Les journalistes, politiciens et économistes illettrés économiques qui défendent les plans de relance ne connaissent rien ni de la théorie, ni de l'histoire économiques. S'ils avaient entendu parler de la courte dépression de 1920-21, ils comprendraient que les mesures qu'ils suggèrent sont non seulement inefficaces pour sortir de la crise, mais que ce sont en réalité des mesures contraires qu'il faudrait adopter.
Le président Warren Harding, qui est aujourd'hui considéré comme un insignifiant parce qu'il n'a pas réagi à la crise qui a marqué le début de son mandat de la même façon que le fasciste Roosevelt, mérite de sortir de l'oubli. (On remarquera que les plus «grands» présidents, selon la clique d'historiens étatistes qui déterminent habituellement ce genre de chose, sont toujours ceux qui ont le plus fait grossir l'État ou mené les guerres les plus destructrices.)
On ne retrouve rien en français sur le Web au sujet de ses idées et des politiques qu'il a mises en oeuvre au cours de cette période. C'est pourquoi j'ai traduit la plus grande partie d'un récent article de Thomas E. Woods Jr. publié dans The American Conservative. M. Woods est un chercheur associé à l'Institut Mises et est l'auteur notamment du récent bestseller Meltdown.
La façon Harding
Thomas E. Woods Jr.
Lorsque Barack Obama insistait sur la nécessité d'adopter son plan de relance en février dernier, il prétendait que seule une action gouvernementale décisive pourrait empêcher l'économie de sombrer dans une profonde dépression. Il ne faisait ainsi que répéter un lieu commun selon lequel les marchés ne peuvent s'auto-corriger - sauf à très long terme - et l'intervention de l'État est nécessaire pour relancer l'activité économique.
La théorie économique peut nous expliquer pourquoi ces affirmations sont incorrectes et pourquoi même l'apparence de prospérité que ces mesures interventionnistes peuvent produire entraîne en fait encore plus de dommage et mène à une correction plus sévère à long terme. Mais nous pouvons également nous fier au témoignage de l'histoire. En particulier, à la dépression de 1920-21, dont la plupart des gens n'ont jamais entendu parler. Il s'agit d'un bon exemple d'un retour à la prospérité en l'absence de plan de relance gouvernemental, et même en présence de mesures tout à fait contraires. Si les économies ne peuvent se replacer sans de tels plans de relances, alors on doit conclure que ce qui est arrivé dans ce cas n'aurait pas dû être possible. Et pourtant, cela a bel et bien eu lieu.
Pendant la Première Guerre mondiale et la période qui l'a suivie, la Réserve fédérale avait substantiellement augmenté la quantité de monnaie dans l'économie. Lorsque la Fed décida finalement de hausser le taux d'escompte - le taux auquel elle prête aux banques - l'économie ralentit et commença à se réajuster à la réalité. Vers le milieu de l'année 1920, le ralentissement avait atteint un niveau critique, la production diminuant de 21% au cours des douze mois suivants. Le nombre de chômeurs augmenta de 2,1 millions en 1920 à 4,9 millions en 1921.
À partir de 1929, Herbert Hoover et Franklin Roosevelt ont tenté de lutter contre la dépression économique en rendant la main-d'oeuvre plus coûteuse à employer. Warren G. Harding, à l'inverse, affirma dans le discours d'acceptation qu'il donna en obtenant l'investiture républicaine à la présidence: «J'ignorerais les responsabilités qui m'incombent en cette heure fatidique si je n'avertissais pas les salariés américains que des salaires de plus en plus élevés et une production déclinante ne peuvent que nous mener à la ruine industrielle et économique.» Harding expliqua dans un autre contexte que les salaires, comme les prix, devraient diminuer pour s'ajuster à la réalité économique de l'après-bulle.
Peu de présidents américains sont aussi impopulaires que Harding parmi les historiens. Il est habituellement décrit comme une andouille qui s'est retrouvé par erreur à la présidence. Et pourtant, quels que soient ses défauts intellectuels - et plusieurs chercheurs ont récemment admis qu'ils avaient été absurdement exagérés - ainsi que les faiblesses morales qui l'affligeaient, il comprenait les principes fondamentaux des bulles, des krach et de la reprise mieux que n'importe quel autre président au 20e siècle.
Harding condamna tout autant l'inflation: «Une augmentation grossière de la quantité de monnaie et de crédit ont entraîné une dépréciation du dollar de la même façon que la création monétaire et l'inflation ont discrédité les autres monnaies du monde. Nous avons gonflé la monnaie sans réfléchir, nous devons la dégonfler de manière mûrement réfléchie. Nous avons dévalué le dollar par des mesures financières irresponsables, nous devons le rétablir de façon honnête.»
Au lieu de promettre de dépenser des sommes sans précédent, il en appela à une réduction des dépenses:
Nous tenterons de procéder à une déflation intelligente et courageuse, nous mettrons un terme aux emprunts gouvernementaux qui empirent la situation, et nous nous attaquerons aux coûts élevés des mesures étatiques avec toute l'énergie et la compétence dont les républicains sont capables. Nous promettons ce soulagement qui découlera de la fin du gaspillage et de l'extravagance, ainsi que du renouveau des pratiques de frugalité publique, non seulement dans le but de diminuer le fardeau fiscal, mais aussi parce que cela constituera un exemple pour stimuler l'épargne et la prudence économique dans la vie privée.
Harding expliqua lors de son discours inaugural l'année suivante que l'économie «avait subi les chocs et secousses associés à une demande anormalement élevée, à l'inflation du crédit et à une explosion des prix». Le pays traversait maintenant l'ajustement inévitable. Aucun raccourci facile n'était possible:
Les punitions ne seront pas toutes légères, ni distribuées également. Il est impossible de faire en sorte qu'elles le soient. Il n'y a pas de passage instantané du désordre vers l'ordre. Nous devons confronter cette réalité difficile, accepter nos pertes et repartir sur une nouvelle lancée. C'est la plus vieille leçon qu'offre la civilisation. Aucun système nouveau ne permet de faire de miracle. Toute expérimentation extravagante ne fera qu'ajouter à la confusion. Notre meilleure garantie de réussite tient à l'administration efficace d'un système qui a fait ses preuves.
Harding tint parole en poursuivant les réductions budgétaires qui avaient débuté durant les derniers mois de l'administration Wilson, alors que la maladie de celui-ci l'avait rendu incapable de gouverner. Les dépenses fédérales diminuèrent de 6,3 milliards $ en 1920 à 5 milliards $ en 1921 et à 3,3 milliards $ en 1922. Entre-temps, les taux d'imposition furent réduits - à tous les niveaux de revenu. Et au cours des années 1920, la dette nationale fut réduite du tiers.
Par opposition au Japon, qui s'engagea durant les années 1920 dans une série d'interventions étatiques massives qui paralysèrent son économie et contribuèrent à une grave crise bancaire sept ans plus tard, les États-Unis permirent à leur économie de s'ajuster. En 1920-21, nota l'économiste Benjamin Anderson,
nous avons encaissé nos pertes, ajusté notre structure financière, enduré notre dépression, et en août 1921 nous avons repris la route de la croissance. La reprise de la production et de l'emploi qui s'est enclenchée en août 1921 s'appuyait sur une base solide suite à une restructuration en profondeur de nos problèmes de crédit, une réduction draconienne des coûts de production et le libre jeu de l'entreprise privée. Elle ne découlait pas de politiques gouvernementales visant à supporter les entreprises.
Tout ceci n'était pas censé survenir, ou à tout le moins pas aussi rapidement, en l'absence d'un plan de relance fiscal ou monétaire. (...)
Le lecteur a probablement remarqué que les recommandations et les décisions de Harding sont exactement à l'opposé des idées reçues qu'on retrouve dans les cercles politiques et médiatiques de nos jours. Le gouvernement doit faire quelque chose, nous dit-on. Barack Obama a déclaré que si les ralentissements économiques dégénèrent en dépressions soutenues, c'est parce que les gouvernements ne réagissent pas avec suffisamment de vigueur pour éloigner cette menace.
Ce n'est pourtant pas une coïncidence si l'économie a repris son élan relativement rapidement suite à la récession de 1920, alors que des conditions caractéristiques d'une dépression ont persisté pendant toutes les années 1930, une décennie marquée par l'activisme étatique. C'est justement parce qu'on n'a pas adopté de mesures de relance monétaires et fiscales qu'un progrès économique solide a été rendu possible.
Le concept de relance monétaire et fiscale lui-même se fonde sur un diagnostic erroné des causes de la dépression économique, ce qui mène à l'application des mauvais remèdes. Le problème ne vient pas d'un niveau de dépense inadéquat, mais plutôt du fait qu'à la suite d'une période de surchauffe provoquée par l'intervention de la banque centrale, la structure des investissements ne correspond pas à la demande des consommateurs. La récession est la période pendant laquelle on corrige ces incohérences en réallouant le capital dans des processus de production plus appropriés. Les plans de relance monétaires et fiscaux n'ont pour effet que d'entraver et de ralentir ce processus purgatoire.
Harding comprenait bien ceci, ce qui n'est pas le cas de la classe politique qui nous gouverne aujourd'hui. Le président qu'on nous apprend à détester le plus au 20e siècle a mené les États-Unis à bon port durant une période de tempête bien pire que celle que nous vivons en ce moment, simplement en laissant le libre marché faire les ajustements nécessaires. Et Harding, comme ses déclarations le prouvent, n'a pas adopté ce type de politique simplement par inertie ou parce qu'il était incapable de concevoir des approches alternatives. Ce personnage méprisé était en fait un bien meilleur économiste que la plupart des génies qui prétendent pouvoir nous instruire sur le sujet aujourd'hui. (...)
Mais, pourquoi on ne m'a jamais parlé de la dépression de 1920-1921 et de Harding dans mes cours d'Histoire? Pis j'en ai eu des cours d'Histoire dans ma vie, autant au secondaire qu'au Cégep.
Rédigé par : Jean-Luc Proulx | 03 mai 2009 à 19h25
Voilà, dans les propres mots à M. Woods!
http://www.youtube.com/watch?v=czcUmnsprQI
Rédigé par : FrancisD | 03 mai 2009 à 20h02
On m'avait dit dans mes cours d'histoire au secondaire, au Cégep et à l'université que l'on n'était rien avant l'arrivée de Roosevelt, le non-interventionnisme d'Hoover (on ne parle jamais du protectionnisme...) ayant aggravé la crise économique née en 1929.
On apprend que Roosevelt avait mis en place des institutions pour empêcher toutes dérives du capitalisme sauvage.
Étonnamment, on me dit que depuis 30 ans, même le très PLQiste Alain Dubuc sur toutes les tribunes, les néo-libéraux qui ont été au pouvoir (lesquels?) ont fait disparaître toutes les institutions de régulation par le gouvernement américain créées sous Roosevelt et que c'est là la cause de la crise actuelle.
Mais, même en cherchant minimalement, ils me semblent que la plupart des institutions de Roosevelt existent toujours ! http://fr.wikipedia.org/wiki/Franklin_Delano_Roosevelt#Pr.C3.A9sidence_.281933-1945.29
Mes professeurs d'université m'ont dit que W. Bush est un néo-libéral à la Hoover. Pourtant, il a voté un bailout monstrueux comme Roosevelt et, oui comme Hoover, sous sa gouverne, il a mis en place des mesures protectionnistes, notamment avec le Canada, pour réduire les importations étrangères avec des taxes spéciales sur certains produits. (C'est loin d'être libéral et d'être pro-libre-échange ça aussi...)
Ce qui me terrorise, c'est que mes enfants puissent se faire dire en classe ces mêmes idées reçues et non-fondées. Et ils vont prendre leur père pour un fou puisqu'il ose remettre en question les Saints Enseignements de Notre Institution Bienfaisante: l'État.
Et pourtant, ce sera cautionné comme étant ça l'Histoire de ce qui s'est passé. C'est tout simplement une mémoire pourtant...
Ça deviendra incontestable, simplement parce qu'on aura convaincu la majorité que c'est ça la Vérité...
Rédigé par : Mathieu | 03 mai 2009 à 22h34
Si ce n'est pas un complot étatiste keynésien alors c'est un phénomène d'ordre spontané produit par l'interaction entre les diverses forces interventionnistes et étatiques.
On peu voir en cela un paradox. En effet, les étatistes nient la puissance de l'ordre spontané justifiant ainsi toutes sortes d'interventions économiques et sociales.
Rédigé par : NoName | 04 mai 2009 à 00h07
Merci pour cette traduction utile. La crise de 20-21 n'existe pas dans les manuels scolaires parceque les solutions retenues ont (trop) bien marché..
Effectivement au lycée en France, il y a un surhomme Roosevelt qui a effectué une lutte déterminée contre la crise de 29. Ca allait marcher tout ou tard, si si forcement, mais la seconde mondiale est arrivée avant.
C'est tout de même assez déprimant. Beaucoup d'idées libérales sur la monnaie, le crédit et les crises existent depuis plus d'une cinquantaine d'année. Et ces idées ne sont pas pratiquement diffusées.
Rédigé par : Le libéralisme pour les débutants | 04 mai 2009 à 07h27
"(On remarquera que les plus «grands» présidents, selon la clique d'historiens étatistes qui déterminent habituellement ce genre de chose, sont toujours ceux qui ont le plus fait grossir l'État ou mené les guerres les plus destructrices.) "
Étant donné que Roosevelt a fait énormément grossir l'état et a présidé à la guerre la plus destructrice du monde avec l'arme la plus destructrice, pas étonnant que Roosevelt soit présenté comme étant le "plus grand" président de l'histoire.
Rédigé par : Justin Bertrand | 04 mai 2009 à 08h45
Si je comprend bien, à la lumière des commentaires sur ce blogue, l'école n'enseigne pas de manière objective la science économique.
L'école ne fait que diffuser de la propagande gauchiste et socialiste. Ce n'est pas de l'enseignement, c'est de l'endoctrinement.
Rédigé par : Justin Bertrand | 04 mai 2009 à 12h55
On déteste ce président parce qu'il n'a pas de "coeur", il n'aide pas les pauvres. D'après les gauchistes, on paie des taxes pour "aider les pauvres".
Pourtant, en "n'aidant pas" les pauvres, il a contribué à relancer l'économie et les pauvres ont pu s'aider eux-mêmes très rapidement.
S'il y a un président qui a énormément causé de tort aux pauvres, c'est bien F.D.Roosevelt.
Rédigé par : Justin Bertrand | 04 mai 2009 à 14h49
Je crois que la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, par rapport au système d'éducation complètement corrompu où on y enseigne exactement le contraire de la vérité sans même présenter des théories alternatives, est un des effets pervers de la démocratie. Je ne vois pas d'autre explication pourquoi nous avons pu aboutir dans cette situation.
Rédigé par : D | 04 mai 2009 à 17h19
Harding manquait de « coeur », semble-t-il...
Ça me rappelle un « débat » présenté il y a quelques années à l'émission « Il va y avoir du sport ! », à la très socialiste Télé-Québec.
Après le « débat », un hurluberlu très mielleux présent dans l'assistance avait reproché à Martin Masse de « manquer de coeur » ... Avant de saluer la grande « compassion » dont faisait preuve Françoise David dans son pénible blabla...
Ce genre de crétinisme, où des qualités de « coeur » sont associées à des opinions platement socialistes, voire même communistes, est malheureusement très répandu.
Aux USA, c'est le « New Deal » qui est considéré comme un sommet de compassion... Ici, c'est notre soi-disant « révolution tranquille »... Dans un autre registre, de jeunes crétins continuent de célébrer les qualités de « coeur » de Guevara, cet excellent fusilleur.
P.S. Vous savez la meilleure ? Dans son livre intitulé « Les démons du capitalisme », l'impayable Alain Dubuc a inclus un chapitre intitulé... le triomphe de Keynes ! Sacré Dubuc ! Quant il s'agit de recracher du prêt-à-penser, on peut compter sur lui !
Rédigé par : B. Vallée | 06 mai 2009 à 21h04