par Gilles Guénette
« Il faut se dégager soi-même de la prison des affaires quotidiennes et publiques. »
-Épicure (-341/-270), Sentences vaticanes
Crise économique mondiale, pandémie de grippe A (H1N1), catastrophes environnementales, scandales politiques, manifestations populaires - à lire les journaux de nos jours, ou à regarder les nouvelles télévisées, on passe par toute la gamme des émotions, négatives plus souvent qu'autrement. On a tantôt peur, on est tantôt indigné, on est tantôt irrité. Vient un jour où on se demande si l'exercice est vraiment nécessaire.
L'indignation
Une lectrice de La Presse signait une lettre ouverte le mois dernier pour se défendre du fait qu'elle ne descendait pas dans la rue à tout bout de champ pour manifester contre tout ce qui l'indignait. La dame a senti le besoin d'écrire lorsqu'elle a entendu un commentaire à la radio. Dans une tribune téléphonique, un type disait que la situation d'Omar Khader n'émouvait visiblement pas la population canadienne puisqu'il n'y avait pas de manifestation dans la rue.
« J'aimerais profiter de ce commentaire pour mettre en garde les journalistes et les commentateurs politiques de toutes sortes contre ce genre de raccourci logique, écrit la dame. Il est frustrant de lire sans cesse qu'on mesure à l'aune des manifestations publiques l'importance que les citoyens sont censés accorder à une cause. Savez-vous que je vis dans un état de colère quasi permanent, comme la majorité de mes concitoyens, et que, si je sortais dans la rue pour manifester contre tous les sujets qui me révoltent et pour toutes les causes qui me tiennent à coeur, je vivrais dans la rue! »
C'est vrai qu'à part quelques étudiants socialistes, activistes professionnels et syndiquées payées pour manifester, le vrai monde n'a tout simplement pas le temps de descendre dans la rue. Il est occupé à travailler pour payer, entre autres, les revendications de ceux qui trouvent le temps de manifester.
Lire la suite dans le dernier numéro du QL.
Surtout que manifester est bien l'un des moyens les moins efficaces pour obtenir gain de cause, vu le nombre de manifestations par an (en France) je ne comprends pas que les gens ne l'aient pas encore compris.
De plus, la quasi-totalité d'entre elles sont instrumentalisées et n'aboutissent à rien, et quand le gouvernement "cède" c'est généralement pour intervenir encore plus qu'auparavant.
Défiler défoule et c'est là le pire, après une manifestation d'une journée ou un peu plus pour les plus motivés, les gens rentrent chez eux avec le sentiment du devoir accompli et ne participent à aucune action qui serait plus réfléchie et qui pourrait aboutir à de vrais solutions.
Pour ce qui est des informations négatives, ca fait bien longtemps que j'ai arrêté de les regarder et je ne le regrette pas, on est beaucoup moins influencé émotionnellement. Je préfère lire l'actualité, on peut relire un passage ou sauter tout ce qui ne nous intéresse pas.
x morts sur la route, dans un incendie, suite à une contamination, de la grippe, c'est tous les jours, quoi de neuf ? Quand je lis les infos c'est pour savoir ce qui change, pas ce qui reste pareil. Evidemment ces morts sont regrettables mais je ne vais pas pleurer pour chaque mort.
Rédigé par : Johnny | 16 mai 2009 à 16h01
Il est clair que beaucoup de journalistes donnent une prime systématique à ceux qui leur donnent des images ou une info qui frappe.
Une manif, c'est des images, des manifestants festifs et des flics. Bref de quoi boucler un sujet.
Par contre, un citoyen qui a autre chose à faire que de manifester devant les caméras devient un sous-citoyen dont la parole a moins d'importance ou est moins determinée que le manifestant professionnelle.
Peut être que les libéraux devraient accepter même à contre-cœur de fournir des images et des événements aux journalistes pour défendre leurs idées. Les "tea party" en sont un bon exemple...
Rédigé par : Le libéralisme pour les débutants | 16 mai 2009 à 16h12
Rédigé par : steve81 | 16 mai 2009 à 16h33
Les médias qui se disent être les piliers de la démocratie et de la transparence sont en vérité des profiteurs de scandales. Plus il y a de situations de crises et plus les gens sont contraints de consommer leurs "produits" pour se protéger.
Il faut donc dénoncer les médias non comme ceux qui exposent la crise sociale totale dans laquelle on se trouve, mais les complices de cette crise.
Rédigé par : Stranger | 16 mai 2009 à 17h21
Pourquoi les gens ne manifestent-ils pas plus ?
C'est parce que le léviathan gouvernementale agit de manière "furtive".
Prenons un programme qui va donner 200 millions de dollars en subventions aux industrie forestières (par exemple). Les industriels sont très contents, ils vont pouvoir se partager une somme rondelette et comme ils sont relativement peu nombreux, cette subvention aura un impact non négligeable sur leurs revenus.
Ceux qui payent pour cette subvention, les contribuables, sont très nombreux: environ 6 millions de Québécois. La subvention de 200 millions représente un déboursé de 33,33$ par québécois soit l'équivalent de 2,77$ par mois.
Un travailleur ne va pas manquer une journée de travail pour dénoncer un "vol" de 2,77$/mois. Il va avaler sa pilule et se dire que la situation n'est pas si pire qu'elle n'y paraît.
Voilà comment fonctionne le gouvernement, un p'tit 200 millions ici, insignifiant 50 millions par là... Pris séparément, personne ne voit une raison suffisante de descendre dans la rue pour dire c'est assez.
Les anglais ont une expression merveilleuse pour décrire cette situation: "death by a thousand cuts".
Voilà comment on saigne un contribuable sans que ce dernier ne proteste: on ne tente pas de lui couper la jugulaire, mais on procède en faisant un millier de petites incisions. Si une de ces incisions semble sans importance, à la longue leur accumulation finit par avoir le même effet que le sectionnement de la jugulaire.
Rédigé par : David Gagnon | 16 mai 2009 à 17h50
J'ai visionné récemment le film 'Nothing but the truth', une fiction qui brode sur l'affaire Valerie Plame et l'emprisonnement de cette journaliste qui avait refusé de révéler le nom de ses sources confidentielles. C'est un film efficace et qui fait réfléchir (ce qu'ils devraient tous faire).
Mettant ce canevas en perspective avec un article récent de Martin Masse sur la montée du fascisme aux USA, il fait réaliser à quel point les principes clefs de la constitution américaine ont été depuis un demi-siècle graduellement érodés, jurisprudence après jurisprudence, au point ou on a l'impression qu'il n'en reste plus grand-chose (je récuse toujours le terme 'fascisme' cependant, qui est trop facile à disqualifier pour les tenants de ce que j'appellerais plutôt un totalitarisme rampant).
Il n'en reste pas moins que cette érosion est de loin, à mon avis, le phénomène le plus inquiétant dans l'évolution de nos soi-disant sociétés démocratiques. L'Amérique, avant d'être un pays, c'est une idée, une idée sur la place d'un gouvernement, son rôle et les limites contraignantes qu'il est nécéssaire d'imposer à son pouvoir. Et cette idée prend tranquillement le bord.
Mais ça n'énerve pas les chiâleurs professionnels, les toupies insécures dont la stratégie et l'éthique de vie consistent justement à fournir toujours plus d'arguments - moyennant l'illusion d'un stipende et l'excuse des bonnes intentions - à ce gouvernement pour régenter tous les racoins de nos vies en prétendant en plus nous donner des leçons de morale. Et au fond, ce ne sont que des désespérés.
Ça ne semble pas non plus allumer du côté des médias, et en particulier de la presse écrite, que si leur industrie est sur la voie de la disparition, c'est probablement d'abord et avant tout parce qu'elle a perdu toute espèce de pertinence vis à vis de sa mission de défense de la liberté - la vraie, celle qui s'écrit au singulier et consiste a faire des choix et en assumer les conséquences, et non pas de la liberté de faire les poches à la communauté par administration fiscale interposée.
Je ne crois pas qu'un Honnête Homme (ou une Honnête Femme, pour féminiser l'expression consacrée) puisse vivre heureux dans l'acceptation résignée de ce totalitarisme à visage humain, qui est une négation de l'intelligence, du concept d'objectivité, et de tout ce qui donne sa valeur et sa saveur à la vie humaine - une négation de la vie elle-même, en fait.
Je ne crois pas non plus qu'il soit utile de vivre révolté en permanence et de perdre son temps et son énergie dans des croisades qui ne convertiront personne et des escarmouches qui vous feront passer pour un hystérique, 'On ne règne sur les âmes que par le calme'.
Mais pour paraphraser une très belle réplique du film auquel je fais allusion ci-haut, 'lorsque la question se pose de savoir s'il faut choisir entre les personnes et un principe, la seule façon de résoudre le paradoxe est de comprendre qu'il faut soi-même devenir le principe'. Au regard de notre sérénité méthaphysique, c'est toujours l'option qui coûtera le moins cher.
Rédigé par : Pierre-Yves | 16 mai 2009 à 20h02
Comme tout autre excitant, « l'information » doit être consommée avec modération. À forte dose, « l'information » crée des sociomanes, c'est-à-dire des individus obsédés par les « enjeux collectifs » et les problèmes sociaux. On reconnaît ce genre de toxicomanes au fait qu'ils prennent la société très au sérieux, qu'il sont perpétuellement indignés, et qu'ils consacrent le plus clair de leur énergie à militer, à revendiquer et à faire la leçon au voisinage. Personnellement, je ne connais pas de meilleure thérapie à la sociomanie que le blogue du QL...
Petit jeu de mot en terminant : le cinéma a son festival de Cannes ; l'économie a, malheureusement, son « festival de Keynes »... Dans les deux cas, on retrouve un bon nombre de poseurs, de socialistes et... de bureaucrates !
Rédigé par : B. Vallée | 17 mai 2009 à 12h41
A B. Vallée : Merci pour le jeu de mot ! Très bon. C'est vrai qu'on a un vrai festival de Keynes en ce moment. A Pierre-Yves : trop drôle la féminisation d'Honnête Homme ; c'est Montaigne qui serait content ...
Heureusement qu'on s'amuse sur le blogue du QL car en dehors, quelle surdose permanente d'infos alarmistes effectivement, et comme c'est saoulant ! Le pire est que nombreux sont ceux qui ont intérêt à perpétuer le système. Les médias y trouvent un moyen de multiplier à peu de frais les pseudo-scoops et de faire de l'audience qui leur permet de mieux vendre leurs espaces publicitaires. Les bigots millénaristes de tout poil, au premier rang desquels je place les écologistes, peuvent nous asséner analyse définitive sur analyse définitive pour annoncer la fin du monde à cause du vilain capitalisme / libre marché / pacte malin des multinationales (au choix) et répandre at large leur propagande anti-libertés individuelles. Les experts - parfois auto-proclamés - sur à peu près tous les thèmes peuvent venir faire leur numéro qui contribuera précisément à asseoir leur réputation d'experts et donc à faire monter leur cote pour d'autres émissions, et toucher au passage de bons honoraires. Et il y a aussi l'information "à l'estomac", si fréquente, qui permet de jouer sur la corde du compassionnel et de la culpabilisation et de justifier tous les principes de précaution liberticides et autres "envies du pénal" (désolée de revenir si souvent à Ph. Muray). Et tout cela donne beaucoup de spectacle à ceux qui aiment l'info-spectacle ... Cela fait beaucoup de monde qui a tout intérêt à continuer ainsi.
Rédigé par : Marianne | 17 mai 2009 à 20h58