La lecture quotidienne des journaux a de quoi assommer un esprit rationnel. Il ne se passe pas une journée sans qu'on lise, dans n'importe quel quotidien, au moins une analyse, déclaration ou commentaire, par un journaliste, un commentateur invité ou par un personnage dont on rapporte les propos, qui fasse preuve d'une totale incompréhension de la logique économique. Ou encore qui dénote une ignorance crasse de l'histoire économique, celle de la Grande Dépression par exemple.
Comme toute les crises, la présente crise économique fait en sorte de créer une sorte de climat d'hystérie collective, où la raison n'a plus de droit de cité. La presque totalité des propos se rapportent à un sentiment de panique incontrôlable: Il faut faire quelque chose, tout de suite! Et seul le gouvernement peut le faire de façon massive avec son pouvoir d'intervention illimité. On ne peut pas se fier à des individus libres pour prendre les décisions qui sont dans leur intérêt. Ma solution interventionniste doit être imposée à tous au moyen du pouvoir de coercition étatique.
Pour éviter de sombrer dans le découragement devant tant de folie, en particulier si, comme cela semble se confirmer, on en a pour un bon bout de temps avant de voir le bout du tunnel, il faut pouvoir se rabattre sur des espaces où la rationalité continue d'avoir préséance. Il faut pouvoir dénoncer et rectifier les choses en sachant qu'on sera compris et pour que d'autres finissent par comprendre. Il faut aussi pouvoir en rire.
C'est ce que nous faisons depuis un bout de temps déjà sur le Blogue du QL. Mais ce fil de discussion sera spécifiquement consacré au crétinisme concernant la crise (vu la popularité du sujet sur le Fil de discussion libre mensuel et dans les autres fils de discussion).
Ce qui m'a incité à lancer ce fil ce matin, c'est encore une fois celle qui est sans doute la plus insignifiante éditorialiste dans les six ou sept quotidiens que je lis tous les jours, Ariane Krol de La Presse. Comment se fait-il que quelqu'un n'ayant manifestement aucune connaissance générale approfondie de quoi que ce soit, et dont l'argumentaire se résume à quelques phrases gnagnan pour dire que "le gouvernement doit de toute évidence intervenir mais attention, il doit le faire comme il faut!", se retrouve dans une position d'éditorialiste dans un grand quotidien? Mystère.
On se souviendra de l'article de Mme Krol sur Greenspan que j'avais critiqué à l'automne ( http://www.leblogueduql.org/2008/11/laveu-trompeur.html ). Cette fois, elle exhibe pratiquement tous les symptômes du crétinisme ambiant concernant la crise.
Tout d'abord, la première phrase de son éditorial, qui justifierait à elle seule son congédiement: "La Grande Dépression nous a montré à quoi s'expose un gouvernement qui refuse d'intervenir dans son économie." Ah ah ah!!! Quelle blagueuse.
Je ne vais pas répéter en détail ce qu'on a écrit plusieurs fois sur ce blogue et qu'on peut retrouver facilement, mais cette affirmation est le comble de l'absurdité et ne sert qu'à justifier l'interventionnisme d'aujourd'hui. La Fed, créature étatique créée seize ans avec le krach de 1929, a pompé de la fausse monnaie dans l'économie américaine pendant toute cette période, ce qui a suscité le boom insoutenable des "années folles". Le président Hoover, est intervenu dès le début de la crise, notamment en signant l'infâme loi protectionniste Smoot-Hawley. Et Roosevelt a bien sûr prolongé la crise pendant une douzaine d'années par une série interminables d'interventions dans tous les secteurs de l'économie.
L'éditorialiste poursuit sa propagande en faisant preuve de fausse incrédulité devant quiconque oserait mettre en doute les lieux communs qu'elle et ses collègues répètent jour après jour: "Qui pourrait contredire le président élu lorsqu'il affirme qu'en ce moment, 'le gouvernement est le seul qui puisse fournir l'élan nécessaire pour nous sortir d'une récession aussi profonde et sévère'?" Qui pourrait le faire, en effet, quand la presque totalité des économistes et des journalistes sont des illettrés économiques intellectuellement corrompus par les sophismes keynésiens, et quand les politiciens se réjouissent des pouvoirs additionnels de contrôler nos vies qu'ils acquièrent jour après jour?
Et on pourrait continuer avec le couplet sur les réductions d'impôt annoncées, que les contribuables pourraient toutefois malheureusement utiliser pour rembourser leurs dettes au lieu de se garrocher immédiatement dans un magasin pour tout dépenser sur la première chose qu'ils trouvent. Méchant méchant. Cela "menace l'efficacité du plan Obama" selon Mme Krol. Ah, ces irresponsables de citoyens, mieux vaut que ce soit le gouvernement qui dépense l'argent à leur place.
Attention cependant, conclut-elle dans un élan d'esprit critique, les lobbys sont à l'affût et vont chercher à profiter de la situation, et "l'utilisation optimale des fonds promet d'être un défi encore plus grand".
Rédigé par : Martin Masse | 09 janvier 2009 à 11h02
Je reproduis également le commentaire de Pierre-Yves posté il y a deux jours sur le Fil de discussion libre, et qui correspond tout à fait à la raison d'être de celui-ci:
CONSTERNANT DE BÊTISE
Je saisis l’occasion de ce fil de discussion pour partager, une fois de plus, ma consternation devant l’incompétence crasse de la plupart des commentateurs médiatiques en matière de questions économiques.
Il suffit d’ouvrir le journal ce matin pour trouver cette perle de l’auguste Dubuc, au sujet des baisses d’impôts auxquelles a récemment fait allusion le ministre fédéral des finances Flaherty :
« Dans un tel contexte, si on remet de l'argent aux consommateurs par le truchement de baisses d'impôts, est-ce que ça va restaurer leur confiance? Rien n'est moins sur. Est-ce que ça va les convaincre de consommer? Pas nécessairement, parce que ce n'est pas le manque d'argent qui les arrête. Le risque est grand, au contraire, que bien des gens se servent de cet argent pour épargner ou pour réduire leur dette, ce qui serait sans doute une bonne chose pour eux, mais ce qui n'aiderait absolument pas le Canada à se sortir le plus rapidement possible de la récession. »
http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/alain-dubuc/200901/07/01-815376-une-mauvaise-idee.php
Tout d’abord, c’est faux : si l’argent de ces baisse d’impôt ne va pas à la consommation, il ira à l’investissement c’est tout; ça ne peut qu’être bénéfique pour des secteurs comme l’immobilier ou même les bilans des institutions financières. Quoiqu’il en soit, une utilisation de la richesse plus avisée que l’engraissement de bureaucrate.
Mais c’est aussi effarant, au mieux de bêtise, au pire, de cynisme : de bêtise, si l’on admet que le Dubuc est assez nono pour imaginer qu’une économie peut se sortir d’affaire en ‘calant’ ses consommateurs sous des monceaux de dette qu’il ne réussiront jamais à apurer; de cynisme, s’il sait fort bien que c’est une idiotie mais pense que ses lecteurs sont assez bêtas pour l’avaler toute crue.
Dans tous les cas de figure, soyons assurés qu’en matière d’économie et de finance, les éditorialistes de l’obscurantisme officiel continueront, en 2009, à franchir le mur du çon avec une régularité assourdissante.
Bonne année 2009 à tous, et longue vie au QL.
(http://www.leblogueduql.org/2009/01/le-fil-de-discussion-libre-de-janvier.html#comment-6a00d8341cb44a53ef010536b0e5b9970b )
Rédigé par : Martin Masse | 09 janvier 2009 à 11h06
Martin, tu pourrais au moins lui donner du crédit quand elle dit quelque chose de vrai.
Le gouvernement est effectivement le seul qui puisse fournir l'élan nécessaire pour nous sortir d'une récession aussi profonde et sévère.
La seule manière qu'il peut y parvenir, c'est en se sabordant.
Rédigé par : Francois Mottard | 09 janvier 2009 à 11h18
Quoi faire quand on est victime d'un "Home Invasion" ?
1) Ne pas provoquer l'intrus, ne pas le regarder dans les yeux, rester calme poli et courtois.
2) Donner à l'intrus ce qu'il demande, obéir et ne pas chercher à se défendre avec la force.
3) Appeler la police une fois que l'intrus a quitté les lieux.
Vous croyez que je blague ? Eh bien non, c'est effectivement les recommandations de la police de Montréal.
Les autorités nous veulent vraiment sans défense.
Rédigé par : Cybertarien | 09 janvier 2009 à 11h34
Toute cette histoire d'obliger le consommateur à consommer pour nous sortir de cette crise me fait penser à SOLEIL VERT.
Dans Soleil Vert, les plus pauvres finissaient en nourriture pour les moins pauvres et l'humanité réussissait à "survivre" par le cannibalisme.
Et bien, obliger les consommateurs à être pauvres en continuant à les taxes à l'os ou en les forçant à consommer si on coupe les impôts revient à dire que l'économie cannibalise ses citoyens pour "survivre".
C'est totalement horrible qu'un gouvernement voudrait garder son peuple dans la dette et la dèche juste pour faire "rouler" de sourds l'économie.
Rédigé par : Cybertarien | 09 janvier 2009 à 11h43
Ariane Krol ne fait évidemment que répéter les mêmes niaiseries rapportées quotidiennement des économistes conventionnels keynésiens dans les universités et les institutions financières. Quelques pages plus loin dans La Presse d'aujourd'hui, on retrouve les commentaires de Benoit Durocher, économiste au Mouvement Desjardins, qui résument parfaitement le sophisme selon lequel "c'est la demande qui fait rouler l'économie" ( http://www.leblogueduql.org/2008/02/production-cons.html ):
"Le problème avec les baisses d'impôts, c'est qu'un dollar donné par le gouvernement en baisses d'impôts n'est pas entièrement réinvesti dans l'économie, dit-il. Certaines personnes épargnent, d'autres paient leurs dettes. Tout le contraire d'un dollar injecté dans un programme d'infrastructures, qui est investi entièrement dans l'économie."
Rédigé par : Martin Masse | 09 janvier 2009 à 11h48
Avez-vous vu le film Les Faussaires?
Les Faussaires (Die Fälscher) est un film austro-allemand de Stefan Ruzowitzky dont l'histoire est inspirée de l'opération Bernhard, une opération secrète nazie durant la Seconde Guerre mondiale visant à imprimer et inonder la Grande-Bretagne de fausses livres sterling.
Mais pourquoi donc les Allemends voulaient-ils inonder la Grande-Bretagne de livres sterling?
C'est parce qu'ils avaient compris que cela nuirait à l'économie Britannique!
Curieux que l'on fasse la même chose, cette fois avec de vrais billets et qu'on en attend une conséquence différente.
Rédigé par : Philippe Texier | 09 janvier 2009 à 11h49
Peut-être devrait-on revenir au TROC et ainsi se rendre compte que ce n'est pas l'argent qui est la richesse mais les biens et services, le travail et le savoir.
Rien ne me ferait plus plaisir que de payer mes impôts au gouvernement en CHAISES et en POULETS bien dodus.
Il pourrait me prélever à la source, ce serait drôle à voir.
Rédigé par : Cybertarien | 09 janvier 2009 à 12h41
À propos des médias, soyons juste et applaudissons M. Bernard Mooney, du journal Les Affaires, qui a publié à mes yeux la seule chronique censée sur la crise dans les médias francophones jusqu'ici:
http://www.lesaffaires.com/article/0/publication--lesaffaires/2009-01-10/487581/le-plus-grand-mythe-concernant-la-crise-financiere.fr.html
Aussi, je crois que les événements actuels nous obligent à inventer un nom pour décrire le gros bon sens économique. Je me sens de plus en plus mal à l'aise de dire: «ce type-là ne comprend rien à l'économie... à la théorie économique... n'est pas économiste et ça paraît... etc, » car il est maintenant clair que la théorie économique telle qu'enseignée partout dans le monde est dans le champ, et solidement, et qu'il faut s'en dissocier par souci de crédibilité. Par contre je juge la formule «théorie autrichienne de l'économie» trop (ironiquement) académique, trop intello. Des idées?
Rédigé par : DD | 09 janvier 2009 à 14h18
@DD
C'est tout le contraire, il n'y a absolument RIEN d'intello à la "théorie" autrichienne.
La propriété privée et la liberté des contrat entre adultes consentants est tout ce qui résume la "théorie" autrichienne.
Tu as ce que je veux et je t'échange ce que tu veux en retour. Il n'y a rien de plus à redire.
L'économie n'est pas une science et c'est tout ce qu'il y a de plus simple.
C'est rendu compliqué seulement parce que l'état veut tout contrôler et veut redistribuer la richesse.
Autrement, dans un monde libertarien on s'en fiche de la macro-économique.
Tout ce qui compte c'est le respect de la propriété privée et la liberté contractuelle privée.
On peut donc résumer la "théorie" autrichenne en une seule phrase compréhensible par tous.
C'est plutôt les gauchistes et les étatistes qui se perdent dans d'interminables discours et justifications pour expliquer leur initiation de la force et leur entreprise de spoliation étatique.
Rédigé par : Cybertarien | 09 janvier 2009 à 15h17
@Cybertarien
Tu passes à côté de mon argument: ça SONNE intello.
Rédigé par : DD | 09 janvier 2009 à 15h38
Bonne idée Martin!
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 09 janvier 2009 à 15h43
@Martin Masse
Au sujet de la citation:
"Le problème avec les baisses d'impôts, c'est qu'un dollar donné par le gouvernement en baisses d'impôts n'est pas entièrement réinvesti dans l'économie."
Pour souligner en passant l'imbécillité de ce sophisme, remarquons qu'il est basé sur l'hypothèse mongolienne que l'épargne et l'investissement ne font pas partie de l'économie. Très fort.
Rédigé par : Pierre-Yves | 09 janvier 2009 à 15h56
Quand on pense que c'est justement l'épargne et l'investissement qui sont les moteurs de l'économie, et non pas la (sur)-consommation.
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 09 janvier 2009 à 16h39
@Pierre-Yves
Le plus comique, c'est l'idée meme que le gouvernement va "donné" de l'argent! Le gouvernement ne créé rien, il redistribue..
On devrait plutot dire "redonné" !
Rédigé par : Mattiew | 09 janvier 2009 à 16h53
Ariane Krol a sa phrase bidonnante («La Grande Dépression nous a montré à quoi s'expose un gouvernement qui refuse d'intervenir dans son économie.»), le très-à-gauche Pierre Dubuc, de L’Aut-Journal, en a une aussi: «Enfin, il est reconnu que l’intervention étatique est la stratégie la plus efficace pour faire face à la récession.»
http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=1301
Rédigé par : Gilles Guénette | 09 janvier 2009 à 17h30
Ironiquement, c'est souvent les mêmes idiots qui poussent à la consommation pour "sauver" l'économie qui font des pieds et des mains dans le sens inverse pour m'empêcher de prendre un sac de plastique ou bien pour que je réduise ma consommation d'énergie X. Faudrait se brancher ma gang de flip-floppers.
Rédigé par : Yan | 09 janvier 2009 à 20h29
L'autre soir, j'écoutais une entrevue sur CBC en anglais. Il y avait une dame du nom de Patricia Croft, l'économiste en chef de la banque RBC. Selon elle, il était impératif que le gouvernement rende le crédit disponible au plus de gens possible. De son dire "CREDIT IS THE OIL THAT GREASES THE WHEELS OF THE CANADIAN ECONOMY". Elle affirme donc que la fondation même de l'économie est le crédit. Assez décevant comme analyse... Il est vrai qu'il y a le bon crédit rendu possible grâce à l'épargne d'autrui mais il y a aussi le mauvais crédit généré par des moyens artificels que nous connaissons tous. De vouloir que le gouvernement rende le crédit disponible "pronto" est de vouloir générer le mauvais crédit. C'est également vouloir créer une fausse prospérité à court terme en endettant la population encore plus qu'elle ne l'est déjà. On ne peut pas s'endetter perpétuellement sans que ça explose à un certain point.
Rédigé par : Steven | 10 janvier 2009 à 11h41
À DD:
Bonne question mais j'accroche sur vos deux phrases:
"Je me sens de plus en plus mal à l'aise de dire: «ce type-là ne comprend rien à l'économie... à la théorie économique..."
" Par contre je juge la formule «théorie autrichienne de l'économie» trop (ironiquement) académique, trop intello. Des idées?"
Jugez-vous la théorie autrichienne trop intello, donc trop compliquée? Le forum du QL est là pour répondre à vos ambiguïtés. Par contre, si vous n'êtes pas en mesure d'expliquer cette théorie en des termes simples et compréhensibles à vos proches, c'est votre problème. Ne venez pas affûter la théorie autrichienne d'académique, d'intellectuelle, et autres termes supposant la complexité de celle-ci.
Je déplore le fait que vous rejetiez la faute de votre difficulté à expliquer des principes sur la théorie autrichienne. Vous ne seriez pas mal à l'aise mais confiant et sûr de vous si vous maîtriseriez les concepts de l'économie autrichienne. Posez les bonnes questions avant de conclure que la théorie dans son ensemble est "intello" et "académique".
Bonne chance!
Rédigé par : Janerceen Rocher | 13 janvier 2009 à 14h43