par Martin Masse
Depuis mon séjour d'une année à Gand il y a vingt ans, j'ai toujours gardé un lien avec le monde néerlandophone, c'est-à-dire les Pays-Bas et la Flandre. Je ressens une forte attraction autant esthétique qu'intellectuelle envers ces sociétés, leur histoire, leur culture, leur art et leur architecture, leur environnement physique.
Ce n'est pas le cas pour le Japon, où j'ai également séjourné une année en 1986-87 alors que je suivais un programme d'Études est-asiatique à l'Université McGill. C'est surtout le Japon traditionnel, avec son esthétique sublimement raffinée, qui m'a vraiment touché, mais il n'en survit plus dans le Japon moderne que quelques restes architecturaux et une culture très largement diluée et ignorée par les Japonais eux-mêmes. Malgré des échanges chaleureux avec la famille où j'habitais et avec mes étudiants ainsi qu'une expérience intéressante sur le plan «anthropologique» (en réaction à ce que je pouvais observer, j'y ai notamment découvert ce que signifiait penser comme un Occidental individualiste), je me suis surtout ennuyé au Japon.
Au contraire, j'étais parfaitement dans mon élément en Flandre et j'aurais pu y demeurer des années. On peut encore tout à fait sentir la ville bourgeoise du 13e siècle en se promenant à Bruges ou à Gand (les centres les plus dynamiques de l'Europe à l'époque, avec les villes du nord de l'Italie), ou celle du Siècle d'or (17e), la première société vraiment prospère et moderne en Occident, dans la plupart des villes hollandaises. Et alors que les bâtiments de l'après-guerre au Japon sont presque tous laids et banals, ceux qu'on retrouve aux Pays-Bas (à Rotterdam par exemple, ville presque entièrement reconstruite après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale) surprennent souvent par leurs formes et leurs couleurs hors de l'ordinaire.
(Il y a un mois, lorsque je suis allé faire un tour à New York pendant une fin de semaine pour visiter mon ami, le Jésuite libertarien Jim Sadowsky, j'en ai profité pour aller revoir l'époustouflant tableau La laitière de mon peintre préféré, Jan Vermeer, que j'avais vu au Rijksmuseum d'Amsterdam à l'époque. Le Metropolitan Museum a organisé une exposition autour de la fameuse toile à l'occasion du 400e anniversaire des voyages d'exploration d'Henry Hudson pour le compte de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales dans ce qui est plus tard devenu l'État de New York. J'ai d'ailleurs derrière moi, dans mon bureau, de belles reproductions en broderie de La Laitière et de La vue de Delft, achetées pour une bouchée de pain chez un brocanteur d'Hochelaga-Maisonneuve il y a des années - cliquez sur la photo ci-haut pour l'agrandir)
L'une des choses que j'appréciais le plus pendant mon séjour et dans les années qui ont suivi, surtout aux Pays-Bas, est la qualité des journaux qui y sont publiés. Le pays compte plusieurs quotidiens nationaux qui offrent une couverture extrêmement large et variée de ce qui se passe dans le monde (par comparaison avec le provincialisme des quotidiens québécois), sous des angles qui m'ont toujours paru très originaux. Les débats me semblaient aussi plus pertinents que les nôtres, avec un pluralisme idéologique plus assumé, même si les élites intellectuelles néerlandaises sont comme partout ailleurs très majoritairement de gauche et qu'on y vénérait jusqu'à récemment un soi-disant «consensus» autour d'un modèle typiquement néerlandais. (L'explosion populiste de mécontentement menée par des figures politiques telles que Pim Fortuyn et plus récemment Geert Wilders a d'ailleurs fait éclater ce pseudo consensus ces dernières années.)
Mon quotidien préféré, le NRC Handelsblad de Rotterdam, m'a procuré au fil des ans des découvertes et des expériences intellectuelles et esthétiques mémorables. La qualité de la mise en page et les immenses photos qu'il contenait rendait la lecture particulièrement plaisante. J'ai longtemps été abonné à la l'édition hebdomadaire pour l'étranger (le nombre élevé d'expatriés néerlandais justifie en effet une telle édition).
Cette longue introduction personnelle pour dire que s'il y a un endroit dans le monde où j'aurais pensé que l'histoire du Climategate aurait été couverte objectivement et de manière factuelle, c'est bien aux Pays-Bas. Mais ça ne semble pas être le cas. La pression en faveur de la pensée unique réchauffiste a même eu raison de la légendaire tolérance néerlandaise. Il y a quelques jours, sous le titre, «Climategate: Le journalisme néerlandais est mort», un blogueur des Pays-Bas écrivait ceci:
Oui, la conclusion selon laquelle le journalisme néerlandais est raide mort est justifiée. Il se déroule en ce moment un scandale qui pourrait bien avoir les proportions d'un Watergate scientifique. Et les médias n'y consacrent pratiquement aucune attention. Ni sur le télétexte [les nouvelles écrites au bas de l'écran], ni dans le téléjournal. Rien de bien en vue dans les premières pages des journaux. Aucun mention à Nova et 1Vandaag [des émissions d'affaires publiques]. Tout au plus un entrefilet dans quelques journaux à la page 5. Elsevier [un magazine d'actualité] s'est penché un peu sur la question et le Telegraaf [un quotidien national] a publié une chronique, mais c'est à peu près tout.
Cette histoire est pourtant beaucoup plus importante que ce que la presse néerlandaise laisse entendre. Aux États-Unis, le Sénat prépare une enquête. La BBC a diffusé plusieurs nouvelles sur le sujet. L'Internet en est rempli. Des personnes directement impliquées pourraient perdre leur emploi. Et ce n'est que le début. Malgré cela, on fait tout pour essayer d'étouffer cette histoire aux Pays-Bas. (Ma traduction)
Un autre blogueur écrit, dans «Le silence est assourdissant»:
Bien plus grave que la nouvelle selon laquelle la recherche sur la climat à l'Université d'East Anglia a été manipulée et qu'on a tenté de faire taire des opposants, est le fait que les médias ne publient aucune nouvelle sur ce scandale. Des visites régulières sur les sites Web des quotidiens néerlandais au cours de la dernière semaine indiquent que seuls quelques-uns lui ont consacré une attention très sommaire.
Des entrefilets dans les sections «vertes» des sites du Volkskrant et de Trouw, un article visant à minimiser l'affaire dans DePers, une nouvelle similaire sur le site de NRC Handelsblad, et pour le reste ce n'est qu'un silence assourdissant dans nos médias nationaux.
Sous la nouvelle sur le site NRC.nl, le lecteur verra même un encadré avec le texte suivant: «Vous trouverez aujourd'hui dans NRC Handelsblad un reportage de notre correspondant Michel Krielaars sur le permafrost qui fond en Russie». Ceux qui pourraient avoir des doutes suite au Climategate doivent donc d'abord et avant tout continuer à lire ce journal. (Ma traduction)
À l'heure où les blocs menant à la formation d'un gouvernement mondial se mettent tranquillement en place, notamment grâce à l'impulsion donnée par la fabrication de pseudo crises d'une ampleur planétaire, je suppose qu'on ne devrait pas se surprendre que la lâcheté et l'incompétence des journalistes se manifestent dans toutes les sociétés et que la désinformation atteignent aussi des proportions planétaires. Dommage que ça vienne gâcher un peu mon image idéalisée des Pays-Bas.
Dans la catégorie "Désinformation"
http://environnement.ca.msn.com/vie-en-vert/article.aspx?cp-documentid=22739392
Rédigé par : Alexandre Burgess | 01 décembre 2009 à 16h32
Comme toujours: excellent texte (j'espère que tu n'es pas tannée ne lire ça...)
Petite question philosophique:
Qu'est-ce qu'Épicure dirait/ferait aujourd'hui ?
;-)
p.s.
Qui va faire un "rapport" de la rencontre du 28 ?
Rédigé par : Sébas | 01 décembre 2009 à 19h23
@ Sébas,
"Qu'est-ce qu'Épicure dirait/ferait aujourd'hui ?"
Aucune idée!
"Qui va faire un "rapport" de la rencontre du 28 ?"
Je ferai probablement un compte-rendu demain avec la vidéo de ma présentation.
Rédigé par : Martin Masse | 01 décembre 2009 à 21h21
Ironiquement, j'ai le même modèle de PC que vous, M. Masse!
Étant moi-même de lointains ancêtres Normands (donc des Vikings Francisés) comme la grande majorité des francophones établis en Amérique du Nord, j'ai beaucoup en commun avec les Néerlandais et Flamands, car les deux cultures viennent en faire de la relative même base commune. Par contre, bien que le libertarisme social soit bien présent dans les pays Néerlandophones celui de la liberté économique l'est bien moins ce ce que j'ai vu dans ces pays malgré que les partis ''libéraux'' (du sens Européen) ont une bonne base avec des idées économiques dont je trouve franchement parfois intéressantes.
Pour le Japon, j'ai voyagé un peu dans ce pays, sauf qu'une chose qui m'a grandement frappé est que comparé à certains pays d'Asie (comme la Corée du Sud, la Chine, Taiwan), les gens que j'ai rencontré à mon avis semblent peu ouverts, du moins verbalement. Paraît-il que les langues étrangères parlées au Japon (à l'écrit ça semble mieux) sont très mal et très peu enseignées ce qui fait que même un personne relativement scolarisée et souvent dans un milieu urbain n'a pas le même niveau d'ESL qu'en Corée ou même en Chine au dire d'ami qui a enseigné le ESL au Japon et en Corée.
Soit dit, les Japonais sont probablement les plus cyniques au monde face à la politique quotidienne, car beaucoup ne connaissent même pas le nom de leur premier ministre ou de leur député! Par contre, dans le monde Néerlandais et aussi germanique, les gens doit j'ai rencontré étaient très ouverts aux idées politiques et avaient un très grand respect aux idées d'autrui.
Rédigé par : Mathieu NV | 02 décembre 2009 à 00h01
@ "Aucune idée!"
Je ne te crois pas !
;-)
***
En tout cas, j'ai hâte de t'endendre à propos du 28...
Et question à Jeff Plante et Richard Décarie: qu'attendez-vous ?
Et eux aussi ont hâte... j'imagine... ;-)
http://reactionismwatch.wordpress.com/2009/11/27/la-reaction-sorganise-au-cegep-de-maisonneuve/
Rédigé par : Sébas | 02 décembre 2009 à 11h38
Tiens la CBC (Rex Murphy) et le Globe en parlent maintenant. Peut-on croire que c'est juste de la lenteur journalistique?
Rédigé par : Bastiat79 | 07 décembre 2009 à 00h09
Je pense que Copenhague va faire voler en éclats ce prétendu consensus qui n'existe pas: les pays comme la France, ou les provinces comme le Québec, qui ont intérêt à voir la mise en place d'une bourse du carbone afin de financer le développement de leur propre grande industrie (nucléaire ou hydro-électrique), grace à la revente de crédits-carbones, vont pousser dans un sens, et tous les autres vont pousser dans la direction opposée. Ça va casser, les intérêts sont trop divergents.
Rédigé par : Pierre-Yves | 07 décembre 2009 à 14h20
Avez vous vu la merde qu'ils ont osé présenter à l'ouverture du sommet de Copenhague?
http://www.youtube.com/watch?v=NVGGgncVq-4
Rédigé par : Pierre-Yves | 07 décembre 2009 à 14h27