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28 avril 2009

Commentaires

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Fred

Comique. Martin prouve encore qu'il n'a qu'une connaissance superficielle de l'économie. Dire que les économistes connaissent peu le concept de préférence temporelle est ri-di-cule. C'est de l'économie 101. C'est enseigné dans les cours d'économie de premiere session... Meme dans les pires écoles!

Martin Masse

@ Fred,

Du point de vue autrichien, ce sont les économistes néoclassiques qui n'ont qu'une compréhension superficielle du concept de préférence temporelle. (Imaginez-vous donc que j'ai aussi suivi plusieurs cours d'économie conventionnelle à l'université, et que j'ai donc une bonne idée de ce qu'on y enseigne.)

Ce concept a d'abord été élaboré par un Autrichien, Eugen Bohm-Bawerk, dans les années 1890. Le néoclassique Irving Fisher l'a repris dans les années 1930 pour l'appliquer à la question du taux d'intérêt. Ce n'est que dans ce dernier contexte très restreint que l'on parle aujourd'hui de préférences temporelles dans les cours de microéconomie (à noter que la "micro" et la "macro" économie sont des catégories absurdes pour compartimenter artificiellement notre compréhension des phénomènes économiques, qui n'existent pas d'un point de vue autrichien où l'on a une approche globale).

Au contraire, dans la tradition autrichienne, les préférences temporelles sont un fondement de l'action humaine et sont directement reliées aux autres concepts que sont l'incertitude par rapport à l'avenir, l'entrepreneurship, la structure de production, l'accumulation de capital, etc. L'analyse autrichienne des cycles économiques dépend ainsi crucialement d'une compréhension de ce phénomène: les banques centrales, en maintenant les taux d'intérêt artificiellement bas, chambardent la structure de production basée sur les préférences temporelles des consommateurs et suscitent donc des investissements non justifiés et non rentables dans des processus de production trop longs. La récession est un réajustement de cette structure de production pour qu'elle corresponde aux préférences temporelles de la population.

Aucun économiste néoclassique n'utilise ce genre d'analyse - la presque totalité sont de toute façon des admirateurs béats des banques centrales et de la monnaie fiduciaire, n'ont aucune notion de malinvestissement, n'ont pas vu l'accumulation d'erreurs et les bulles que suscitaient les politiques inflationnistes durant le boom et, dans la présente situation, continuent de préconiser des taux d'intérêt très bas pour sortir de la crise sans comprendre que cela ne fait qu'empirer le manque de coordination entre les préférences temporelles des gens et la structure de production.

Qui plus est, les seuls qui aujourd'hui appliquent le concept de préférences temporelles à des phénomènes plus larges de développement social et culturel, de comparaison de régimes politiques, d'avancement de la civilisation, comme je l'ai fait dans cette présentation, sont des Autrichiens. Les économistes néoclassiques ont le nez collé sur leur petite spécialisation et ne s'intéressent pas à ces questions.

Je maintiens donc mon point.

Vincent

Vous semblez presque vouloir réhabiliter les valeurs bourgeoises.
Ne craignez-vous que cela soit la porte ouverte aux plus grossières caricatures ?

Martin Masse

@ Vincent,

"Vous semblez presque vouloir réhabiliter les valeurs bourgeoises.
Ne craignez-vous que cela soit la porte ouverte aux plus grossières caricatures ?"

Ça fait 200 ans que les socialistes et les "hédonistes court-termistes" caricaturent de façon grossière les valeurs bourgeoises. Je n'ouvre la porte à rien de nouveau. J'estime effectivement qu'il faut les réhabiliter, du moins la partie essentielle des valeurs bourgeoises que sont les préférences temporelles basses. Pas besoin de retourner à un puritanisme intolérant pour cela, qui n'est qu'une façon très stricte parmi d'autres de mettre en pratique ces valeurs.

Il y a par exemple, dans le mouvement environnementaliste actuel (avec ses préoccupations de développement durable, de conservation de l'environnement, etc.), un aspect positif qui se rattache directement à cette vision long-termistes, mais qui est malheureusement corrompu par l'illettrisme économique abyssal des écolos. Ce sont en effet les mécanismes de marché qui permettent de mieux protéger l'environnement à long terme, pas la réglementation étatique.

Si les granolas écolos comprenaient mieux la logique écomique, ils verraient que les valeurs "bourgeoises" sont bien plus proches de leurs préoccupations qu'ils le pensent. Je crois qu'on peut être "bourgeois" et "granola écolo" en même temps. C'est justement en partie pour vivre ce genre de vie que nous déménageons à la campagne (voir le billet précédent).

Mateo

@ Fred

Ah! Si tous les économistes et les politiques avaient une compréhension aussi "superficielle" de l'économie que Martin, le monde s'en porterait beaucoup mieux.

Du reste je crois qu'il vous a "calmé", il a une compréhension beaucoup plus fine des préférences temporelles que la grande majorité des autres économistes.

Pierre-Yves

@Martin Masse

Pas mal occuppé sur un projet, je n'ai pu écouter que le début de votre conférence. Abordez-vous le sujet des applications aux polices d'assurances? Si c'est le cas je vais me trouver une petite heures dans les jours qui viennent.

Merci.

Pierre-Yves

@Fred

Jetez donc un oeil sur l'ouvrage 'Human Action' (L. von Mises, chap. V, XVIII). Vous verrez que ce n'est pas si superficiel que ça, et ce qui est encore plus remarquable, c'est que c'est expliqué très clairement.

Martin Masse

@ Pierre-Yves,

"Abordez-vous le sujet des applications aux polices d'assurances?"

Pas de façon détaillée, je pense que je mentionne le sujet des assurances simplement en passant, en parlant des effets néfastes de l'intervention de l'État qui vient encourager les gens à prendre plus de risques - à s'installer dans des zones inondables par exemple - lorsqu'il prend en charge et dédommage tout le monde.

Tym Machine

C'est toujours facile de planter les autres sans aborder de solutions.

Curieux que ces fameux détracteurs de l'école de pensée du libertarisme ne proposent jamais aucun lien, aucune source, aucune référence à part celle bien sûr de tirer sur le messager.

N'importe qui peut faire cela. Ça ne convainc d'ailleurs personne à part les gens qui se laissent impressionner par les insultes et l'intimidation. En frais d'argumentation, ça ne tient pas la route.

LBII

Edward C Banfield... un nom dont je vais me souvenir pour ma liste de lectures d'été je crois! Il a l'air d'avoir écrit pas mal sur les politiques urbaines et les gouvernements municipaux.

Mathieu

L'homme à la droite de Martin Masse aurait besoin d'une bonne nuit de sommeil, Il baye tout le long des vidéos.
Où peut-être qu'il digère son repas.

Merçi pour les vidéos, c'est toujours très intéressant de vous écouter.

Marc

L'Homme a coté de Martin est est Paul Beaudry http://www.quebecoislibre.org/apbeaudry.htm

La journée a été difficile :)

Philippe David

Conférence très intéressante Martin.

Il est important de noter que dans la préface de l'édition 1956 de Road to Serfdom, Hayek attribuait le recours à la coercition étatique comme de l'impatience.

«That hodgepodge of ill-assembled and often inconsistent ideals which under the name of the Welfare State has largely replaced socialism as the goal of the reformers needs very careful sorting out if its results are not to be similar to those of full-fledged socialism. This is not to say that some of its aims are not both practicable and laudable. But there are many ways in which we can work toward the same goal, and in the present state of opinion there is some danger that our impatience for quick results may lead us to choose instruments which, though perhaps more efficient for achieving particular ends, are not compatible with the preservation of a free society. The increasing tendency to rely on administrative coercion and discrimination where a modification of of the general rules of law might, perhaps more slowly, achieve the same object, and to resort to direct state controls or to the creation of monopolistic institutions where judicious use of financial inducement might evoke spontaneous efforts, is still a powerful legacy of the socialist perioid which is likely to influence policy for a long time to come.»

Encore pertinent plus de 50 ans plus tard...

D

Très intéressant.

Concernant les gratifications immédiates, j'ai vu un étude un jour fait sur des enfants. On y présente un bonbon à un enfant et on lui dit que s'il est patient et qu'il attend 5 minutes sans manger le bonbon, on lui en donnera un autre. Par contre, s'il mange immédiatement le bonbon il n'en aura qu'un seul. Étonnamment, ce simple test permis d'établir une corrélation extrêmement élevé entre les enfants qui mangeaient le bonbon immédiatement et leurs préférences temporelles élevés et les conséquences négatives associées (pauvreté, drogues, etc) dans leur vie future en tant qu'adulte. Fascinant.

Alphonse

Quelques notes à partir de l'excellent exposé de Martin Masse :

1) Le souci de l'avenir était plus répandu que dans la seule bourgeoisie, les valeurs dites "bourgeoises" étant en fait, pour une part, des valeurs classiques. Comme Français, je lisais La Fontaine quand j'étais petit. J'avais été frappé par la fable Le Vieillard et les trois jeunes hommes, que vous trouverez facilement sur le Web. Il est question d'un vieillard octogénaire qui plante un arbre en pensant à ses successeurs, et dont se moquent trois jeunes court-termistes.

2) Je ne connais pas le livre de Banfield, mais concernant les aristocrates, il faudrait beaucoup nuancer. Seule une minorité de l'aristocratie s'intéressait aux arts, aux sciences, etc. On vient de rééditer en France des textes instructifs d'un certain Charles du Peyssonnel :
http://www.payot-rivages.net/livre_Petite-chronique-du-ridicule-Charles-De-Peysonnel_ean13_9782228902458.html
Il y décrit des grands incultes, vaniteux, et qui s'ennuyent dans leurs beaux châteaux.

3) J'ai connu 1968 en France. Un des slogans de l'époque était encore mieux que "I want it all and I want it now", tellement touchant dans son côté enfantin. C'était "Jouir sans entraves", avec, derrière, chez certains intellectuels, toute la garantie de la haute pensée du marquis de Sade. Vous trouverez facilement sur le Web des textes étonnants sur le "droit" de jouir sans entraves.

Martin Masse

@ Alphonse,

1) Très belle illustration du phénomène des préférences temporelles en effet, cette fable de La Fontaine. Et de l'idée qu'en faisant des gestes qui auront un impact dans l'avenir sur d'autres que nous, on actualise les gratifications qu'on ne pourra évidemment obtenir dans ce futur puisqu'on n'y sera plus.

Mes arrière-neveux me devront cet ombrage
Eh bien! Défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d'autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui
J'en puis jouir demain, et quelques jours encore

2) Je pense que vous avez raison, Banfield se sert d'un idéal-type weberien qui n'est sans doute pas très représentatif de la réalité de la plupart des aristocrates. Il décrit ceux d'entre eux qui avaient un sens de l'engagement envers leur culture, leur "clan" et leur pays, et qui devaient être une minorité. Par ailleurs, une bonne partie des bourgeois du 19e siècles étaient aussi sans doute des gens ennuyeux, bornés, et puritains. Mais ils incarnaient malgré tout le mieux les valeurs long-termistes dont je parle. Pas besoin d'être un bourgeois de ce type pour les partager cependant.

3) Ah ah! On croirait un slogan faisant l'apologie de relations sexuelles non protégées...

Marianne

"Jouir sans entraves" faisait en effet partie du bullshit intellectuel de mai 68 en France où, sous couvert de vastes aspirations susceptibles de libérer les peuples, ou mieux le prolétariat (là on ateignait carrément le sublime) pour des avenirs radieux, une bande de roublards faisaient en réalité un plaidoyer pro domo parfaitement bas de gamme et parfaitement immédiat. A la lumière de la théorie des préférences temporelles, on pourrait appeler cela de l'arnaque temporelle : du baratin révolutinnaire soi-disant pour le long terme au service des préférences temporelles les plus imédiates. En clair, qui voulait se taper des petits garçons, qui des très jeunes filles, qui des singes ou que sais-je.

Lecteur

SUGGESTION DE LECTURE:

«Children who are able to pass the marshmallow test enjoy greater success as adults.»

http://www.newyorker.com/reporting/2009/05/18/090518fa_fact_lehrer

Martin Masse

Merci à Lecteur de porter à notre attention ce fascinant reportage du New Yorker, qui tombe très à point. Je ne mentionne pas ce fameux test scientifique dans ma présentation, mais nous en avons parlé dans la discussion qui a suivi. Il illustre bien que la capacité de remettre à plus tard une gratification est un élément central du comportement des individus, qui a une influence profonde sur tous les aspects de la vie. Et les causes peuvent être autant génétiques qu'environnementales.

J'encourage tout ceux qui s'intéressent à la question des préférences temporelles à le lire jusqu'à la fin - c'est assez long, six pages, mais.. soyez patients!

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Citations

  • « L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »

    – Frédéric Bastiat, 1848

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