par Martin Masse
Jesús Huerta de Soto, qui enseigne aux universités Complutense et Juan Carlos à Madrid, est l'un des économistes les plus dynamiques de l'école autrichienne. Même si son influence se fait particulièrement sentir dans le monde hispanophone, il écrit également en anglais.
L'année dernière, il a publié un excellent petit livre d'introduction à la théorie autrichienne intitulé The Austrian School. Market Order and Entrepreneurial Creativity. En moins de 130 pages (incluant la bibliographie et l'index), il fait un tour d'horizon des principaux enseignements de cette école.
Dans l'introduction, il présente tout d'abord les principes essentiels qui distinguent l'approche autrichienne de celle des économistes néoclassiques qui dominent la discipline: le subjectivisme autrichien versus l'objectivisme néoclassique, l'entrepreneur autrichien versus l'homo economicus néoclassique, le processus de coordination autrichien versus les modèles d'équilibre néoclassiques, le formalisme verbal autrichien versus le formalisme mathématique néoclassique, etc. Cette introduction correspond en fait presque mot pour mot à un article de l'auteur publié il y a une décennie, que j'avais traduit et publié dans le QL en 2000.
Puis, il consacre une série de chapitres à des thèmes particuliers en les rattachant à quelques-uns des grands penseurs de la tradition autrichienne, tout en y intégrant une foule d'information sur l'histoire de la pensée économique et celle de l'école autrichienne: Böhm-Bawerk et la théorie du capital, Mises et la conception dynamique du marché, Hayek et l'ordre spontanée, etc.
Je l'ai répété à plusieurs reprises sur ce site: à mon avis, les seuls véritables économistes sont ceux qui se rattachent à l'école autrichienne. Les autres sont presque tous des illettrés économiques qui pensent que l'argent pousse dans les arbres et qui s'amusent à manipuler des modèles mathématiques sans aucune pertinence. En fait, l'économie autrichienne est la science économique, point à la ligne. Dans la mesure où elles s'écartent du noyau autrichien, les autres théories ne sont que des superstitions et du charlatanisme à divers degrés et sont appelées à disparaître dans le trou noir des fausses croyances, tout comme l'alchimie et l'astrologie.
M. Huerta de Soto partage ce point de vue et écrit avec raison que «l'approche néoclassique n'est qu'un cas spécifique, d'importance relativement minime, à l'intérieur de la conception autrichienne, qui est beaucoup plus générale, riche et explique mieux le monde réel» (p. 9, ma traduction).
Il n'y a malheureusement pas encore de manuel d'introduction à l'économie autrichienne disponible en français. Pour ceux qui lisent l'anglais, ce bouquin va vous fournir les bases de la façon autrichienne de voir le monde et vous éclairer davantage sur la logique économique qu'un diplôme dans les institutions d'endoctrinement à l'interventionnisme étatique que sont nos universités.
Pour ceux qui veulent approfondir un aspect crucial de la théorie autrichienne en cette période de crise économique, M. Huerta de Soto a aussi publié quelques années auparavant une brique (876 pages) sur la monnaie, le crédit et les cycles économiques. André Dorais en avait fait une recension dans le QL lors de sa sortie.
Si je lis ce bouquin au lieu de Man, Economy and State, de Rothbard (que je n'aurai jamais le temps de lire), croyez-vous qu'il va toujours me manquer plusieurs «insight» fondamentales pour comprendre et débattre de la situation économique actuelle?
Rédigé par : Eric | 07 juin 2009 à 15h01
@ Eric,
Le petit livre est une introduction à l'école autrichienne qui touche différents aspects méthodologiques et théoriques. Quelques pages (dans le chapitre sur Hayek) discutent de la théorie autrichienne des cycles mais ça ne va évidemment pas vous donner une explication détaillée de la théorie et de ses applications à la crise actuelle. Si vous n'avez pas le temps de lire les briques, d'autres livres sont plus appropriés pour cela, comme le livre de Thomas Woods, Meltdown ( http://www.lewrockwell.com/woods/woods-meltdown.html ).
Rédigé par : Martin Masse | 07 juin 2009 à 15h09
Une source de revenus pour le QL pourrait être la publication de traduction, vous avez dû y penser, est-ce envisageable ?
Bien que je comprenne assez l'anglais écrit, c'est le genre d'ouvrages que je n'achèterais qu'en français, ne serait-ce que pour pouvoir les prêter à d'autres et leur ouvrir les yeux.
Rédigé par : Johnny | 07 juin 2009 à 15h59
@ Johnny,
J'ai traduit quelques livres à contrat ces dernières années pour une maison d'édition, je connais donc assez bien le milieu.
Malheureusement, ce n'est pas une source réaliste de revenus pour nous. Les traductions coûtent très cher. Les seuls livres qui sont traduits sont les best-sellers qui peuvent être rentables, les livres distribués par des organismes publics ou privés prêts à payer la traduction parce que ça fait partie de leur mandat, ou bien les oeuvres de littérature dont la traduction est subventionnée par des programmes du gouvernement.
À moins qu'une organisation lèvent des fonds pour faire traduire des livres libertariens (comme cela a été le cas lorsque j'ai traduit le livre de Johan Norberg sur la mondialisation publié par l'IEDM), ou qu'il y ait soudainement un important marché en français pour ces livres, ce n'est pas quelque chose que nous pourrions développer avec profit. Ça prend plusieurs mois pour traduire un livre de bonne taille et je ne peux pas faire ça bénévolement ou presque en plus de tout le reste.
Rédigé par : Martin Masse | 07 juin 2009 à 16h36
Je viens de finir "Meltdown". Je le recommande à quiconque veut vraiment comprendre ce qui se passe. Un autre excellent livre pour les débutants est "Economics in one lesson" de Henry Hazlitt.
Rédigé par : Philippe David | 08 juin 2009 à 20h45
Je viens de commander le bouquin de de Soto.
Dans le meme style, les apports de l'ecole autrichienne a l'economie de T. Aimar, est tres bien aussi.
Rédigé par : Stan Selene | 08 juin 2009 à 21h31
'tite question: quand les libertariens s'en prennent au système de réserves fractionnaires des banques, je comprends qu'ils s'en prennent, fondamentalement, aux garanties gouvernementales des dépôts.
Parce que si on déchire sa chemise sur le système de réserves fractionnaires, c'est qu'on souhaite une réglementation qui oblige les banques à garder un pourcentage des dépôts. Ce qui est, vous l'admettrez, un peu gênant pour un libertarien.
Pourquoi alors taper constamment sur les réserves fractionnaires au lieu de taper sur la garantie étatique?
Rédigé par : Don | 09 juin 2009 à 11h53
"Parce que si on déchire sa chemise sur le système de réserves fractionnaires, c'est qu'on souhaite une réglementation qui oblige les banques à garder un pourcentage des dépôts"
-dixit don
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Je -comme tant d'autres libertariens- souhaite la libéralisation COMPLÈTE de la monnaie. Donc AUCUN contrôle ou intervention étatique, que ça soit -en aval- par une garantie étatique (de nos épargnes) ou -en amont-, par un contrôle étatique des étalons d'échanges que le peuple utilisent, soit ce que nous appelons aujourd'hui, de la monnaie légale (ou "legal tender", en anglais).
Dans 'mon' monde libertarien idéal(qui a déjà existé, soit dit en passant!), les irrationnels qui voudront transiger avec des banques 'fractionnaires', pourront continuer de le faire, MAIS SANS GARANTIE ÉTATIQUE (de leurs épargnes) SI LEUR BANQUE FAIT FAILLITE. Ils vont apprendre 'the hard way' que dans un marché/pays où la monnaie est réellement libre (de A à Z), ce que signifie -dans toute son ampleur- la fraude de la réserve fractionnaire.
;-)
Les 'rationnels' (pour l'instant, c'est pas mal uniquement les libertariens qui comprennent l'arnaque de la réserve fractionnaire, qui restent rationnels), feront affaire avec des institutions HONNÊTES (qui baseront donc TOUS leurs prêts, sur de l'épargne réelle ---» 100% de 'réserves')
Quand l'état enlève ses sales pattes (totalitaires et anti libre-marché) et cesse de réglementer tout ce qui entoure la monnaie et les institutions bancaires, le système fonctionne à merveilles.
Donc, bye bye LOI SUR LES BANQUES qui 'autorise' la 'monnaie fractionnaire' (ou plutôt, oblige tout le monde à fonctionner dans un système irrationnel et basé sur de l'argent fictif ET criminalise tout système honnête basé sur du réel) et pas besoin d'État nounou pour protéger notre capital et bonjour libre marché.
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Nous vivons actuellement dans un système qui nous OBLIGE à subir la contrefaçon à grande échelle et donc inévitablement le résultat de cette fraude: des crises qui dépossèdent le 'peuple' de tous ses avoirs/épargnes.
Rédigé par : Sébas | 09 juin 2009 à 12h55
Si demain matin, l'état enlève ses sales pattes de nos étalons d'échanges (ce que nous appelons argent ou monnaie), voici la sorte de banque (PAS à charte étatique, celle là!!!) et monnaie que j'inventerais:
Une banque qui annonce fièrement que TOUT son argent est 100% appuyé sur du réel. Ça pourrait même devenir l'argument de vente face aux banques qui basent leur monnaie sur de l'air (i.e. 'réserve fractionnaire')...
L'argent de cette banque serait basé sur le principe contraire de celui que nous utilisons actuellement:
Toutes les 'grosses coupures' seraient en métal, et la 'petite monnaie' serait sur du papier. Ça fonctionnerait -à peu près- comme suit:
1000 $ (*) (actuellement en papier) = une once d'or sous forme d'une pièce que la banque ferait faire.
500 $ (*) = une pièce contenant 1 once de platine
20$ (*) = une pièce contenant 1 once d'argent (métal)
5 $ (*) = une pièce contenant une once de cuivre
1$ (*) = une pièce contenant une once d'aluminium
50 cents = une pièce contenant 'chépastropquoi' qui vaut à peu près ça actuellement...
25 cents = un bout de papier avec de l'encre où '25 cents' serait imprimé dessus.
10 cents = un bout de papier avec de l'encre où '10 cents' serait imprimé dessus.
(*) En réalité, le prix des métaux utilisés monteraient énormément (la rareté faisant monter leur prix exponentiellement), donc la quantité de métaux utilisée dans ce système serait finalement très minime...
Rédigé par : Sébas | 09 juin 2009 à 14h27
p.s.
Dans 'mon' monde libertarien idéal, la contrefaçon ('légale' ou 'illégale') des étalons d'échange serait quasi absente (si une contrôle continu de la qualité/quantité des métaux existe, bien sûr).
Et pour faire plaisir aux 'progressistes' de ce monde: je baptise 'mon' argent, de 'l'argent éthique'...
Rédigé par : Sébas | 09 juin 2009 à 15h09
Je recommande vivement son ouvrage money, bank credit and economic cycle.
C'est effectivement un pavé, mais c'est extrêmement pédagogique et ça balaie toutes les aspects (y compris les comparaisons avec l'école Keynésienne ou monétariste.)
Et c'est finalement plus 'productif' de lire simplement cet ouvrage que de lire la dizaine d'ouvrages majeurs écrit à ce sujet par les différents grands noms de l'école autrichienne.
Rédigé par : Le libéralisme pour les débutants | 09 juin 2009 à 17h48
D'un autre coté, il faut qu'un état, même un état minimal (police, defence,... bref ce qui garantit notre liberté et notre droit à la propriété), a besoin de financement.
Taxe de vente, impôt sur le revenu, inflation... ce sont tous des moyens de financement de l'état.
Personnellement je serai plutôt d'avis de conserver une monnaie étatique car il y a quand même des avantages concrets à voir un moyen d'échange commun a tous. Par contre j'arrêterai l'hypocrisie. L'état devrait reconnaître l'inflation comme moyen unique de financement de l'état et abolir toutes les autres formes de prélèvement.
Le gouvernement a besoin de 300 millions cette année pour payer le fonctionnement = on ne prélève aucune taxe mais on imprime directement 300 millions. Les gens épargneraient en achetant des placements liés à des actifs solides au lieu d'avoir directement des fonds.
Évidement ca implique une discipline au niveau du gouvernement (impossible ?) pour fonctionner et ca demande un gouvernement très petit pour que l'inflation ne soit pas complètement démesurée.
Rédigé par : Louis | 10 juin 2009 à 12h48
Louis,
ton idée est celle des créditistes et -dans une certaine mesure –celle de Kennedy (avec son "Fed exective order 11110" qui permet -encore aujourd'hui- à l'état d'émettre de la monnaie 100% 'backée' par de l'argent métal... ce qui permet donc de 'by-passer' les intérêts frauduleux de la FEDERAL RESERVE INC. et rend cette institution hybride (mi-privée, mi-publique) caduque !
L'idée de Kennedy était meilleure que celle des créditistes (monnaie basée sur rien de concret) car la création monétaire -et l'inflation- auraient été limitées par la quantité d'argent métal disponible.
Mais si c'était le fait de laisser à l'état le contrôle absolu sur l'argent qui était à la racine des taxes et impôts ?
D'ailleurs, avec la loi de 1913 qui OBLIGEAIT l'état à se financer avec le principe de l'argent fractionnaire (de la FED), apparaissait l'impôt sur le revenu.
L'état minimaliste dont tu rêves (et moi aussi !), ne peut être garantie -à long terme- qui si l'état N’A PAS le contrôle ABSOLU de la monnaie. C'est trop un gros pouvoir pour être laissé entre les mains de fonctionnaires…
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Si le contrôle de l'argent est entre les mains de l'état, c'est l'état (ET LES FONCTIONNAIRES) qui a le pouvoir sur nos vies.
Si le contrôle de l'argent est entre les mains de l'état et d'un cartel de banque soi-disant privées, c'est l'état et ces quelques banques qui contrôle le pouvoir (et nos vies).
Si le contrôle de l'argent est 100% entre les mains du 'peuple', c'est le peuple qui a le pouvoir.
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C'est seulement lorsque la monnaie est 'libertarienne' que les gens peuvent vivre leur libertariannisme
Rédigé par : Sébas | 16 juin 2009 à 04h04