par Martin Masse
Inflationnisme
L'inflationnisme, ce courant de pensée qui part de la prémisse que l'argent pousse dans les arbres et qu'on peut régler les problèmes économiques en en créant des quantités toujours plus grandes, est décidément de plus en plus à la mode. Ce ne sont plus uniquement les keynésiens radicaux ou les «monetary cranks» habituels (comme les créditistes) qui défendent aujourd'hui cette idée. Des économistes tout à fait conventionnels préconisent maintenant une flambée des prix pour se débarrasser des dettes gigantesques accumulées, faire augmenter les salaires ou relancer la croissance. Un chausson avec ça?
Un article de Bloomberg avant-hier citait ainsi Gregory Mankiw, un ancien conseiller économique de George Bush: «Given the Fed's inability to cut rates further, Mankiw says the central bank should pledge to produce "significant" inflation. That would put the real, inflation-adjusted interest rate -- the cost of borrowing minus the rate of inflation -- deep into negative territory, even though the nominal rate would still be zero.» Selon ce grand économiste, on devrait pousser l'absurdité inflationniste au point de payer les gens pour s'endetter avec des taux d'intérêt réels négatifs, ce qui contrevient à la logique économique la plus fondamentale.
Kenneth Rogoff, un ancient économiste en chef au Fonds monétaire international et maintenant professeur à Harvard, déclare quant à lui: «I'm advocating 6 percent inflation for at least a couple of years. It would ameliorate the debt bomb and help us work through the deleveraging process.» Bref, l'État doit voler de l'argent à tout le monde pour venir en aide à ceux qui se sont endettés par-dessus la tête au cours des dernières années. En plus de déstabiliser complètement l'économie et de revenir 40 ans en arrière pendant la stagflation des années 1970, à moins que ce ne soit 90 ans en arrière pendant l'hyperinflation en Allemagne. Pas à dire, la science économique a vraiment progressé ces dernières décennies.
Le bon côté de la chose est qu'en faisant de telles déclarations et en allant ainsi chercher les idées les plus ridicules dans les bas-fonds de l'histoire économique pour les remettre à la mode, ces idiots sont en train d'enlever toute crédibilité à la pensée économique néoclassique conventionnelle telle qu'elle est enseignée dans nos universités.
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Bernier
Mon ami Maxime Bernier, le député de Beauce, s'intéresse lui aussi aux questions monétaires. Il siège sur le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et a eu l'occasion de questionner notre inflationniste en chef Mark Carney au cours des dernières semaines. Il a également donné des conférences sur la crise économique où il dit s'inspirer de Friedrich Hayek. On peut lire ou regarder ces interventions, ainsi que d'autres qui remontent à son mandat comme ministre de l'Industrie (alors que j'étais l'un de ses conseillers sur les questions économiques), sur son nouveau blogue à www.maximebernier.com.
Maxime Bernier pourrait-il revenir au conseil des ministres, malgré les événements qui ont mené à sa démission comme ministre des Affaires étrangères il y a un an? En tout cas, il semble que ça ne déplairait pas à beaucoup de militants conservateurs. Hier soir avait lieu un grand rassemblement de militants du PC à Montréal en présence du premier ministre. Selon le Devoir, «Pour l'occasion, le Parti conservateur (PC) avait sorti l'artillerie lourde, avec une brochette de ministres (Prentice, Paradis, Blackburn, Verner, Lebel) et de sénateurs (Brazeau, LeBreton, Champagne, Rivard, Housakos) en toile de fond. C'est toutefois le député et ministre déchu Maxime Bernier qui a eu droit à la salve d'applaudissements la plus sentie.»
Intéressant tout de même, un «ministre déchu» hayékien plus populaire que ses collègues toujours en poste qui défendent, euh, quelles idées donc?
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Ekirch
Les États-Unis s'enfoncent de semaine en semaine toujours plus dans les sables mouvants du socialisme, de l'interventionnisme et de ce que j'appelle le fascisme de gauche. Il ne faut toutefois pas croire que Barack Obama aura été le principal responsable de cette déchéance de la superpuissance américaine. Ce mouvement d'étatisation est perceptible depuis déjà très longtemps. George Bush l'avait, avant lui, déjà accéléré. Et en déconstruisant la mythologie entourant l'histoire du soi-disant «land of the free», on se rend compte que le système politique américain illustre parfaitement bien l'axiome selon lequel la logique du pouvoir monopolistique mène inexorablement à sa croissance.
L'un des plus intéressants livres que j'aie lus sur l'histoire des États-Unis est The Decline of American Liberalism par Arthur Ekirch, dans son édition originale de 1955. L'originalité de ce livre est qu'il montre qu'en fait, les États-Unis ont commencé à devenir un pays plus centralisé, plus étatisé et moins libre dès le lendemain de la guerre d'indépendance, malgré les beaux principes libertariens qui ont animé celle-ci (sans compter que quand on parle de la fameuse liberté des Américains, il faut toujours garder à l'esprit qu'une minorité substantielle, les esclaves noirs, n'en avait aucune).
L'Independent Institute vient de rééditer ce bouquin fascinant, avec une nouvelle préface de l'excellent Robert Higgs. Un livre essentiel pour ramener sur terre ceux qui partagent encore cette vision idéalisée d'une Amérique qui lutte depuis toujours pour la liberté dans le monde, et pour mettre en perspective pourquoi cet empire qui vit au-dessus de ses moyens depuis des décennies va bientôt s'effondrer.
"Selon ce grand économiste, on devrait pousser l'absurdité inflationniste au point de payer les gens pour s'endetter avec des taux d'intérêt réels négatifs, ce qui contrevient à la logique économique la plus fondamentale."
Ça voudrait dire que c'est comme dans l'anonce de Corus Media, cette bande de gauchistes illetrés, s'endetter pour faire rouler l'économie, c'est payant ;)!!!
Rédigé par : Tym Machine | 22 mai 2009 à 00h33
les banques feraient faillites ?
Rédigé par : Jean-Frédéric Collin | 22 mai 2009 à 08h42
J'ai lu cette semaine un article indiquant que le taux d'inflation n'avait jamais été aussi bas depuis quinze ans.
Pourtant, les taux d'intérêt sont à des niveaux planchers historiques et des milliers de milliards $ sont votés par les gouvernements pour être injectés dans l'économie. Comment est-ce possible ?
Bien sûr, M. Masse, vous nous avez déjà bien expliqué que la productivité s'accroît constamment, de sorte que s'il n'y avait pas gonflement de la masse monétaire, les prix chûteraient constamment. Qu'il y ait malgré tout une hausse de prix généralisée indique à quel point l'inflation est colossale.
Vous nous avez aussi bien expliqué que dans le calcul du taux d'inflation on ne calcule pas tous les biens et services touchés par la hausse des prix.
Mais ces caractéristiques étaient aussi présentes ces quinze dernières années.
Le faible taux d'inflation actuel serait-il dû au fait que les banques retiennent présentement les sommes votées par les gouvernements et au fait que les entreprises et individus évitent de dépenser et de s'endetter durant cette période d'incertitude malgré les faibles taux d'intérêt ?
Cela signifierait-il aussi que l'inflation atteindra des niveaux très élevés quand les banques sortiront les milliers de milliards $ de leurs coffres et quand les individus et les entreprises commenceront à profiter des faibles taux d'intérêt pour s'endetter et dépenser ?
Rédigé par : Humain51 | 22 mai 2009 à 12h23
Est-ce que je pourrais, par exemple, emprunter $100,000 puis ensuite acheter de l'or avec cet argent et plus tard rembourser cet argent avec de la monnaie dépréciée en vendant une toute petite partie de mon or ?
Rédigé par : Jean Louis | 22 mai 2009 à 13h16
J'ai une question: pourquoi les prêteurs (banques, fonds de pensions, particuliers...) n'exigent-ils pas que le taux de leurs prêts soient indexés au taux d'inflation? Supposons qu'un taux "normal" sans inflation soit de 4%. Si l'inflation est à 0, le taux d'emprunt est de 4%. Mais, si le taux d'inflation est de 2, 5 ou 10% alors les taux d'emprunts deviennent 6% (4+2) 9% (4+5) ou 14% (4+10). (Par calcul différentiel, on se rend compte que cette augmentation fait même un peu plus que compenser l'inflation.) Ainsi, le gouvernement (entre autres)devrait payer très rapidement les pots cassés, par les sommes à verser aux 6 mois sur leurs emprunts. Et d'autres emprunteurs chanteraient peut-etre une chanson différente, parce qu'au lieu de les enrichir, l'inflation les appauvrirait. Bien entendu, il faudrait s'entendre sur le contenu du panier servant au calcul de l'inflation, mais cela me semble un assez maigre prix à payer pour empêcher nos gouvernements d'imprimer de l'argent de Monopoly...
Rédigé par : COQ | 22 mai 2009 à 20h06