par Martin Masse
Le prolifique analyste financier et auteur suisse Pierre Leconte a lancé il y a quelques semaines son cinquième ou sixième bouquin depuis le début de la décennie sur les questions monétaires et financières internationales. J'avais déjà parlé d'un livre précédent, La grande crise monétaire du XXIe siècle a déjà commencé! dans le QL il y a un peu plus d'un an (il y en a eu un autre entre-temps que je n'ai pas lu, Les faux-monnayeurs).
Il est difficile de résumer ce livre, qui se présente comme une sorte de long reportage sur les origines de la crise (mais sans répéter de nouveau en détail des explications déjà élaborées dans les volumes précédents) avec une mise à jour reprenant les développements des derniers mois comme les plans de relance annoncés par la plupart des gouvernements, des analyses de sujets précis comme " le grand contresens à propos de la déflation " ou les " élucubrations " de John Maynard Keynes, et enfin des conseils aux investisseurs pour protéger leurs avoirs en cette période de turbulence majeure.
Je parle de format «long reportage» parce que M. Leconte ne nous propose pas vraiment un essai théorique qui développe systématiquement une thèse centrale, mais s'attaque plutôt à différents aspects de la question souvent sur le ton d'un chroniqueur plutôt que d'un essayiste. Il reprend par exemple à son compte en les commentant de longues citations tirées de livres ou articles de journaux. Ce format a le grand avantage, surtout pour des lecteurs qui n'ont pas envie de trop s'imprégner de théorie, d'être plus accessible et de faire passer de nombreux messages et explications plus facilement. M. Leconte ne délaisse pas pour autant les aspects fondamentaux du problème et parle de réserves fractionnaires, des idées de Mises et Hayek, de l'étalon-or, du découplage du dollar avec l'or par Nixon en 1971, et d'autres éléments qu'il faut connaître pour avoir une vue d'ensemble de la situation.
Selon le quotidien genevois L'Agefi, le bouquin se vend très bien en Europe francophone. Il ne semble pas encore disponible au Canada mais on peut le commander sur Amazon.fr. Je répéterai en terminant une critique que j'avais faite à propos du livre précédent: le manuscrit aurait eu besoin d'un bon travail d'éditeur pour enlever les coquilles et réécrire des passages maladroits avant d'être publié. Au-delà de ce problème de forme, je ne peux que recommander fortement ce volume à tous ceux qui souhaitent mieux comprendre les événements économiques que nous traversons.
À noter que Pierre Leconte a récemment lancé son propre blogue à http://www.forum-monetaire.com/.
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De la crise financière vers l'hyperinflation (extraits)
Pierre Leconte
Il faut revenir, en Occident, à des économies fondées sur l'épargne et non plus sur le surendettement keynésien pour leur permettre de reconstituer le stock de capital sans lequel l'investissement s'épuise. Ce ne sont pas les Etats ni les banques centrales qui peuvent augmenter ce stock de capital, mais des comportements collectifs de prévoyance et de rigueur dans la dépense, tant de la part des agents économiques que des pouvoirs publics. En contradiction totale avec les politiques que ces pouvoirs publics ont employées ces dernières années pour obtenir une fausse croissance économique à crédit et avec celles qu'ils mettent en oeuvre pour tenter de sortir de la crise actuelle. C'est donc à un changement complet de paradigme que la crise actuelle oblige puisque tout le système financier devra, sous peine de s'écrouler, cesser de ne reposer que sur des jeux d'écritures comptables comme sur «les réserves fractionnaires». Quand la monnaie n'est plus que manipulations et que le capitalisme fonctionne sans capital, il est illusoire d'espérer reconstruire les bases d'une stabilité économique saine et durable. (...)
Mais au lieu de proposer la suppression de ces mécanismes d'instabilité par le retour à l'étalon-or, dans lequel la création monétaire est automatiquement fonction des stocks d'or et de la demande réelle des agents économiques, les économistes dits monétaristes, comme le prix Nobel d'économie Milton Friedman, ont pensé pouvoir tourner la difficulté en proposant de limiter la création monétaire en fonction de la croissance effective de l'économie, par exemple de celle du PIB. Proposition qui n'a pas pu être mise en ouvre sur le long terme en raison de l'impossibilité d'anticiper avec précision le PIB à venir, de contraindre les banques privées à limiter leurs émissions de crédit (en dépit des recommandations dites de Bâle édictées par la Banque des règlements internationaux qui sont constamment tournées par les pratiques bancaires des engagements hors bilans, des Special Investment Vehicles ou Conduits), comme d'éviter les politiques monétaires exagérément laxistes unilatéralement décidées par les banques centrales occidentales, qui se sont substituées aux gouvernements dans la conduite desdites politiques dont plus personne ne peut plus savoir en fonction de quels critères objectifs elles sont décidées. (...)
La base de la théorie keynésienne repose sur l'idée marxiste - stupide parce qu'invalidée par l'Histoire - que l'intervention de l'Etat est indispensable pour assurer le plein-emploi comme la stabilité de la plupart des autres mécanismes économiques, la distribution du crédit et l'émission de la monnaie en particulier. Alors que ce sont les marchés libres, dans lesquels l'intervention étatique doit être la plus réduite possible, qui permettent d'ajuster en permanence l'offre et la demande en matière d'emplois, comme pour toutes les autres variables de la production ou de la consommation, en fonction de données réelles que les agents économiques sont individuellement seuls capables d'appréhender. Et cela pour deux raisons évidentes: 1. l'information dont dispose l'Etat pour décider de ses politiques est toujours moins bonne que celle dont disposent les acteurs des marchés placés au plus prés de la réalité économique ou sociale (théorie de la décentralisation), et 2. l'Etat ou ses fonctionnaires irresponsables - puisque ils ne subissent pas directement eux-mêmes les conséquences de l'échec de leurs politiques - ont beaucoup plus de chances de se tromper dans leurs choix que les individus dans la mesure où ces derniers doivent agir de la manière la plus efficiente possible, puisque leurs erreurs peuvent les ruiner (théorie des anticipations rationnelles). (...)
Les mauvaises idées de Keynes ont eu trois effets pervers principaux:
1. en faisant croire que l'inflation était porteuse de croissance économique et que la déflation était porteuse de récession, il a justifié les politiques monétaires les plus laxistes destructrices du pouvoir d'achat;
2. en faisant croire que l'Etat était mieux placé que le marché pour conduire l'économie, il a justifié les politiques discrétionnaires dirigistes destructrice des «grands équilibres» réels;
3. en faisant croire que l'épargne était un facteur de paralysie pour l'investissement, il a justifié ce qu'il a lui-même appelé l'«euthanasie du rentier» et le surendettement des plus pauvres.
Nous ne reviendrons pas sur les deux premiers effets mentionnés ci-dessus qui ont eu pour conséquence que l'«optimum» keynésien, destructeur des libertés fondamentales, n'a jamais été aussi bien incarné que par Hitler et Mussolini lesquels ont suivi - amenant à leur «succès» final que l'on connaît - avec enthousiasme ses recommandations. Quant à son hostilité à l'épargne - incarnée dans l'étalon-or -, qui était la vertu par excellence parce qu'elle permettait la confiance dans l'avenir et la promotion sociale, il est à relever qu'avec son éradication «C'est l'ensemble des classes moyennes qui voit disparaître ses raisons d'espérer dans un progrès qui a constitué depuis le XIXe siècle sa raison d'être et le principal élément de sa cohésion», comme l'écrit Serge Bernstein dans La France des années 1930 (Fayard, 1994). (...)
On rappellera ici que, dans un Système de monnaies étatiques de papier créées ex nihilo qui ne sont plus basées sur un étalon métallique (comme celui en vigueur au plan mondial depuis les années 1970 pour la première fois dans l'Histoire), permettant la manipulation permanente des taux de change et des taux d'intérêt par les pouvoirs publics, le recours à l'inflation (c'est-à-dire la création monétaire faisant monter les prix) ou à la déflation (c'est-à-dire la contraction monétaire faisant baisser les prix) n'est plus qu'un choix politique. Et non pas le résultat de quelque fatalité contre laquelle on serait impuissant, puisqu'il n'y a plus aucune contrainte à maintenir une quelconque proportion entre l'émission monétaire et la détention d'un stock de métal précieux et que joue à plein le mécanisme des «réserves fractionnaires». (...)
Il découle aussi de tout cela que la déflation (qui assure la stabilité ou la baisse des prix) est en réalité préférable à l'inflation (qui provoque la hausse des prix). D'ailleurs, ainsi que le reconnaît Sébastien Julian dans son article intitulé «Bonne ou mauvaise déflation?» paru dans le magazine L'Expansion de mars 2009, «Déflation ne rime pas toujours avec dépression. Entre 1870 et 1896 (aux beaux jours de l'étalon-or et du libre- échange), les prix à la consommation ont chuté de plus de 50% aux Etats-Unis. Soit une baisse annuelle de 2% en moyenne. Cette dégringolade s'est accompagnée d'une croissance rapide de l'activité de plus de 3,7% par an et d'un emballement de la bourse de 12% par an. A l'époque, l'essor du commerce international et le progrès technique avaient permis aux entreprises de gagner en productivité comme d'augmenter leur production, provoquant une baisse du niveau général des prix" comme une hausse considérable du pouvoir d'achat des populations. C'est donc bien la stabilité monétaire, et accessoirement le progrès scientifique et technique, qui sont la clef du progrès économique. Nous avons le second, mais nous n'avons plus la première, alors qu'elle ne dépend que du bon vouloir des principaux gouvernements en place!»
On comprend de ce qui précède la raison pour laquelle Etats et banques centrales refuseront d'abdiquer leur pouvoir monétaire, c'est-à-dire leur pouvoir tout court, dans le cadre du rétablissement de l'étalon-or, qui les priverait de la plupart de leurs moyens de diriger les économies, évidemment pas pour le bien du plus grand nombre mais seulement au profit de ceux qu'ils entendent avantager par la mise en oeuvre de politiques structurellement inflationnistes. Mais la planification et le dirigisme monétaires ne peuvent subsister que pour autant qu'ils produisent une stabilité minimale du pouvoir d'achat, faute de quoi les utilisateurs de la monnaie s'en détournent et le Système monétaire s'effondre.
Nous sommes probablement proches de cette situation! (...)
Banques centrales et Etats sont donc doublement responsables et coupables de ne pas avoir agi ex ante comme d'avoir mal agi ex post. Après le krach des actions et des obligations privées de 2007-2008, tout cela devrait entraîner dès 2009-2010:
- d'une part, un krach des obligations d'Etat (américaines d'abord) comme la faillite - à l'image de l'Islande et bientôt de l'Irlande - et/ou la cessation de paiements - à l'image de l'Equateur - de nombreux Etats (peut-être des Etats-Unis eux-mêmes);
- d'autre part, une vague d'inflation comme on n'en a encore jamais connue, lorsque toutes les liquidités artificiellement créées se diffuseront finalement dans l'économie réelle et que les Etats-Unis seront dans l'obligation de monétariser (ce qui a déjà commencé comme en témoigne l'explosion du bilan de la Federal Reserve) leurs dettes colossales publiques et privées que l'étranger ne voudra plus financer au rythme où il l'a fait encore jusque récemment! (...)
Le lecteur qui trouverait notre scénario de destruction des monnaies de papier occidentales, du fait de l'effondrement des bons du trésor américain et d'autres Etats, par trop excessif devrait méditer sur le processus de faillite des principales banques d'affaires et commerciales américaines et européennes que nous avions prévu, suite à la chute de la valeur des subprime, mais qui paraissait à presque tous les observateurs fort improbable. (...)
On remarquera ici que certains grands hommes politiques du XXe siècle qui avaient encore des connaissances historiques leur permettant d'élaborer une vision juste du futur, comme Charles de Gaulle - dont on se souvient du combat dès 1958 pour le rétablissement de l'étalon-or -, sachant que l'effondrement monétaire de l'Occident provoquerait sa chute globale ont tenté de l'enrayer en s'attaquant à la racine du problème, mais sans avoir la force de le régler tant l'ignorance et les luttes de pouvoir sont puissantes en matière de monnaie. (...)
Contrairement aux fausses analyses partagées par la majorité des gens, ce ne sont pas les excès du libéralisme mais bien ceux de l'étatisme (en particulier de la centralisation du crédit et du monopole de création monétaire par l'Etat nécessairement faux-monnayeur) qui sont à la source de cette crise comme des précédentes et qui risquent de l'entretenir jusqu'au désastre final. Il est à cet égard tragique de constater à quel point banquiers centraux, politiciens et économistes - enfermés dans la pensée unique étatiste dirigiste - ont eu tort de négliger les analyses effectuées par les penseurs de l'Ecole autrichienne et les libéraux français, dont les développements présents montrent à quel point elles sont incontournables pour sortir du chaos actuel et de celui, pire, qui vient s'il n'y a pas changement de cap radical! Au moment où les étatistes de tous poils croient devoir mettre en place les recettes désastreuses de Karl Marx et de Keynes, ce sont celles de Ludwig von Mises, de Friedrich von Hayek, de Jacques Rueff et de Robert Mundell qui devraient l'être et, à la fin des fins, le seront, parce que "ce qui doit arriver, arrive"!
Faut pas virer fou avec l'idée des réserves fractionnaires. Le crédit n'est pas mal en soi. Tout dépend des investissements que l'on fait avec. Si ces investissements sont productifs et font augmenter la production par tête, on appelle ça le progrès. Je suis par contre d'accord avec l'idée de calmer la réserve fédérale. En fait (et même si ça ne plaît pas aux auteurs de ce blogue), je n'ai rien contre l'idée de Friedman de maintenir (en théorie, bien sûr), une augmentation de la masse monétaire correspondant grosso modo à l'augmentation moyenne minimale du PIB (soit l'innovation technologique et de la hausse de la population, donc environ 2%). Tant qu'on ne dépasse jamais 2%, et que tout le monde est au courant et peut ajuster ses décisions économiques en conséquences.
Rédigé par : Joseph | 29 mai 2009 à 21h44
Le crédit n'est pas mal en soi, c'est bien certain. Par contre, le crédit basé sur de l'air et de la mauvaise foi (lire ici réserves fractionnaires), ça c'est nuisible. En effet, en plus de contribuer à la création de bulle spéculative, ça augmente la masse monétaire, donc provoque l'inflation, qui fait diminuer la valeur de l'argent de tout le monde, au détriment de ceux qui n'ont pas emprunté, en leur laissant un pouvoir d'achat inférieur à leur pouvoir réel. Pour faire court, ils perdent de l'argent et il ne s'agit ni plus ni moins que d'un vol.
Rédigé par : Nicolas | 29 mai 2009 à 22h06
Regarde...
Si John te passe 10$. Tu gardes un dollar et tu passes 9$ à Jack. Jack paye 9$ des gens pour laver les autos du coin. Ces travailleurs te confient leur 9$. Tu prends ce 9$ et tu passes 8$ à Jim. Dans ton monde, il y a 8$ de «faux crédit». C'est-à-dire que tu dois toujours 10$ à John, et Jim a entre les mains ce 8$ de «faux crédit». Or, il appert que Jim, avec ce 8$, invente une machine à produire des pommmes. Les pommes se vendant 1$ sur le marché, la machine à Jim - qui a couté 8$ - est tellement bonne qu'elle produit 16 pommes. Jim peut te rembourser, et la société (le PIB) gagne 8 pommes.
Question 1: y a-t-il inflation ou déflation dans cette économie?
Question 2: est-ce que la société, dans son ensemble, aurait mieux fait de t'empêcher de prêter ton 9$ (le fait qu'une autorité t'en empêche est, en soi, contraire au libertarianisme, mais on va garder ça pour une autre discussion...)?
Indice: le système de réserve fractionnaire n'est néfaste que lorsqu'il finance des mauvais investissements. Autrement, il est bénéfique pour la société.
Rédigé par : Joseph | 29 mai 2009 à 23h23
@ Joseph,
Votre exemple est totalement absurde et n'a rien à voir avec le système de réserves fractionnaires.
Ce système implique que de l'argent que vous avez déposé dans un compte et qui peut être retiré sur demande n'est en fait en presque totalité (sauf la réserve) pas là. On dit bien que c'est un dépôt, et non un investissement basé sur de l'épargne. Si c'était un investissement, alors la banque s'entendrait avec vous pour savoir où l'argent doit être investi, et vous ne pourriez pas reprendre votre argent sans que la banque ne se départisse de l'investissement en question (ou n'obtienne les fonds autrement) pour pouvoir vous le remettre, ce qui nécessite un certain délai.
La banque prétend avoir l'argent alors qu'en fait elle l'a en grande partie placé ailleurs. Ce qui explique qu'elle se retrouve en défaut de paiement dans le cas où un trop grand nombre de déposants veulent retirer leur argent en même temps, lors d'une ruée (run on the bank). L'argent que vous croyez avoir mis de côté sur demande et qui est prêté est donc "multiplié" plusieurs fois, le prêt devenant lui-même un dépôt ailleurs, qui est prêté sauf la réserve, etc. Si vous déposez 100$ dans une banque fonctionnant sur le principe de réserves à 10%, alors votre dépôt va entraîner la création de 900 autres dollars au bout du processus.
Votre exemple est truffé de situations ad hoc qui ne représentent absolument pas un tel système. Vous écrivez "John te passe 10$". On comprend donc que John te *prête* 10$. Peut-il venir reprendre son 10$ à n'importe quel moment? De toute évidence non, sinon à quoi servirait de "déposer" son argent dans votre portefeuille, ça n'a aucune utilité. Ce prêt, il vous le fait pour combien de temps? Tout ça a un impact décisif sur la transaction. Le fait que vous gardiez un dollar et en prêtiez à votre tour 9 n'a rien à voir dans ce cas avec un système de réserves fractionnaires. Vous êtes simplement un investissement qui utilise un effet de levier, c'est-à-dire qui emprunte pour pouvoir investir avec l'argent emprunté.
Et puis, pourquoi Jack vous emprunte-t-il de l'argent pour payer des gens qui lavent des autos? Pourquoi ces travailleurs vous confient-ils leur 9$? C'est un prêt ou un dépôt? Vous mêlez tout pour illustrer une chaîne de transactions qui semblent mener à une conclusion déterminée d'avance alors qu'elles n'ont aucun sens, exactement comme l'histoire de Foglia la semaine dernière ( http://www.leblogueduql.org/2009/05/foglia-nous-explique-comment-miraculeusement-faire-dispara%C3%AEtre-toutes-les-dettes.html ).
En bout de ligne, vous prêtez l'argent à Jim. Mais si la machine de Jim n'est justement pas si bonne que ça et qu'il perd tout l'argent, qu'arrive-t-il? Si c'est une série de prêts (qui impliquent nécessairement des risques), alors ceux qui ont pris ces risques perdent leur argent, tout simplement. Mais si c'était des dépôts, que faites-vous pour rembourser les travailleurs, Jack, John, etc.? Par définition, on ne risque rien en déposant de l'argent, c'est simplement un service sécuritaire qui facilite les transactions.
Dans notre système monétaire étatisé, lorsque cela se produit, la banque centrale "injecte des liquidités", c'est-à-dire crée du faux argent et vient sauver tout le monde de la faillite. Dans votre cas, j'ai plutôt l'impression que vous allez vous faire casser la gueule par tout ce beau monde, qui ne vous prêtera plus jamais un sou. C'est justement ce qui arriverait, figurativement, dans un système monétaire privé, et les banques seraient bien plus prudentes. Les réserves seraient beaucoup plus prêt de 100% que de 10 ou même 5% et moins comme aujourd'hui.
Vous solutionnez le problème en disant qu'il suffit de faire de bons investissements et pas de mauvais, et il n'y a aucun problème. Eh ben, il fallait y penser!!! C'est comme de dire qu'il n'y a aucun problème à s'endetter jusqu'aux oreilles avec des cartes de crédit si on s'arrange pour devenir millionnaire et pouvoir tout rembourser par la suite. Puisque vous semblez avoir la recette des bons investissements, je suppose que vous êtes vous-même êtes millionnaire?
Non seulement ce n'est pas si simple, mais en fait, le système lui-même implique nécessairement que des fonds iront dans de mauvais investissements. En effet, la multiplication du crédit ne fait pas en sorte de multiplier les ressources physiques à investir. Votre inventeur de machine à pomme a dû acheter des ressources avec le 8$. Ce qui signifie qu'un autre inventeur n'a pas pu utiliser ces ressources, qu'il ait ou non obtenu lui aussi du crédit. Vous pouvez bien doubler la quantité de crédit dans l'économie, vous ne doublez pas le nombre de travailleurs, de matériaux, de moyens de transports, etc. C'est ce fait fondamental que les inflationnistes comme vous ne semblent jamais comprendre, même s'il a été illustré de manière très simple par Bastiat il y a 150 ans (voir mon récent billet "Bastiat et le faux crédit", http://www.leblogueduql.org/2009/05/bastiat-et-le-faux-cr%C3%A9dit.html ).
Les manipulations monétaires qui accompagnent le système de réserves fractionnaires et la banque centrale qui vient secourir tout le monde ont non seulement des effets inflationnistes mais entraînent nécessairement des malinvestissements. Votre conclusion, "le système de réserve fractionnaire n'est néfaste que lorsqu'il finance des mauvais investissements. Autrement, il est bénéfique pour la société.", en plus de s'appuyer sur une illustration qui n'a rien à voir avec le sujet, est simplement un sophisme qui évacue le problème au lieu de l'expliquer.
Rédigé par : Martin Masse | 30 mai 2009 à 00h57
Ok, je me reprends:
1-Tout investissement, qu’il soit basé sur de l’épargne réelle ou non, a une chance d’être rentable (d’augmenter la productivité de l’économie et de rembourser le prêteur) ou d’être un échec. Il n’y a aucune raison de croire que les investissements basés sur l’épargne réelle ont plus de chances de réussir.
2-Tout investissement, qu’il soit basé sur de l’épargne réelle ou non, va déplacer des capitaux. Avec l’argent emprunté, un entrepreneur va acheter des ressources qu’un autre entrepreneur ne pourra acheter. Cette dynamique a lieu même si TOUS les investissements sont financés par de l’épargne réelle. (Il y avait aussi des bulles et des crash avec un système gold standard, même s’ils étaient moins fréquents et intenses).
En d’autres mots, le système de réserves fractionnaires multiplie les chances d’investissements non-rentables ET les chances d’investissements rentables. Il peut mener à plus de malinvestissements, mais AUSSI à plus d’investissements productifs. Ce système crée plus volatilité dans l’économie en augmentant le nombre de « promesses de remboursement étalées dans le temps » (ce que vous appelez du faux crédit).
Cependant, le simple point que je soulève, c’est que théoriquement, si UNE MAJEURE PARTIE des investissements se révélaient productifs (s’ils génèraient autant et même plus de ressources que ce qu’ils en ont coûté), et que tous les débiteurs remboursent éventuellement leurs créditeurs, il n’y aurait aucun problème. L’économie, dans son ensemble, serait plus productive. Même l’inflation serait tenue en échec puisque ces investissements productifs auraient augmenté le stock de biens et services dans l’économie (en autant que la Fed n’existe pas pour créer des dollars).
Bien sûr, c’est un résultat peu probable. Mais pas moins probable que si tous les investissements étaient basés sur de l’épargne réelle.
En fait, votre analogie de la carte de crédit n’est pas si mauvaise. Si je « load » ma carte pour me soûler, il y a problème car Visa risque de ne pas se faire rembourser. Mais si je la « load » pour me payer une formation qui me rendra plus productif dans le futur, et qui me permettra de rembourser ma carte et de créer de la richesse en plus, c’est une bonne chose pour tout le monde. Peut-être que je vais ce faisant déplacer des ressources qui deviendront inaccessibles à un autre, mais si cet autre aurait échoué sa formation (disons qu’il avait un projet semblable au mien) en utilisant ces ressources, c’est une bonne chose que je lui ai ravi ces ressources.
Oui, le système ne fait qu’augmenter le nombre d’investisseurs qui « bid up » les ressources. Mais il y a une possibilité théorique que le résultat soit une situation ou la proportion d’investissements productifs par rapport aux improductifs soit plus élevée. Et franchement, je ne vois pas l’argument qui puisse me convaincre que cette possibilité théorique soit plus élevée dans un système sans réserves fractionnaires.
Bref, en une phrase : le système de réserves fractionnaires crée de la volatilité, mais pas nécessairement de l’inflation, et peut théoriquement être une source de croissance s’il mène à un ratio plus élevé de bon / mauvais investissements.
Vous pouvez être en désaccord mais please, c’est au moins plus profond que du Foglia non…?
Rédigé par : Joseph | 30 mai 2009 à 15h48
@ Joseph,
Oui, c'est un peu plus profond que Foglia cette fois! Mais votre argumentaire souffre encore d'une déficience majeure, qui est que vous pensez qu'on peut augmenter artificiellement la quantité d'investissements dans l'économie sans qu'il y ait de répercussions négatives.
Vous vous concentrez uniquement sur le ratio de "bons" versus "mauvais" investissements au sein d'une quantité totale d'investissements. Comme les économistes néoclassiques, vous ne réalisez pas que "les investissements" ne sont pas simplement un magma indifférencié. Ils correspondent à des processus de production plus ou moins longs.
Par exemple, si vous investissez quelques dollars et quelques heures de travail pour produire un nouvel outil en bois qui vous servira dans votre jardin, il s'agit d'un processus de production très court. Si vous souhaitez produire un nouveau type d'ordinateur, le processus de production est extrêmement long et part de la formation de chercheurs, l'obtention de matériaux de base, le développement des plans pour une usines, etc.
En augmentant la quantité de crédit artificiel disponible, le système de réserves fractionnaires (et les manipulations des banques centrales) font en sorte de lancer un signal erroné aux investisseurs. Ils leur dit: il y a un tas de crédit facile à obtenir, vous pouvez vous lancer dans des processus de production plus longs et il y aura des ressources disponibles jusqu'au bout, à chaque étape, pour permettre de développer votre produit.
Ce gonflement du crédit ne fait pas qu'augmenter la quantité d'investissements qui vont se faire, avec le simple défi d'en choisir plus de "bons" que de mauvais"; il entraîne une distorsion fondamentale dans l'allocation des ressources, qui ne correspond pas aux préférences temporelles des citoyens.
Si par exemple, je vous force à mettre de côté 25% de vos revenus par année pour investir dans quelque chose que vous ne voulez pas au lieu de pouvoir épargner seulement 5% de votre revenu et dépenser le reste pour vos besoins courants, le seul problème est-il que certains des investissements que je vous force à faire ne seront pas "bons"? Non,le problème est que je modifie de force vos désirs de consommation et d'épargne. À un moment donné, si je cesse de vous forcer, vous allez revenir au ratio que vous souhaitez, soit 95-5.
Les cycles économiques sont d'une certaine façon provoqué par le même genre de distorsions. Le crédit facile entraîne plus d'investissements dans des processus de production plus long, et donc nécessairement plus risqués, que ce que souhaitent vraiment les citoyens. Cela entraîne nécessairement des bulles et effets spéculatifs, puisque les ressources ne sont pas plus abondantes pour autant.
Lorsque les distorsions sont trop grandes, il y a un effondrement de la bulle, chacun cherche à liquider les malinvestissements et à revenir à un ratio plus réaliste d'investissement versus consommation. On constate tout à coup qu'il n'y a pas assez de ressources pour mener à bien tous les projets d'investissement et il faut les abandonner. C'est ce qui explique toutes ces usines nouvellement construite qu'on ferme, ces projets d'expansion qu'on laisse tomber, et toutes ces maisons construites qui sont reprises et qui ne trouvent pas d'acheteurs.(Acheter une maison n'est pas une consommation courante ordinaire mais est un peu comme un investissement à très long terme dans la mesure où l'on prend normalement 25 ans pour la payer, ce qui nécessite un flux de ressources qui doit se maintenir sur une longue période.)
C'est pour ces raisons que l'augmentation artificielle du crédit entraîne **nécessairement** une plus grande proportion de ce que vous appelez de "mauvais" investissements, c'est-à-dire des investissements qui ne seront finalement pas rentables ou pas menés à terme parce qu'ils ne correspondent pas aux préférences temporelles et aux désirs des citoyens consommateurs et investisseurs. C'est ce que permet de comprendre la théorie autrichienne des cycles, qui tient compte des types d'investissements et des préférences temporelles et non seulement de leur quantité totale comme le font les économistes néoclassiques.
Vous n'apportez aucun argument concret pour nous dire pourquoi il faudrait y avoir plus d'investissement dans une société et quel en serait la quantité optimale (pourquoi pas investir 99% de notre revenu?). Qu'est-ce qui justifie qu'on force les gens à consacrer plus de ressources à des investissements que ce qu'ils sont prêt à épargner pour les financer? Vous tenez simplement pour acquis qu'il en faut plus. Et que s'il y a plus d'investissements, on peut s'attendre à ce qu'il y en ait autant de bons de plus que de mauvais. C'est une vision purement mécaniste de l'économie qui ne tient aucunement compte de sa complexité.
Pour ce qui est des bulles et krashes au 19e siècle pendant la période de l'étalon-or, ils étaient causés eux aussi à l'époque par le système des réserves fractionnaires (qui n'a pas besoin d'une banque centrale pour exister) et par l'intervention de l'État, qui forçait par exemple les banques à acheter ses dettes et s'en servir comme réserves et leur permettait de se dérober à leur obligation d'échanger leurs billets pour de la monnaie sonnante lorsqu'elles se retrouvaient en défaut de paiement suite à une trop grande création monétaire.
Rédigé par : Martin Masse | 30 mai 2009 à 20h58
Martin, j'aime beaucoup ta dernière réponse.
Je ne cesse d'apprendre de nouveaux arguments (ou de nouveaux angles) pour décrier le système fractionnaire...
Rédigé par : Sébas | 09 juin 2009 à 14h47