par Martin Masse
Il y a quelques semaines, avant le sommet du G20, le gouverneur de la banque centrale chinoise a fait un discours remarqué laissant entendre qu'il fallait mettre fin au rôle actuel dominant du dollar américain comme monnaie internationale de réserve, pour se tourner vers une monnaie supranationale plus stable et moins facilement manipulable par un gouvernement.
Zhou Xiaochuan avait alors mentionné les Droits de tirage spéciaux (DTS), une monnaie artificielle inventée par le FMI en 1969 et basée sur un panier d'autres monnaies-papier nationales. Des commentateurs avaient perçu cette déclaration comme une mise en garde du gouvernement chinois envers les autorités américaines: Nous sommes votre principal créancier. Si vous cherchez à régler vos problèmes en créant trop d'argent, en dépréciant votre monnaie et en diluant ainsi la valeur de nos réserves, nous pourrions réagir en diversifiant nos actifs et en cessant de vous prêter toujours plus de milliards.
Les Chinois sont en effet les plus grands détenteurs de titres en dollars, leurs réserves s'élevant à environ 2 billions $. Si le dollar venait à être dévalué, ils perdraient beaucoup.
Ça fait des années qu'on voit venir ce crunch inévitable résultant des politiques inflationnistes de la Fed, des politiques mercantilistes des Chinois et d'autres pays émergents, et des déséquilibres monétaires qui découlent de ces politiques. La différence est que maintenant, ces déséquilibres atteignent peut-être un point critique et les Chinois pourraient être sur le point de faire autre chose que simplement lancer des messages plus ou moins subtils.
La semaine dernière, le gouvernement chinois a annoncé qu'il avait augmenté ses réserves d'or de 76% au cours des six derniers mois et a demandé au FMI de vendre ses réserves de façon à pouvoir en acheter davantage. On ne parle donc plus de morceaux de papier dont la valeur artificielle ne tient qu'à un sceau apposé par des bureaucrates, comme les DTS, mais d'un actif solide. Le signal envoyé non seulement aux gouvernements mais aux marchés est beaucoup plus clair. Comme le souligne un très intéressant article rapportant la nouvelle, «... quite a few experts said the move solidifies gold's place as a monetary asset, and shows that it's destined for a brighter future».
Voilà un pas dans la bonne direction, qui va probablement accélérer l'effondrement inévitable du dollar.
La Fed, qui alimente l'économie mondiale depuis des décennies avec du faux argent, encore plus depuis la rupture du dernier lien du dollar avec l'or sous Nixon en 1971, est la première source mondiale d'inflation monétaire et de distorsions économiques. Cette situation permet aux Américains de vivre au-dessus de leurs moyens. Le statut de monnaie internationale de réserve du dollar a en effet contribué à financer beaucoup plus facilement leurs guerres impérialistes, leur consommation irresponsable et leur endettement vertigineux. Les dollars additionnels créés qui se retrouvent dans des voûtes de banques étrangères ne suscitent en effet pas de hausses de prix aux États-Unis - tant que les étrangers veulent en accumuler toujours davantage - ce qui aurait rendu une telle politique inflationniste insoutenable. En utilisant le dollar comme principale devise pour les transactions internationales et l'accumulation de réserve, le reste du monde subventionne à toutes fins pratiques le pouvoir d'achat des Américains.
Pendant ce temps, les États-Unis sont toutefois devenus un pays socialiste avec une économie de moins en moins productive et compétitive, la banqueroute du secteur automobile n'étant que l'exemple actuel le plus patent. Leur économie n'est plus aussi dominante qu'au moment où le système de Bretton-Woods a été mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Sur la base de ce qu'ils produisent et de la demande étrangère pour leurs biens et services, les Américains devraient, aujourd'hui, avoir un niveau de vie bien moins élevé. La crise actuelle met au jour de façon encore plus évidente toutes ces distorsions et tous ces déséquilibres.
À l'échelle internationale, les réserves d'or chinoises restent modestes. Mais la Chine est également le principal pays producteur d'or, et c'est la tendance qui est importante. Les Chinois n'ont certainement pas intérêt à ce que le dollar s'effondre à court terme, mais les politiques inflationnistes de la Fed et du gouvernement Obama menacent la valeur de leurs immenses réserves. La situation est intenable à moyen terme et les force à chercher des solutions alternatives.
Le président de Centennial Precious Metals, Michael Kosares, note dans l'article que «China, true to its reputation for patience and steady, long-term progress toward its goals, has taken the golden path and now they want the world to know about it».
On doit en effet reconnaître que les Chinois manifestent des préférences temporelles plutôt basses. Depuis quatre décennies, leur pays s'ouvre toujours davantage à l'économie de marché et s'enrichit à vive allure. Ils ont une éthique du travail et un sens de l'entrepreneurship développés, et épargnent beaucoup. Le gouvernement chinois, non-démocratique, est moins sujet aux pressions de l'opinion publique et des groupes d'intérêt parasitaires qui tentent de monnayer leur appui politique en échange de transfert de fonds publics et de privilèges, comme c'est le cas dans nos pays occidentaux.
Un tyran étatique reste bien sûr un tyran étatique, mais il y en a qui ont des politiques moins pires que d'autres. Et la Chine aura contribué plus que n'importe quel pays au monde à la mondialisation et à l'avancement de l'économie de marché à la fin du 20e et au début du 21e siècle.
Cette contribution s'avérerait encore plus cruciale si les Chinois décidaient d'appuyer activement le retour de l'étalon-or comme base du système monétaire mondial, en remplacement du système actuel fondé sur les monnaies fiduciaires et la domination du dollar. Les monnaies fiduciaires sont la quintessence du court-termisme. Elles sont sujettes à toutes les manipulations et constituent un levier incontournable de toute politique d'inspiration keynésienne (ou friedmanienne) pour stimuler l'économie. Les États peuvent constamment déprécier leur monnaie pour atteindre des objectifs à court terme, en repoussant les conséquences néfastes à plus tard.
Sauf que le long terme finit toujours par nous rattraper. Et nous payons aujourd'hui pour les politiques désastreuses de la Fed et des autres banques centrales (y compris celles de la Chine, notons-le, qui sont loin d'être parfaites). Il aurait été impossible de mettre en oeuvre ces politiques, à tout le moins avec une telle ampleur, dans un régime d'étalon-or. C'est pourquoi toute indication d'un retour en force de l'or comme base monétaire ne peut qu'être une bonne nouvelle pour ceux qui croient dans la liberté et la rationalité économique.
La chine ne fait pas qu'augmenter ses réserves d'or. Elle augmente ses réserves de tous les métaux nécessaire à une industrie du 21e siècle, tels le cuivre et l'aluminium.
http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/ambroseevans_pritchard/5160120/A-Copper-Standard-for-the-worlds-currency-system.html
L'article focus beaucoup sur le cuivre, mais ça dit sensiblement la même chose.
Rédigé par : Rémi | 02 mai 2009 à 14h09
Je me demande pour quelle raison le prix de l'or a monté ces dernières années. De plus, de quel façon peut-on acheter de l'or et la faire garder dans des cofres.
Rédigé par : NoName | 02 mai 2009 à 14h42
Qu'est-ce qui va arriver au dollars canadien si le dollars US s'effronfre?
Rédigé par : Martin | 02 mai 2009 à 15h06
@ NoName
Moi ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi l'or n'a pas énormément augmenté depuis les annonces hyper-inflationnistes des gouvernements et des banques centrales… Pourquoi le marché n'anticipe-t-il pas la chute du dollar?
Rédigé par : Mateo | 02 mai 2009 à 15h33
Je ne connais pas grand chose en économie. Par contre, on pourrait croire que peu de gens sont autrichiens, qu'ils croient que les plans de relances vont fonctionner et que le dollard américain est encore une valeur sure. Si les autrichiens ont raison, la prochaine crise va leurs tomber en plein dans le visage sans qu'ils n'aient rien anticipé.
Pour ma part, je trouve que l'économie autrichienne à du sens et que si les chinois achètent de l'or et du cuivre c'est peut-être qu'ils ont perdu confience. Si les chinoix continuent d'acheter de l'or alors peut-être que le prix de celui-ci va grimper. Phénomène qui devrait prendre de l'empleur avec la chute du dollard qui celon Ron Paul devrait arriver d'ici un à quatre ans.
Rédigé par : NoName | 02 mai 2009 à 16h42
@ NoName
Le prix de l'or, mesuré en USD, dépend surtout de l'offre et de la demande de USD. Présentement il y a beaucoup d'offre (la fed qui imprime) et aussi beaucoup de demande (investisseurs frileux qui veulent du cash). La question est de savoir si Bernanke aura le courage de diminuer l'offre quand la demande diminuera. La plupart des Autrichiens pensent que non, mais bon il s'agit du comportement d'un seul individu alors qui sait?
Pour garder de l'or "en dehors du système" je conseille d'acheter des lingots de 1oz ou 1kg chez Kitco, au centre-ville de Montréal, et de les garder à la maison. 1oz à la fois c'est peut-être mieux pour ne pas attirer l'attention. (On paie cash avec des billets de 100, CAD ou USD.)
Rédigé par : Bastiat79 | 02 mai 2009 à 18h07
@Mateo
"Moi ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi l'or n'a pas énormément augmenté depuis les annonces hyper-inflationnistes des gouvernements et des banques centrales… Pourquoi le marché n'anticipe-t-il pas la chute du dollar?"
-Bien que la chûte du dollars semble de plus en plus probable, la plupart des acteurs sur le marché ne le voit pas venir. Le prix de l'or montera en flèche lorsque les 1,2 trillions de nouveaux dollars créés par la Fed cesseront d'êtres emprisonnés dans les coffres des banques peureuses et entreront en circulation. Le plus tôt Obama réussira à "forcer" les banques à prêter, le plus tôt le dollar va s'effondrer.
Rédigé par : Steven | 02 mai 2009 à 21h16
Bien qu'ils aient annoncés des programmes hyper-inflationnistes, ils n'ont pas agis pour exécuter ces programmes en imprimant l'argent, mais seulement promis de le faire. On sait ce que vaut une promesse de politicien.
Rédigé par : Stranger | 02 mai 2009 à 22h40
Est-ce vrai que l'or perd également sa valeur en cas d'effondrement économique total. L'or n'a pas de valeur intrinsèque (sauf pour quelque applications particulière, par exemple comme conducteur dans des circuits informatiques.) L'or en tant que monnaie repose également sur le fait que les gens la perçoivent comme monnaie par confiance. Si on suppose un effondrement total de l'économie n'est-il pas mieux d'acheter quelque chose qui conserverait mieux sa valeur que de l'or pour protéger ses avoirs. Par exemple, des fusils, de la nourriture et des maisons?
Rédigé par : D | 04 mai 2009 à 17h15
Le Financial Times publiait hier une très pertinente analyse d'un économiste chinois, Andy Xie, sur cette situation et le dilemme auquel les Chinois sont confrontés, intitulée "If China loses faith the dollar will collapse":
Diluting Chinese savings to bail out America’s failing banks and bankrupt households, though highly beneficial to the US national interest in the short term, will destroy the dollar’s global status. Ethnic Chinese demand for the dollar has been waning already. China’s bulging foreign exchange reserves reflect the lack of private demand for dollars, which was driven by the renminbi’s appreciation. Though this was speculative in nature, it shows the renminbi’s rising credibility and its potential to replace the dollar as the main vehicle of wealth storage for ethnic Chinese.
(...) China is aware that it must become independent from the dollar at some point. Its recent decision to turn Shanghai into a financial centre by 2020 reflects China’s anxiety over relying on the dollar system. The year 2020 seems remote, and the US will not pay attention to something so distant. However, if global stagflation takes hold, as I expect it to, it will force China to accelerate its reforms to float its currency and create a single, independent and market-based financial system. When that happens, the dollar will collapse.
Il faut être inscrit (pas nécessairement abonné, l'inscription est gratuite) pour lire l'article complet: http://www.ft.com/cms/s/0/2f842dec-38d8-11de-8cfe-00144feabdc0.html?ftcamp=rss
Rédigé par : Martin Masse | 05 mai 2009 à 10h38
@ D
L'or perdrait de sa valeur par rapport à quoi?
Par rapport au dollar? Peut-être s'il manque d'électricité pour l'imprimante de la banque centrale.
Par rapport aux maisons? Je n'y crois pas. L'or a l'avantage d'être portable et c'est pratique quand l'armée s'en vient te chercher.
Par rapport à la combinaison terre agricole + fusil? Il y en aura toujours un avec un fusil plus gros que le tien.
Par rapport à la soupe en cannes? Peut-être; dans l'extrème absolu, l'un se mange et l'autre pas.
La seule prédiction qu'on peut faire, c'est que quand tout ça sera fini, la valeur de l'or se stabilisera autour de son coût de production. Et la valeur du dollar se stabilisera autour de son coût de production.
Rédigé par : Bastiat79 | 05 mai 2009 à 11h18
Est-ce que le dollars canadien pourrait devenir aussi fort que l'Euro si le dollars US s'écroule ou bien il va s'effonder lui aussi?
Rédigé par : Martin | 06 mai 2009 à 12h25
@ Bastiat79
1. L'or perdrait sa valeur par rapport à son pouvoir d'achat.
Ce que j'essaie de dire c'est que l'or n'a pas de valeur intrinsèque. On se la procure en faisant le pari que d'autre personne voudrait utiliser l`or comme monnaie d'échange en cas d'effondrement du dollars. On ne peut pas manger de l'or ou vivre dans de l'or.
2. Lorsque la crise économique sera terminée, l'or et les dollars se stabiliseront autour de leurs coûts de production... est-ce que que l'or est présentement vendue à des prix au-dessus de son coût de production? Où est l'intérêt d'acheter de l'or alors?
Rédigé par : D | 06 mai 2009 à 16h22
@D
'Ce que j'essaie de dire c'est que l'or n'a pas de valeur intrinsèque.'
Désolé, mais dans ce cas, ou bien tout à une valeur intrinsèque, ou bien rien n'a de valeur intrinsèque.
La valeur d'une marchandise dépend de l'usage qu'on peut ou ne peut pas en faire, du bénéfice associé à cet usage sur un horizon envisagé par celui qui l'acquiert, et de la rareté de cette marchandise par rapport à ses substituts possibles.
On pourrait ergoter entre 'bénéfice objectif' (pour un bien de production) et 'bénéfice subjectif' (pour un bien de consommation) , mais c'est en fait une fausse distinction car un bénéfice objectif n'est qu'un bénéfice subjectif reporté dans le temps par le truchement du crédit ou de l'épargne.
Et au final, la valeur d'une marchandise comme l'or répond parfaitement à tous ces critères, par conséquent s'il a une valeur intrinsèque, toutes les marchandises en ont une, et s'il n'en pas, aucune autre marchandise n'en a non plus.
La valeur de l'or est lié à sa rareté, à la commodité et la relative sureté de son usage comme monnaie, et au bénéfice accru que procurent ces attributs à celui qui l'utilise comme monnaie plutôt que d'utiliser du papier, en fonction de son appréciation subjective du futur.
Rédigé par : Pierre-Yves | 06 mai 2009 à 16h59
Une autre analyse pertinente de la montée de l'or et de la précarité du dollar par Diane Francis du Financial Post:
http://network.nationalpost.com/np/blogs/francis/archive/2009/05/06/china-bets-on-gold-not-yankee-dollars.aspx
Rédigé par : Martin Masse | 07 mai 2009 à 13h33
@ D
Si vous comparez l'or à un panier truqué comme le CPI, ce que vous semblez suggérer en mentionnant le faux-concept "pouvoir d'achat", alors je miserais plutôt sur une appréciation de l'or. S'il y a crise alimentaire (= un soldat se trouve entre vous et votre nourriture) alors évidemment la nourriture va s'apprécier par rapport à l'or localement, mais pas globalement.
Historiquement, je ne crois pas que l'or à 900$ soit particulièrement cher par rapport aux coûts de production. On parle souvent de $400 juste en "cash costs", donc sans amortissement des installations. Mais c'est vrai que depuis l'automne dernier l'or est moins sous-évalué que le gaz et le pétrole. Si vous cherchez uniquement un investissement sur papier, il y a peut-être mieux que l'or. Mais vous parliez "d'effondrement total"... alors ça limite les options.
Moi je suis ni vendeur ni acheteur d'or; j'ai fait le plein en bas de $600. À un certain prix je l'échangerais pour une maison ou un autre tangible. Mais je ne changerais pas un tangible pour un intangible avant la fin de la tempête. Je pense que vous comprenez pourquoi.
Il n'y a pas de valeur intrinsèque. Lorsqu'on cherche à en définir une (par exemple, par des considérations énergétiques) on se frappe à des problèmes méthodologiques insurmontables. Ce n'est donc pas un bon critère pour comparer l'or et la nourriture. L'or ne descend jamais sous son coût de production car n'importe qui reconnaîtrait l'opportunité et ferait remonter le prix. Même si c'est un métal inutile ça n'y change rien. La nourriture peut descendre sous son coût de production car elle est périssable et difficile à transporter.
Rédigé par : Bastiat79 | 07 mai 2009 à 16h57