturberait le planificateur."
- La-dessus, je suis d'accord à 100%. De toute façon, quel que soit l'être humain qui aura ce pouvoir -absolu- de création d'argent, il y aura dérive.
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 01 novembre 2008 à 11h59
La banque centrale reste un monopole étatique, qu'elle soit sous le contrôle de la branche législative du gouvernement ou non. C'est loin d'être privée une banque centrale, c'est un peu comme la SAQ. Que Jean Charest se mêle des décisions de la SAQ ou non, ça reste un monopole d'état.
Rédigé par : Jean-François Grenier | 01 novembre 2008 à 18h01
La bancque centrale canadienne est 100% publique
Mais es-tu 100% certain pour la réserve fédérale... inc. ?
Comme dans federal express inc.
;-)
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 01 novembre 2008 à 19h19
J'ai commencé mon parcours libertarien en lisant la philosophie objectiviste d'Ayn Rand. Bien que je partage presque toutes leurs idées, je trouve les objectivistes trop moralisateurs et catégoriques. Ayn Rand disait que si tu n'es pas objectiviste après avoir compris le message, alors tu es tout simplement du côté du mal. Elle ne laissait aucune place au doute et à l'honnête erreur intellectuelle.
Quand je lis les chroniques de Mme Krol, c'est comme si j'entendais Ayn dans ma tête qui me dit "tu vois, j'ai raison. Ils sont bel et bien des agents du mal". Il n'est pas possible d'avoir toujours tout faux comme ça de facon honnête.
Rédigé par : Jean-Bernard Theard | 02 novembre 2008 à 07h30
On a affaire à un grand homme ici...Prêt à vendre l'économie de marché pour se soustraire de sa responsabilité dans la crise. Incroyable.
Rédigé par : Jules Olivier | 02 novembre 2008 à 11h27
"On a affaire à un grand homme ici...Prêt à vendre l'économie de marché pour se soustraire de sa responsabilité dans la crise. Incroyable."
L'économie de marché ???
La banque centrale américaine n'a rien à voir avec l'économie d'un marché libre et tout à voir avec une économie d'un marché planifié.
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 02 novembre 2008 à 13h39
J'apprécie votre point de vue. Il me semble évident que les médias prennent trop de raccourcis dans leur rapport des faits.
La politique monétaire de Greenspan y est pour quelque chose, mais on ne peut pas, selon moi, exonérer l'idéologie libertarienne du fait qu'il y ait un excès de liquidités et donc qu'il y aurait forcément une bulle qui éclaterait dans un secteur donné. Il faut aller plus loin. Pourquoi les banques ont-elles fermé les yeux sur les risques évidents qu'ils prenaient?
J'élabore mon point de vue sur mon blogue aujourd'hui:
http://couillard.wordpress.com
Rédigé par : ÉternelRetour | 02 novembre 2008 à 16h26
Martin Masse,
Le mot libertarien est utilisé correctement cette fois-ci seulement pour le tourner en dérision et s'en prendre à lui. Ils vont l'utiliser correctement cette fois-ci afin de saisir l'occasion de salir ce mot en l'associant au capitalisme "débridé" et aux fraudeurs.
Lorsque tout va bien, ils vont faire par exprès pour utiliser encore une fois le mot libertaire afin de ne pas associer le mot libertarien à la liberté ni à la prospérité.
Je crois que les gens de la presse sont de mauvaise foi et qu'ils savent très bien ce qu'ils font. Ce n'est donc pas par ignorance qu'ils utilisaient le mot libertaire dans leurs articles passés mais bien par parti pris, tout le contraire du journalisme objectif.
Rédigé par : Investisseur | 02 novembre 2008 à 19h48
Je n'arrive pas à croire qu'un homme puisse être traître envers lui-même à ce point. Il a renié et renoncé à tous ses principes les plus chers afin d'avoir un poste prestigieux et être puissant.
Absolute power corrupts absolutely. Alan Greenspan est l'exemple le plus complet de déchéance. Un homme qui se trahit lui-même de la sorte pour du prestige et du pouvoir est un homme dangereux prêt à trahir son pays et le monde entier.
Alan Greenspan est à mon avis une ordure corrompue qui mérite d'être piétiné et sali par l'histoire à tout jamais. C'est un grand criminel économique.
Rédigé par : Investisseur | 02 novembre 2008 à 20h01
"La bancque centrale canadienne est 100% publique"
pris directement sur le site de la dite banque
bankofcanada.ca/pdf/act_loi_boc_bdc.pdf
-est une corporation
-Le sous-ministre des Finances sièges au conseil d'administration mais n'a pas droit de vote. Il a un poste consultatif seulement
-"Le capital est divisé en cent mille actions ... , émises
et attribuées au ministre, pour le compte de Sa
Majesté du chef du Canada."
ou plus clair en anglais
"on behalf of Her Majesty in right of Canada."
Si je comprend bien la loi gouvernant cette banque, je peu me tromper vous savez, mais il me semble qu'elle soit une corporation privé propriété de la reine. Il y a surement quelque chose que je ne comprend pas.
Rédigé par : Uber Jalemon | 03 novembre 2008 à 09h19
Quand va t-on parler de la mise en place de la TAXE TOBIN pour stabiliser les marchés et réduire l'importance de la spéculation ?
Rédigé par : HEP de France | 03 novembre 2008 à 17h46
"Quand va t-on parler de la mise en place de la TAXE TOBIN pour stabiliser les marchés et réduire l'importance de la spéculation ?"
Quelle solution originale!! Être forcé de donner plus d'argent aux politiciens et aux bureaucrates pour résoudre un problème créé par la mainmise des politiciens et des bureaucrates sur la monnaie et les marchés financiers. Je n'y avais pas pensé, c'est une idée de génie, il faut en parler. Il n'y a rien de plus stabilisateur qu'une nouvelle taxe en effet. Mais je l'appliquerais autrement que ce que M. Tobin suggère.
On a par exemple beaucoup d'instabilité au niveau des prix. Un panier de biens de consommation qui coûtait 100$ en 1983 coûte, vingt-cinq ans plus tard, 200$ (faites le calcul sur le site de la Banque du Canada: http://www.banqueducanada.ca/fr/taux/inflation_calc-f.html ). Pourquoi ne ne pas imposer aux députés du parti au pouvoir, aux fonctionnaires du ministère des Finances, de même qu'aux employés de la Banque du Canada, une taxe correspondant aux taux de dépréciation de la monnaie que nous tous devons subir? À partir de maintenant, si l'inflation est de 3%, on ajoute une surtaxe de 3% sur le salaire de toutes ces personnes. L'an prochain, si l'inflation est de 4%, la taxe monte à 7%, et ainsi de suite. Je suis persuadé qu'ils trouveraient un moyen de contrer l'instabilité monétaire et des prix.
On pourrait d'ailleurs imposer une taxe similaire en utilisant la croissance du PIB, le taux de chômage et d'autres indicateurs. Il faut réduire les manipulations bureaucratiques de notre économie et la spéculation politicienne!!! Vivement une taxe Tobin sur les politiciens et les bureaucrates!!!
Rédigé par : Martin Masse | 03 novembre 2008 à 18h27
"pris directement sur le site de la dite banque
bankofcanada.ca/pdf/act_loi_boc_bdc.pdf
-est une corporation"
Pourtant, selon mes recherches, je croyais que notre banque avait été nationalisé en 1935.
Merci pour tes précisions.
Finalement, la banque centrale canadienne est presque aussi *privée* que le consortium de banques privées qui détient la FED ?
Nous sommes devant une "créature hybride";
-C'est un gouvernement qui légalise cette banque centrale *privée*, supposément 100% governmentale (selon la propagande).
-C'est une corporation, mais c'est *notre majesté* qui détient toutes les actions.
-C'est donc réellement une *corporation royale* qui a la mainmise sur la direction du marché monétaire *public*.
Vraiment, tu imagines expliquer ça à une personne qui se dit de droite ou de gauche. ;-)
Même la plupart des libertariens ne comprennent pas les implications de l'existence même de *monstre hybride*; ni 100% privé, ni 100% public.
Ouf !
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 03 novembre 2008 à 18h56
"Vivement une taxe Tobin sur les politiciens et les bureaucrates!!!"
Ton sarcasme est très drôle.
En passant, j'ai fait des recherches sur le calcaul du taux d'inflation officiel calculé par la notre banque centrale hybride...
Semblerait qu'il y a une petite "intervention" gouvernementale (dans le sens de distorsion), là aussi.
Dans le sens que notre majesté chercherait à diminuer le réel taux en "oubliant" certains éléments, comme par exemple l'augmentation totale des intérêts sur les hypothèques.
Sans même aller sur leur site pour chercher les éléments qu'ils utilisent pour calculer ce taux, je t'invite à oublier les taux *officiels* anoncés depuis 10 ans et de faire ce petit calcul rapide:
1) Quelle est la hausse moyenne de la valeur des maisons au Canada depuis l'an 2000 ? Environ 70-80% ?
2) Quelle est la part de l'habitation dans les dépenses des canadiens?
Environ 35% ?
3) Quelle est l'augmentation du prix des loyers depuis 8 ans ?
Alors comment font-ils pour arriver à un taux annuel moyen d'environ 2% sur 8 ans ?
Bon, je ne tiens pas compte de toutes les nuances entourant le calcul du taux d'inflation *officiel*; dont le fait que dans le 35% consacré à l'habitation, il y a ceux qui payent des loyers (et donc pas d'hypothéque), mais bon, les locataires ont -eux aussi- subi une grande augmentation...
En tout cas, ce ne sera pas la première fois, ni la dernière fois qu'un gouvernement tripote le taux d'inflation.
;-(
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 03 novembre 2008 à 19h24
@ Sébastien,
J'ai déjà mentionné dans un autre commentaire comment le taux officiel de l'IPC ne tient pas vraiment compte de l'inflation dans toute son ampleur. Les prix des titres financiers par exemple ne sont évidemment pas inclus dans ce calcul, et pourtant, la hausse faramineuse des actions durant la bulle des dotcom était une manifestation évidente de l'inflation.
Je pense qu'on atteint là les limites d'un indice agrégé qui ne peut tout simplement pas refléter la réalité (voir par exemple sur ce sujet l'article de Frank Shostak: http://www.quebecoislibre.org/020608-13.htm ).
Dans le cas de l'immobilier, il est vrai que la hausse des prix des maisons est aussi une manifestation de l'inflation, mais ce n'est pas évident à calculer, et je ne pense pas qu'il y ait nécessairement manipulation. Même si la valeur des maisons mises en vente a augmenté de 70% depuis 2000, la plupart des gens n'ont pas pour autant des paiements d'hypothèque plus élevés. Ça n'affecte que ceux qui ont acheté une maison pendant cette période. Et d'ailleurs, on ne peut pas vraiment dire qu'elle est la hausse de prix qui les touche: hausse par rapport à quoi? Au loyer, à l'hypothèque qu'ils payaient auparavant? Il n'y a aucun lien entre les deux chiffres pour permettre de calculer une hausse de prix.
C'est pour cette raison que l'inflation des prix, calculée par l'indice des prix à la consommation (IPC), est une donnée pas très utile et plutôt trompeuse. L'inflation des prix n'est de toute façon qu'une conséquence de l'inflation monétaire. C'est là-dessus qu'il faudrait se concentrer: de combien la banque centrale a-t-il fait gonfler la masse monétaire d'un mois à l'autre? Voilà le chiffre vraiment pertinent, celui qui permet de voir dans quelle mesure notre monnaie se déprécie, des malinvestissements vont être créés, une fraude à grande échelle est constamment perpétrée contre nous, les prix vont éventuellement augmenter davantage, etc.
Rédigé par : Martin Masse | 03 novembre 2008 à 19h55
Merci pour les explications;
Nous sommes 100% d'accords avec ça:
"C'est là-dessus qu'il faudrait se concentrer: de combien la banque centrale a-t-il fait gonfler la masse monétaire d'un mois à l'autre?"
I.E. Le M2++ (?)au Canada ou le M3 aux E.U. (qui n'est plus publié depuis mars 2006) !
Quel est -selon toi- le décalage entre l'augmentation de la masse monétaire et le taux d'inflation ?
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 03 novembre 2008 à 20h40
"Quel est -selon toi- le décalage entre l'augmentation de la masse monétaire et le taux d'inflation ?"
La croissance économique, toutes choses étant égales (donc, à masse monétaire constante), a pour effet de faire baisser les prix. La façon la plus simple d'imaginer tout cela est donc de prendre l'augmentation de la masse monétaire (par exemple, 8%) et d'y soustraire la croissance réelle du PIB (par exemple, 4%) pour obtenir le taux d'inflation (= 4%). Mais ce n'est pas si simple.
Déjà que ces chiffres sont des données agrégées qui ne reflètent pas très bien la réalité... Et puis, où s'en va le nouvel argent exactement? Dans les titres boursiers? Alors, ça ne sera pas comptabilisé dans l'IPC. Impossible non plus de vraiment débroussailler l'effet d'une augmentation de prix dans les biens de production (machines, etc.) versus les prix de consommation.
Les économétriciens essaient de comprendre les relations entre tout ça en prétendant avoir des données précises et fiables et analyser des phénomènes qui ont des relations prévisibles entre eux, mais c'est impossible. Voilà pourquoi les manipulations politiques qui se basent sur ces chiffres et ces "leviers" s'apparentent en fait à des expériences d'apprentis sorciers. On peut comprendre conceptuellement les relations de causes à effets et observer des ordres de grandeurs mais on ne peut pas les quantifier correctement.
Il y a tout un débat depuis des décennies dans la profession (alimenté pendant longtemps par les monétaristes) sur la meilleure façon de calculer l'inflation de manière à intervenir le plus judicieusement possible, mais c'est un débat surréaliste qui n'a jamais abouti à rien de pertinent, puisqu'on se rend toujours compte après quelques années que les relations entre les indices finissent par s'effriter ou même disparaître complètement en période de crise.
Le système de réserves fractionnaires vient encore plus compliquer les choses, puisque comme on le voit en ce moment, les injections monétaires des banques centrales n'ont pas nécessairement pour effet d'augmenter la quantité de crédit disponible. Les banques commerciales veulent prendre moins de risques et protéger leurs réserves et elles cessent d'augmenter la quantité de "faux crédit" créé à partir de rien.
Autant il est facile de gonfler le crédit dans un système de réserves fractionnaires, autant il est facile de le comprimer. On parle donc de plus en plus de déflation ces jours-ci plutôt que d'inflation, malgré les injections massives des dernières semaines. On pourrait donc voir les prix baisser bientôt, pas juste les maisons mais dans tous les secteurs (ce n'est pas une prédiction que je fais, à ce stade-ci, je pense que c'est impossible à prévoir avec certitude). Ils baisseront moins que ça aurait été le cas sans ces injections monétaires (il y a donc quand même une sorte d'"inflation" des prix), mais tout de même, on s'attendrait plutôt à une forte inflation. C'est paradoxal mais tout à fait possible à cause des réserves fractionnaires. (C'est ce paradoxe, qui s'est produit aussi durant la Grande Dépression, que les friedmaniens ne semblent pas comprendre. Ils pensent que si la masse monétaire se contracte, c'est parce que la banque centrale n'injecte pas assez d'argent et en retire même de la circulation, alors qu'au contraire il peut y avoir contraction même avec des injections monétaires massives.)
Bref, le lien entre les indices de croissance de la masse monétaire et le niveau des prix dépend de nombreux facteurs et on ne peut pas faire de calculs précis, autrement que de dire que quand la masse monétaire augmente, les prix auront aussi tendance à augmenter.
Rédigé par : Martin Masse | 03 novembre 2008 à 21h43
Ah batince ! Quelle belle et complète explication ! Merci !
Si seulement nos gouvernements écoutaient les gens qui parlent du réel, j'te dis que nos problèmes trouveraient une solution vraiment rapidement.
Pour l'instant, j'ai l'impression qu'il y a UN parti avec 3-4 "couleurs".
Ils disent à peu près tous la même chose, travaillent tous à partir de l'irréel pour nous proposer, tantôt, des "ajustements à gauche", tantôt des "ajutements à droite".
En tout cas, faut continuer d'essayer...
Rédigé par : Sébastien Tremblay | 03 novembre 2008 à 22h25
Avec une masse monétaire inchangée lors d'une croissance économique, l'offre pour des biens et service augmente, donc la demande monétaire augmente alors que la masse monétaire reste inchangée.
Ce qui a pour effet d'augmenter la valeur de l'argent avec le temps.
Les épargnants verraient leur prospérité augmenter avec le temps à l'abris de l'impôt. Puisqu'ils n'auraient pas besoin de gagner de l'argent supplémentaire pour avoir plus de richesse.
Rédigé par : Jérôme Kerviel | 04 novembre 2008 à 11h02