par Gilles Guénette
La jeune femme (toute de bleu vêtue) nous regarde en exhibant un large sourire et une petite affiche sur laquelle se trouve une fleur-de-lys. Au bas de la page du journal (pleine et toute en couleurs, on ne regarde pas la dépense!), c’est écrit: «Ici, on fait affaire en français. Recherchez ce logo chez vos détaillants préférés. Il confirme leur engagement à vous servir en français. Parce qu’ici, au Québec, être accueilli et servi en français, c’est plus que notre droit, c’est notre fierté.» Et c’est signé «Québec» – signature maintenant apposée sur une quantité phénoménale de publicités produites à nos frais dans la Belle Province.
C’est la dernière campagne de sensibilisation du gouvernement du Québec. N’étant visiblement pas à cours de sujets à traiter de front, l’État tente maintenant de «sensibiliser les commerçants ainsi que les consommateurs à l’utilisation du français comme langue de service au Québec». Se voulant sans doute rassembleuse, la campagne a été développée «autour du thème Ici, on commerce en français et se déroulera du 13 décembre 2008 au 2 janvier 2009 principalement dans la région de Montréal, mais aussi dans l’Outaouais et en Estrie.» – parce qu’il n’y a que dans ces régions où l’on retrouve encore d’irréductibles Anglais qui n’éprouvent aucune fierté à servir ou à être servis en français.
Lors du lancement de ladite campagne (chapeautée par notre police de la langue, l’Office québécois de la langue française), le porte-parole et humoriste, Louis-José Houde, avait ceci à dire: «Il y a bien sûr des commerçants à sensibiliser au fait qu’il est simplement normal et naturel d’accueillir tous leurs clients en français et à servir dans cette langue ceux qui le souhaitent sans qu’ils aient à le demander. Par ailleurs, je veux aussi redire aux Québécois de ne pas faire affaire avec des magasins qui ne les respectent pas. Nous devons exiger d’être respectés, mais nous ne le serons que si nous nous respectons nous-mêmes ».
Comment se fait-il que les Québécois «fiers d’être servis en français» ne sont pas foutus d’exiger eux-mêmes qu’on les respecte lorsqu’ils commercent? Mystère. Si tous les Québécois débordants de fierté et confrontés à l’anglais comme langue de commerce s’exprimaient et disaient leur façon de penser aux serveuses qui osent leur parler dans la langue de Shakespeare, les bureaucrates de l’Office n’auraient sans doute pas cru bon lancer une telle campagne. Quoique… Il faut bien qu’ils se tiennent occupés, les pauvres. S’ils jugent que le français est menacé au Québec, qui sommes-nous pour mettre en question leur jugement?!
Les ronds-de-cuir de l’OQLF invitent donc les commerçants qui souhaitent s’engager à offrir aux consommateurs un environnement sans anglais à se procurer le logo «Ici, on commerce en français» et à l’apposer bien en vue sur leur vitrine – au côté du petit drapeau aux couleurs de l’arc-en-ciel, peut-être, de celui du Canada, Why not?, et du pictogramme «Interdit de fumer», indispensable.
Une question: si les consommateurs sont appelés à rechercher le logo aux couleurs de la campagne chez les détaillants avec lesquels ils traitent, que se passe-t-il si ces détaillants – pour quelque raison que ce soit – ne se procurent pas le petit logo tout beau pour l’accoler à leur vitrine? Le client «fier d’être servi en français» passera tout droit – pensant qu’il s’agit là d’un autre de ces commerçants qui ne le respectent pas en tant que Québécois – et ira faire ses emplettes ailleurs. Et le commerçant francophone, aussi plein de bonnes intentions soit-il, sera pénalisé. Pas fort.
Autre question: que se passe-t-il si un commerçant anglophone un tantinet farceur se procure le petit logo en question, sachant très bien qu’il n’est pas en mesure d’offrir un environnement sans anglais, et l’appose sur sa vitrine? Des mesures légales de réprimande sont-elles prévues? Les policiers de l’OQLF enquêtent-ils sur les commerçants qui font la demande de l’autocollant avant de leur transmettre? Comment être certain qu’en entrant dans un commerce qui exhibe ledit sticker, une serveuse ne nous accueillera pas avec un «Hello! How can I help you today?» bien senti?
Cette campagne «Ici, on fait affaire en français», dont on ignore le coût pour les contribuables, est inutile – comme toutes les campagnes signées «Québec» d’ailleurs. Les quelques centaines de milliers de dollars qu’elle aura sans doute coûté auraient été plus profitables s’ils étaient restés dans les poches des consommateurs (francophones et anglophones) plutôt que d’avoir été «redistribués» vers celles des bureaucrates nationaleux de la langue de l’OQLF. De l’argent carrément jeté par les fenêtres.
Je me souviens plus tôt cette année d'avoir entendu une pub sur une radio anglophone (CHOM) qui disait quelque chose du genre :"You can nod, you can say hi, you can shake hands, you can hi-five, but for me, the best way to salute someone is :"Bonjour!". Because french matters to us all".
.... même moi qui est francophone "de souche" ça m'avait insulté. On ferait ce coup là en français avec "Hi" et je serais pas surpris que y'ait des émeutes.
Rédigé par : Frankyb | 22 décembre 2008 à 14h15
Je croyais qu'ici on commerçait en argent, en dollars.
Rédigé par : Foutaises | 22 décembre 2008 à 15h07
J'ai le gout d'aller dans une place comme ça et exiger qu'ils me servent en anglais, et je leur parlerai anglais avec le pire accent québécois, pour qu'ils réalisent bien que je suis un vrai Québécois qui CHOISIT de parler anglais à des employés francophones, juste pour le fun et être haïssable.
Rédigé par : Dave Thompson | 22 décembre 2008 à 15h30
@Frankyb ouais j'ai aussi entendu cela! J'ai dit "ouate te phoque" hehe, mais sérieusement j'ai été insulte juste par le fait que j'ai paye mon argent pour entendre cette inutilité...
Sur la coté des langues dans les commerces c'est fortement simple... ton client arrive, il dit "bonjour", "hello", "ni hao" ou quelque chose comme ça, tu réponds dans sa langue, il achète ton produit et tout le monde est content... si tu veux insister a parler uniquement un langue, bien tes clients qui ne veulent pas être servi dans cette langue vont aller ailleurs. La libre marché c'est tellement efficace et belle :)
Rédigé par : James | 22 décembre 2008 à 15h42
Le rapport qualité prix m'importe plus que la langue dans la quelle je transige. Je communiquerais en chinois si je flaire un bon deal.
Rédigé par : Christopher Bélanger | 22 décembre 2008 à 17h03
C'est pourtant simple, cherchez à qui le crime profite. Ce n'est pas pour rien que c'est toujours les mêmes firmes de communucations qui obtiennent ces lucratifs contrats.
Dans les pays de cul, on appelle ça de la corruption, ici, on appelle ça protéger notre langue...
Rédigé par : ClaudeB | 22 décembre 2008 à 22h12
Ça nous force à apprendre l'anglais à l'école et ensuite pas le droit de le pratiquer, parce que le français serait soit disant en danger.
Rédigé par : Simon Laflamme | 02 janvier 2009 à 14h34