par Martin Masse
La crise économique que nous traversons trouve sa principale cause dans les manipulations monétaires. Et pourtant, pratiquement personne ne comprend ces questions monétaires et n'arrive à faire le lien entre la situation actuelle et l'action des banques centrales. Dans les médias, loin d'être présentées comme responsables de la crise, celles-ci sont universellement perçues comme des institutions angéliques qui peuvent faire des miracles, tel faire apparaître des milliards de dollars de crédit à partir de rien. À peu près personne ne conteste leur pouvoir.
La presque totalité des économistes sont ignorants des questions monétaires et ne peuvent que répéter quelques lieux communs d'inspiration keynésienne glanés pendant leurs études universitaires dans les manuels de science économique. Même parmi la minorité d'économistes néoclassiques conventionnels qui s'imaginent être en faveur du libre marché, presque tous adhèrent à une perspective étatiste sur la monnaie, en général celle de Milton Friedman. Plusieurs défendent des positions aussi interventionnistes sur la monnaie que les keynésiens les plus excités.
À mon sens, ces pseudo libéraux sont autant, sinon davantage responsables des déboires économiques que nous vivons aujourd'hui que ne le sont les économistes socialistes. On sait que ces derniers sont de parfaits illettrés économiques et qu'il n'y a rien à attendre d'eux; les premiers quant à eux sont censés avoir compris les concepts fondamentaux de l'économie de marché, mais font preuve sur ce point d'un manque de cohérence et d'une paresse intellectuelle déplorables. Alors qu'ils auraient dû proposer un contre-discours et alerter l'opinion publique, ils ont contribué à conforter et à renforcer la position interventionniste, ce qui ne laisse pratiquement aucune place dans les débats publics pour toute forme d'opposition à ce présumé «consensus».
Cette situation ne changera pas tant que la perspective autrichienne sur la monnaie et les cycles économiques, la seule qui s'appuie véritablement sur le libre marché, ne sera pas plus largement connue et comprise. Il y a huit ans, lors du krach des dotcom, j'étais seul au Québec à défendre cette perspective, et l'un des rares dans la francophonie. Depuis deux ans, le nombre de ceux qui y voient une explication plausible, qui se renseignent et qui commentent la crise d'un point de vue autrichien est toutefois en augmentation constante.
La barrière de la langue ne devrait plus être une raison pour rester dans l'ignorance. On trouve aujourd'hui de nombreux textes qui traitent d'économie autrichienne sur le Web. Et l'un des documents clé pour comprendre le point de vue autrichien sur les questions monétaires est maintenant gratuitement accessible en français.
Stéphane Couvreur, un chercheur français associé à l'Institut Molinari, a traduit le classique de Murray Rothbard, What Has the Government Done to Our Money?, sous le titre État, qu'as-tu fait de notre monnaie? Une autre traduction de ce livre était disponible en format imprimé aux Éditions Charles Coquelin. On peut maintenant le lire en ligne grâce au logiciel Scribd, le télécharger en format PDF ou l'imprimer.
Il était temps que ce savoir se répande, puisque le système économique mondial ne survivra pas longtemps les assauts répétés des chocs déstabilisateurs engendrés par les manipulations monétaires. Une économie aussi complexe doit s'appuyer sur une unité monétaire qui permet de transmettre des informations véritables, et non sur du papier-monnaie dont la valeur est constamment faussé. Si les gouvernements du monde, et en particulier celui des États-Unis, continuent de corrompre le système monétaire actuel et empêchent l'émergence d'un système alternatif fondé sur une monnaie réelle comme l'or, c'est rien de moins que notre niveau de vie et l'avenir de la civilisation qui sont menacés.
Comme l'explique Murray Rothbard dans son introduction:
De tous les problèmes économiques, la monnaie est peut-être le plus confus, et c'est pourquoi une telle mise en perspective est essentielle. De plus, la monnaie est le secteur économique qui a le plus été marqué, le plus embrouillé par des siècles d'interventions étatiques. Beaucoup de gens - y compris des économistes - même les plus ardents défenseurs du marché, ne vont pas jusqu'à y inclure la monnaie. La monnaie - disent-ils - est à part ; elle doit être produite, et gérée, par l'État. Ils ne voient jamais l'intervention de l'État comme une perturbation dans le fonctionnement du marché. Un marché libre de la monnaie est quelque chose d'inconcevable pour eux. Ce sont les États qui doivent battre monnaie, imprimer les billets, définir le «cours légal», créer les banques centrales, injecter de la monnaie dans l'économie, «stabiliser le niveau des prix», etc.
Historiquement, la monnaie a été l'un des tous premiers secteurs contrôlés par l'État, et la «révolution» libérale des dix-huitième et dix-neuvième siècles n'a pratiquement rien changé dans la sphère monétaire. Il serait donc temps de nous intéresser enfin à ce fluide vital de notre économie qu'est la monnaie.
Merci Martin.
Bien intéressant. J'ai surtout lu des livres de Mises. Ça devrait être intéressant à lire. J'ai lu de nombreux textes sur Rothbard mais pas des textes de Rothbard.
Rédigé par : Steven | 04 mai 2009 à 17h47
"Cette situation ne changera pas tant que la perspective autrichienne sur la monnaie et les cycles économiques, la seule qui s'appuie véritablement sur le libre marché, ne sera pas plus largement connue et comprise."
Cette phrase suggère que les autres perspectives sont également valables, mais qu'on les qualifie d'illettrées par simple désaccord idéologique. (Toutes les perspectives sont plus ou moins "vérifiables" empiriquement.) Il faudrait plutôt constraster la valeur FACTUELLE de ces perspectives. Je dirais plutôt "la seule basée sur une déduction correcte du fonctionnement des sociétés humaines".
Rédigé par : Bastiat79 | 04 mai 2009 à 22h09
You can't eat gold but at least politicians can't print it...
J'ai aussi hâte à la traduction du livre de Johan Norberg sur la crise:
http://www.hydraforlag.se/home/page.asp?sid=5194&mid=2&PageId=51699
Rédigé par : David Gagnon | 05 mai 2009 à 01h38
Ne mélangez pas le Contrôle d'Etat et la nature monopolistique d'une banque centrale. Par définition, une banque centrale doit être unique dans un territoire souverain car c'est l'impression d'une devise nationale qui a toujours financé les grandes levées d'armées, et c'est en partie cette menace de force qui distingue ce que le marché appelle "hard currencies" des "softs", sujettes aux sporadiques coups d'états ou autres mesures inflationnistes.
Rédigé par : Hamilton | 05 mai 2009 à 16h09
Ne mélangez pas le Contrôle d'Etat et la nature monopolistique d'une banque centrale.
Blanc bonnet, bonnet blanc.
Rédigé par : Yan | 05 mai 2009 à 18h21
Dans on monde idéal, on aurait un système de "free-banking". Aucune régulation et chaque banque pourrait émettre sa monnaie selon ses propres critères.
Ce système a déjà été utilisé en Écosse avec beaucoup de succès.
http://www.econtalk.org/archives/2008/11/selgin_on_free.html
Rédigé par : David Gagnon | 05 mai 2009 à 21h26
Je viens de devorer le bouquin.
Excellent. J'en ai conseille la lecture a mes amis. La partie rajoutee a la fin qui n'est pas de Rothbard est egalement bienvenue.
Merci.
Rédigé par : Stan Selene | 06 mai 2009 à 17h48
En effet, la plupart des économistes sont des ignorants et ne connaissent rien de l'école autrichinne.
Je suis un cours d'été à l'UdeM sur la monnaie est les marchés financiers. Aujourd'hui, on apprenait les principales théories monétaires. Arrivé à la théorie monétaire de Keynes, le chargé de cours (qui a un doctorat), nous dit que Keynes est le premier économiste à parler du taux d'intérêt dans la théorie monétaire...pourtant Mises en parlait bien avant. J'énnonce la théorie monétaire autrichinne au chargé de cours et il me répond qu'il ne connait pas vraiment cette théorie, il dit qu'elle est tellement marginale et incohérente qu'elle ne mérite pas d'être étudiée dans le cours...
Je n'en reviens pas encore!!!
Rédigé par : G. Marineau | 06 mai 2009 à 18h49
Un peu trop de monde qui traite les autres d'ignorants ici, peut-être vaudrait mieux se garder une petite gène...
N'est-il pas vrai qu'en 1931 la Grande-Bretagne abandonna l'étalon or pour permettre une expansion de la base monétaire et du crédit qui fit revivre le marché boursier et soulagea l'économie. Pendant ce temps le reste du monde qui restait sous la camisole de force de l'étalon or s'enfonçait dans la dépression.
Rédigé par : pbrasseur | 06 mai 2009 à 19h17
"La camisole de force de l'etalon or" rien que ca. LOL.
Rédigé par : Stan Selene | 06 mai 2009 à 19h46
@Tout le monde, plus particulièrement David Gagnon
Tient voici un papier (http://mises.org/journals/rae/pdf/RAE2_1_15.pdf) qui déconstruit les arguments avancé dans le podcast de George Singin sur les banques libre en écosse (http://www.econtalk.org/archives/2008/11/selgin_on_free.html), ce papier est écris par nul autre que...Murray Rothbard.
Bonne lecture.
Note au QL: Cela serait apprécié que le code html fonctionne dans les commentaires, c'est pas très compliqué et plus conviviable
Rédigé par : Laurence Tilmant-Rousseau | 06 mai 2009 à 21h50
@ Laurence Tilmant-Rousseau:
La thèse de Selgin (pas Singin) n'est pas identique a celle de White.
Moi je considère qu'un gouvernement ne devrait pas imposé à une banque un étalon particulier et une réserve à respecter.
Si ma mémoire est juste, je crois que Salin avait contesté les idées de Rothbard sur ce point.
Rédigé par : David Gagnon | 06 mai 2009 à 22h35
@ Laurence,
Si on active le code HTML pour les commentaires dans un blogue Typepad, les url qu'on met dans une phrase ne sont plus automatiquement publiés en tant que lien, ce qui complique les choses pour ceux qui ne maîtrisent pas le code. C'est l'un ou l'autre. Je préfère donc laisser les liens créés automatiquement.
Rédigé par : Martin Masse | 07 mai 2009 à 00h00
Excellent livre.
Rédigé par : NoName | 08 mai 2009 à 11h44
Zut, tant de génie en une personne, et presque tous l'ignorent:
Saint Martin Masse !
:-)
Plus sérieusement, super, très, hyper bon texte !
(il va me manquer de superlatif très bientôt)
Je crois que c'est le temps de songer à faire ce que tant de monde font autour du monde:
Fonder notre propre monnaie -basée sur quelque chose de réel- et qui ne perd par de sa valeur... ça presse !
Si certains sont intéressés, j'ai écrit un 'plan d'affaire' concernant un système monétaire (réseau 'libertarien') 'parfait'...
De plus en plus de libertariens américains (et autres) pensent en fonction de localités 'libertariennes'... indépendantes et prospères... qui basent leur économie sur les vrais principes d'un libre marché... donc sur de la monnaie réelle et un état minimaliste...
Rédigé par : Sébas | 09 mai 2009 à 01h03
@ David Gagnon:
Vous écrivez:
"Dans on monde idéal, on aurait un système de "free-banking". Aucune régulation et chaque banque pourrait émettre sa monnaie selon ses propres critères.
Ce système a déjà été utilisé en Écosse avec beaucoup de succès."
*
---»
Ce système a été utilisé aux États-Unis pendant une bonne part du 19e siècle et a -aussi- très bien fonctionné !
Rédigé par : Sébas | 09 mai 2009 à 01h17
L'étalon or n'est pas l'idéal...
Oui c'est 1 000 000 000 de X mieux que pas d'étalon 'pantoute'...
Par contre, les prix de l'or -ou de l'argent métal- sont facilement manipulable par des 'puissants' (pour comprendre ça, il faut connaître l'histoire 'secrète' de ceux qui produisent/possèdent la majeure partie de l'or/l'argent...)
L'idéal, c'est, AUCUN contrôle sur la monnaie... i.e. des étalons d'échange 'libres' ou une monnaie libre à 100%...
Ainsi, aucun 'puissants' pourra distortionner/manipuler/contrôler le libre marché... car celui qui contrôle la monnaie, contrôle TOUT...
*
@ Laurence Tilmant-Rousseau:
Pourquoi le système monétaire écossais 'libre' n'a pas fonctionné? Je comprends tellement les bienfaits dans le fait de suivre les principes 'purs' d'un libre marché que j'ai l'intuition que ce système ne respectait pas entièrement les principes d'un véritable libre marché...
Je me trompe ?
Rédigé par : Sébas | 09 mai 2009 à 01h32
@ pbrasseur :
Ceux qui prônent uniquement l'étalon or... ne sont pas mieux que ceux qui NE dénoncent PAS l'absence d'étalon (ou la monnaie 'Keynésienne' inventé à partir de rien)...
Toutes ces personnes ne pont pas nécessairement mauvaises ou malintentionnées ... elles sont -pour la plupart- uniquement ignorantes.
L'idéal -comme je l'ai déjà écrit-, c'est de la monnaie 100% 'libre' et les 'cies' ou civilisations qui baseront leur monnaie sur rien de concret, seront éliminées...car elles ne pourront survivre lorsque des tempêtes économiques surviendront...
Ceux qui baseront leur économie sur de l'argent réel libre ET NON MANIPULABLE (comme l'or et l'argent), survivront...
Rédigé par : Sébas | 09 mai 2009 à 01h44
@ G. Marineau
Dans mon ancien métier, j'ai eu la chance de 'tester' des centaines d'étudiants, profs, 'experts' en économie/finance et presque aucun savait comment fonctionnait notre système monétaire ou le fait que notre monnaie était basé sur RIEN de concret (à part la confiance...).
Après ça certains se demandent pourquoi notre monde ne tourne pas rond...
Franchement !
p.s.
C'est pour quand des universités libertariennes (ayant des branches sur chaque continent), qui enseignent la RÉALITÉ ?!?
Rédigé par : Sébas | 09 mai 2009 à 02h00
Je l'ai lu récemment.
Avec l'ouvrage de Turgot, "Réflexions sur la formation et la distribution des richesses" -- cf. http://fare.tunes.org/books/Turgot/refl_fdr.html --, c'est le bouquin qui m'a fait vraiment comprendre ce qu'est la monnaie, de façon claire, argumentée et illustrée d'exemples.
Un must.
Rédigé par : Franck | 11 mai 2009 à 09h36
En effet, il n'y a aucune raison de demeurer un illetré économique sur les questions monétaires... ne serait-ce que par mesure préventive!
Voilà, la complexité des questions monétaires m'a jusqu'ici rebuté, particulièrement lors de mes années d'études collégiales. Le caractère très mathématique des démonstrations ainsi que des grandes théories monétaires en classe et dans les bouquins, le jargon technique qui entoure presque toujours les questions monétaires en «Economics»...
Quoi qu'il en soit, il n'en reste pas moins que la compréhension et la connaissance de l'économie(ou encore de la science économique) me semble vraiment insuffisante au Québec. Enfin, une étudiante peut compléter un baccalauréat et n'avoir reçue que quelques rares heures de cours d'une initiation(très «générale») à l'économie pendant son école secondaire!
Et encore, ce n'est pas si mal(sarcasme). Certains et certaines décrochent de l'école bien avant leur cinquième année du secondaire!
Welsh
M.H.
2009
Rédigé par : M. Mathieu Hubert | 14 mai 2009 à 02h40