par Martin Masse
Si vous souhaitez comprendre quelque chose en économie, le secret est relativement simple: vous lisez les journaux et chaque fois qu'une explication est répétée par presque tous les commentateurs, vous tenez pour acquis que c'est exactement le contraire qui doit être vrai.
Tous ces insignifiants nous répètent ces jours-ci qu'on va empirer la crise si on ne fait rien. Et que c'est en dépensant des sommes gigantesques et en encourant des déficits que le gouvernement va relancer l'économie. C'est de la pure pensée magique étatiste. La réalité, c'est bien sûr que les gouvernements qui interviennent et mettent en oeuvre des plans de relance le font avec des ressources prises ailleurs dans l'économie. Ils empirent donc la situation de l'économie privée en même temps qu'ils gaspillent des milliards sur des projets qui n'ont pas vraiment de logique économique mais en général plutôt une rentabilité politique.
C'est pour cette raison que la Grande Dépression s'est poursuivie pendant plus d'une décennie et que l'économie japonaise est toujours déprimée, vingt ans après le crash immobilier dans ce pays. Loin d'avoir amélioré la situation, les plans de relance et de travaux publics ont fait en sorte de l'empirer.
Beaucoup de gens pensent à tort que c'est la Seconde Guerre mondiale qui a permis de ramener la prospérité. Voilà un autre mythe keynésien tenace: les guerres sont bénéfiques pour l'économie. Le chômage a évidemment disparu pendant la guerre, des millions d'hommes ayant été conscrits. Des indicateurs économiques qui considèrent les dépenses du gouvernement dans l'industrie militaire comme étant une composante de la «croissance» ne donnent pas une idée exacte de la réalité. Le fait est que pendant la guerre, la plupart des biens de consommation courants étaient rationnés et qu'il n'y a pratiquement pas eu de construction, parce qu'une bonne partie des ressources étaient réquisitionnées par le gouvernement.
Quelle est donc la solution pour sortir d'une crise? Eh oui, le gros bon sens nous le dit, c'est le contraire de ce que prétendent les illettrés économiques: on sort d'une crise quand les gouvernements s'enlèvent du chemin et cessent d'accaparer et de gaspiller des ressources pour les redonner au secteur privé. Ce qui a entraîné le boom économique de l'après-guerre, c'est non pas un autre «plan de relance», mais une réduction draconienne des dépenses des gouvernements.
Aux États-Unis par exemple, les chiffres sont clairs: de 1945 à 1948, les dépenses de l'État fédéral ont diminué de plus des deux tiers. Non, ce n'est pas une erreur de calcul. On peut consulter les données sur un site du gouvernement américain (voir Section 1 - Overview of Federal Government Finances, Table 1.1 - Summary of Receipts, Outlays, and Surpluses or Deficits (-): 1789-2009). Dans le fichier Excel, la colonne «Outlays» montre des dépenses de 92 milliards $ en 1945 (elles étaient de 3 milliards $ au début de la crise!). Elles baissent à 55 milliards en 1946, à 34 milliards en 1947 et à 29 milliards en 1948.
Beaucoup de gens craignaient, à la fin de la guerre, que le pays ne se retrouve encore dans la même situation de dépression économique avec la démobilisation des soldats et la fermeture des usines d'armement. En suivant la logique keynésienne tordue, c'est ce qui aurait dû se produire: imaginer comment la demande doit s'effondrer quand on coupe près de 70% des dépenses publiques en quelques années! Le gouvernement n'aurait-il pas dû «soutenir la demande» par des dépenses accrues pour éviter un retour de la dépression?
Eh bien non. Au contraire, le boom de construction, de consommation, de bébés, a pu se produire justement parce que les ressources ont enfin été libérées de tous les usages improductifs auxquels le gouvernement les avait confinées pendant une quinzaine d'années. Les contrôles de prix et de salaire ont aussi été abolis en 1946. Et d'autres restrictions imposées pendant la Dépression et la guerre ont été éliminées. C'est ce qui a libéré le secteur privé, la production et donc l'économie dans son ensemble.
Les dépenses publiques ont bien sûr rapidement repris leur pente ascendante, mais ce n'est qu'en 1960 que le budget de Washington a retrouvé son niveau de 1945 — en dollars courants de surcroît, donc qui valaient moins que quinze ans plus tôt.
Voilà le secret de la reprise. Si les gouvernements nous enfoncent encore une fois dans une dépression ou dans une stagnation à la japonaise avec leurs folies, il sera facile de prédire quand on pourra voir le bout du tunnel: quand ils se décideront enfin à mettre la hache dans leurs dépenses. Ce qui ne risque pas d'arriver de sitôt, puisque nous ne sommes malheureusement qu'une infime minorité à comprendre la logique élémentaire de l'économie.
D'où le terme: Laissez-faire...
Wiki:
According to historical folklore, the phrase stems from a meeting between the powerful French finance minister Jean-Baptiste Colbert and a group of French businessmen led by a certain M. Le Gendre. When the eager mercantilist minister asked how the French state could be of service to the merchants, Le Gendre replied simply "Laissez-nous faire"
Il semble que le 'concept' c'est perdu au fil des temps et qu'à cette époque, l'économie était mieux comprise que maintenant.
Rédigé par : Francois | 16 janvier 2009 à 01h17
@Martin Masse
"Postwar Si vous souhaitez comprendre quelque chose en économie, le secret est relativement simple: vous lisez les journaux et chaque fois qu'une explication est répétée par presque tous les commentateurs, vous tenez pour acquis que c'est exactement le contraire qui doit être vrai."
Voilà quelque chose assurément vrais. Je recommande à tout un chacun de lire à ce sujet un classique de la littérature scientifique.
La psychologie des foules (de Gustave le Bon)
http://www.amazon.fr/gp/product/2130542972?ie=UTF8&tag=lamidulaissfa-21&linkCode=xm2&camp=1642&creativeASIN=2130542972
Rédigé par : L'ami du laissez-faire | 16 janvier 2009 à 03h13
Excellent billet Martin!
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 16 janvier 2009 à 16h58
Ce texte répond parfaitement à une question que je me posais depuis longtemps.
Murray Rothbard a expliqué en détail dans America's Great Depression comment la crise des années 1930 avait son origine dans le gonflement de la masse monétaire durant les années 1920 et dans les mesures étatistes de Hoover entre 1929 et 1932 en réaction à la crise. Une démonstration limpide et brillante.
Mais il était difficile de riposter à des interlocuteurs lorsqu'ils nous affirment que la récession s'était terminée grâce au déclenchement de la guerre. Certains affirment même que c'était grâce à Roosevelt. Maintenant, c'est clair: l'Amérique était encore en récession durant la guerre (il y avait des rationnements) et la crise s'est terminée en fait après la guerre, lorsque l'État s'est retiré de l'économie.
Rédigé par : Humain51 | 17 janvier 2009 à 10h04