par Pierre-Guy Veer
Quand on entend parler de mondialisation de nos jours, il est rare que ce soit dans une phrase positive. Notre intelligentsia nous parle constamment de ses méfaits et des morts qu'elle causerait. Toutefois, elle tait honteusement les méfaits du socialisme, nettement plus nombreux que ceux du capitalisme. L'Inde en est un exemple poignant.
Lors de son indépendance en 1947, le pays a préféré l'«autosuffisance», et donc le socialisme, au commerce international. Les mesures de planification de l'économie qui ont été adoptées ont permis une croissance moyenne annuelle de 3,5% du PNB. Comme l'a déjà dit Winston Churchill: «Le socialisme est le partage équitable de la pauvreté».
En comparaison, les tigres asiatiques (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong-Kong), qui ont préféré se tourner vers le commerce international, ont connu une augmentation moyenne de leur PNB de 7 à 8%. Les mini-tigres de l'Asie du Sud-est (Thaïlande, Viêt-Nam et Indonésie) ont adopté des politiques similaires avec des résultats similaires. Malgré l'échec de leurs politiques et la baisse fulgurante de la part de l'Inde dans le commerce international, les autorités en place ont continué de se complaire dans le socialisme.
C'est suite à la chute de l'URSS, et au succès relatif de la libéralisation économique en Chine, que le gouvernement indien a décidé d'abandonner l'autosuffisance pour se tourner vers l'ouverture au commerce. Les réformes ont été très lentes (à partir des années 1980), mais elles ont porté leurs fruits dans les années 2000. Entre 2003 et 2008, l'Inde connaissait à son tour une croissance de son PNB de l'ordre de 7 à 9% par année.
Quel a été l'impact des mesures socialistes sur l'Inde? L'Institut CATO s'est récemment penché sur la question. En supposant que l'Inde ait effectué ses réformes économiques dès les années 1970 plutôt que dans les années 1980 - et donc, que la croissance du PNB par habitant ait été de 2,89% et non de 1,41% pendant cette période -, le PNB par habitant aurait été de 1089$ et non de 579$ en 2008 (année de référence: 1999).
L'augmentation du PNB aurait aussi eu un impact sur le taux d'alphabétisation. On a calculé que l'élasticité du niveau d'alphabétisation, par rapport au PNB, était de 0,56 entre 1971 et 2008. En adoptant le scénario de croissance accélérée, on estime que 261 millions de personnes de plus auraient été alphabétisées; cela aurait représenté un taux d'alphabétisation de presque 100%!
Enfin, une libéralisation précoce des frontières indiennes aurait aussi eu un effet positif sur la pauvreté. Entre 1971 et 2008, on estime l'élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance du GNP à -0,68. En supposant une croissance plus rapide, on estime qu'il y aurait 109 millions de gens de moins sous le seuil de la pauvreté.
En conclusion, la prochaine fois qu'un militant antimondialisation (ce que représente leur «alternative») vous dira qu'il lutte contre la pauvreté, posez-vous de sérieuses questions. En s'opposant à l'ouverture des frontières au commerce, ne reprend-il pas simplement les positions de lobbies protectionnistes qui, eux, ne défendent que leurs membres?
''En conclusion, la prochaine fois qu'un militant antimondialisation (ce que représente leur «alternative»)''
Vous savez étant dans le domaine du développement international, les altermondialistes sont pour la plupart soit des étatistes démagogiques blâmant l'entreprise privée tout en valorisant l'état ou bien des néo-marxistes qui se sont recyclé lorsque le mur est tombé.
En fait, mis à part ceux qui prônent un état hyper-interventionniste, les solutions des alter-mondialistes sont souvent floues. Je déteste les pseudo-théories qui font appel aux sentiments au lieu qu'aux faits.
Rédigé par : Mathieu NV | 19 janvier 2010 à 19h16
La société indienne me fascine en ce sens qu'on y retrouve les racines de tant de bibittes occidentales... de la hiérarchie sociale hyper-complexe au besoin pathologique de déguiser les rapports de domination qui en découlent sous le vernis de justifications spirituelles toutes plus tordues les unes que les autres. Vous traversez l'Himalaya, vers la Chine, et vous retrouvez une organisation sociale ou les choses sont claires: j'ai le gros bout du bâton, je commande, tu obéis; c'est logique. Par contre en Inde, comme en Europe et de plus en plus en Amérique, il importe de se donner bonne conscience, de justifier ses privilèges aussi absurdes soient-ils par l'opération d'une cosmogonie à la mords-moi-le-noeud.
Autant je trouve cela facile de communiquer avec la plupart des Indiens, autant sur le plan éthique cette société me parait aussi hypocrite que la nôtre. Je me demande au fond si la culture chinoise est soluble dans le socialisme, ce qui expliquerait peut-être que le parti ne puisse s'y maintenir au pouvoir que par l'ultra-violence, au contraire de la culture indienne qui elle s'y moule parfaitement. Le confucianisme et le collectivisme sont à mon avis incompatibles.
Rédigé par : Pierre-Yves | 19 janvier 2010 à 19h42
à Pierre-Yves
« Le confucianisme et le collectivisme sont à mon avis incompatibles. »
Voilà une phrase intriguante. Pourriez-vous élaborer ? On parlait récemment de la philosophie individualiste (au sens positif) d'Épicure. Je connais peu la pensée chinoise. Y aurait-il des liens à faire entre la pensée d'Épicure et celle de Confucius, en opposition au totalitarisme à saveur élitiste de Platon ?
Rédigé par : B. Vallée | 21 janvier 2010 à 18h20
Et tant qu'à y être pourquoi ne pas mesurer le revenu par habitant du Quobec sans le national-syndicosocialisme....
Rédigé par : Louisl | 21 janvier 2010 à 22h16
B.Vallée:
' Y aurait-il des liens à faire entre la pensée d'Épicure et celle de Confucius, en opposition au totalitarisme à saveur élitiste de Platon ?'
Pour vous dire franchement, je suis ignare en matiére de philosophie; a l'époque ou j'ai abordé le sujet, Emmanuel Kant était au programme du Bac et cela m'a dégouté de l'affaire pour longtemps.
Cependant, oui je percois le Confucianisme comme une philosophie individualiste, et hédoniste - visant le bien-être de l'individu dans un contexte assumé comme non-parfait.
Et donc je formule en effet l'hypothese que la brutalité du collectivisme chinois est une conséquence de l'aversion naturelle de la culture traditionnelle de l'empire du mileu pour les solutions collectivistes; le Chinois de base est avant tout un etre rationnel.
Rédigé par : Pierre-Yves | 21 janvier 2010 à 23h44
@B. Vallée et Pierre-Yves
Voici un article de Murray Rothbard sur la philosophie chinoise et le libertarianisme. Selon lui, c'est plutôt le Taoïsme et non la philosphie de Confucius qui serait la plus près du libertarianisme.
http://mises.org/daily/1967
Rédigé par : Steven | 22 janvier 2010 à 13h32
@Steven:
"Selon lui, c'est plutôt le Taoïsme et non la philosphie de Confucius"
Merci, c'est probablement le cas, Lao-Tseu - comme je vous l'ai dit je suis ignare en philosophie. Mais c'est bien de cet aspect de la culture Chinoise qu'intuitivement je voulais parler:
"Government, in sum, must be limited to the smallest possible minimum; "inaction" was the proper function of government, since only inaction can permit the individual to flourish and achieve happiness."
Je vois pas que la société indienne ait jamais été très réceptive à ce genre de principe, privilégiant au contraire un hiérarchie sociale complexe et corporatiste, ou chaque classe parasite celle du dessous, et est à son tour parasitée par la classe au-dessus.
Rédigé par : Pierre-Yves | 22 janvier 2010 à 14h57