par Gilles Guénette
Je savais que la fermeture des salles de cinéma du complexe Ex-Centris, sur le boulevard St-Laurent à Montréal, finirait par nous rattraper tôt ou tard – nous, éternels contribuables. Étrangement, il n’y a pas eu d’appel généralisé de la part des gens du milieu (ou de leurs nombreux amis dans les médias) pour que la ministre des la Culture intervienne personnellement et sauve le haut lieu du cinéma – sans doute ont-ils préféré travailler dans l’ombre, en ces temps de crise économique… Toujours est-il qu’on apprend ce matin dans La Presse qu’«un projet est en gestation pour bâtir un nouveau complexe de deux salles dans le centre-ville de Montréal, qui abriterait notamment le cinéma Parallèle et se consacrerait au cinéma d'auteur». Selon Claude Chamberlan, un des instigateurs de ce nouveau projet, «rien n'est encore confirmé ou signé, mais un consortium prend lentement forme. On a eu des contacts avec les trois ordres de gouvernement (municipal, provincial et fédéral). Tous étaient intéressés. On a aussi eu un bon son de cloche de gens du privé», raconte le fondateur du Parallèle, programmateur du FNC et ancien programmateur d'Ex-Centris.
Aïe, aïe, aïe. «Les trois ordres de gouvernement sont intéressés» et ils ont reçu «un bon son de cloche de gens du privé». Cela veut dire que des gens du privé se réjouissent d’apprendre que des fonctionnaires sont intéressés par le projet et que, par conséquent, ça va nous coûter cher. Selon le journaliste de La Presse, «le lieu du nouveau complexe a déjà été choisi, mais Claude Chamberlan préfère ne pas le dévoiler pour l'instant. Il assure néanmoins que ce complexe sera situé “près d'Ex-Centris” et qu'il sera “moderne et exceptionnel”. Un architecte local de renom s'est déjà lui-même manifesté pour le construire. “Avec lui, la signature architecturale serait prestigieuse”, s'enthousiasme-t-il. Selon l'ébauche du projet, le complexe compterait deux salles. L'une d'elles abriterait le Parallèle […] Le nouveau complexe compterait d'autres volets pour promouvoir le cinéma d'auteur. “On veut y rattacher un centre pour les jeunes cinéastes qui créent pour le web, un centre de production pour documentaires, vidéos et films à petit budget, et finalement un café pour favoriser les rencontres. J'aimerais aussi rendre l'endroit convivial pour les enfants. Ça permettrait de mieux les sensibiliser à d'autres oeuvres que le cinéma hollywoodien”.»
Et, bien sûr, comme dans tout projet où les fonds publics sont impliqués: le temps presse. Il ne faut surtout pas réfléchir. «Il faut avancer rapidement, on n'a pas le choix, lance Claude Chamberlan. Je suis un éternel optimiste. Il n'y a pas de “ça passe ou ça casse”. Ça va passer», croit-il. Comment se fait-il que le secteur privé n’ait pas jugé bon de se lancer tout seul dans un tel projet? Comment se fait-il que des gens d’affaires, au-delà du «bon son de cloche», n’aient pas flairé là la bonne affaire? Parce que ce n’est pas rentable. Et qui dit «pas rentable», dit gouvernemental – surtout lorsqu’il s’agit de notre sacro-sainte culture. L’AMC, la Cinémathèque québécoise, les cinémas du Parc, de l’ONF ou Beaubien ne pourraient-ils pas prendre le relais? Non! On préfère bâtir (aux frais de la collectivité) un lieu physique. Tous les Québécois seront forcés d’y investir, même si très peu voudront ou pourront le fréquenter – la petite madame de Saint-Jean-Port-Joli ne descendra pas en ville expressément pour venir voir un documentaire engagé sur le commerce équitable ou je ne sais trop quoi. Et, Ô surprise!, ce seront toujours les mêmes branchés montréalais qui se seront payé une nouvelle salle qu’ils pourront fréquenter sans avoir à subir les désagréments du monde capitaliste – les arcades, les banlieusards, l’odeur de pop corn…
Même si cette dépense gouvernementale est loin d'être le scénario idéal, j'y vois deux bémols:
Primo, ce projet n'est pas de l'envergure d'Ex-Centris, pour le moment.
Deuzio, il y aurait plus d'investissements non-gouvernementaux en culture si l'État ne détournait pas l'argent à plusieurs fins inutiles.
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 20 janvier 2009 à 11h59
La haute définition condamne toutes les salles de cinéma à disparaitre de toute façon. L'expérience du cinéma maison est meilleure qu'en salle, et en plus c'est moins cher.
Rédigé par : Blu Ray | 20 janvier 2009 à 19h54
Bon point!
Rédigé par : Anarcho-pragmatiste | 21 janvier 2009 à 13h25