par Pierre-Guy Veer
En novembre 2008, les Californiens ont adopté à une faible majorité la Proposition 8, qui définissait le mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme. Les mariages entre personnes de même sexe, qui n'étaient permis dans cet État que depuis quatre mois, redevenaient donc interdits. Le 4 août dernier, cet amendement à la constitution californienne a toutefois été jugé contraire à la constitution des États-Unis par un juge d'une cour fédérale. La cause est maintenant en appel.
Au début, je me réjouissais grandement de ce jugement rétablissant le droit au mariage entre homosexuels. L'égalité des gens ne doit pas être laissée aux caprices des électeurs. Imaginons un peu si, au lieu de donner une définition arbitraire du mariage, on avait décidé d'interdire les mariages interraciaux. Comme l'a dit Thomas Jefferson: tous les hommes naissent libres et égaux. Le renversement judiciaire de cette proposition est donc un pas vers l'égalité de tous.
Toutefois, avec le recul (et quelques lectures ici et là), je me suis questionné sur le mariage. Pourquoi l'État semble-t-il tellement intéressé à ce que deux personnes se marient?
Aux États-Unis, le système fiscal avantage indûment les couples mariés. Selon Wikipedia, pour l'année 2010, un couple marié remplissant une déclaration conjointe ou une personne veuve ont droit jusqu'au 3e palier d'imposition à deux fois plus d'exemptions de base que les couples qui font des déclarations séparées ou les personnes célibataires, et à 50 % plus de déductions que les heads of household (généralement mais pas exclusivement définis comme des chefs de famille monoparentale).
Au Canada, pour l'année fiscale 2009, on semblait s'intéresser plus à la vie de couple qu'au mariage, en permettant aux couples mariés ET à ceux vivant en «union libre» jusqu'à 9000 $ de déduction de base si l'un des conjoints ne travaille pas. Pas étonnant donc que d'autres personnes veuillent profiter de ce système.
Des tâches régaliennes et rien d'autre
En ce moment, le débat du mariage de conjoints de même sexe accapare trop d'attention. Chez les opposants, on utilise la dictature de la majorité (référendum) pour imposer sa vision. Chez les supporteurs, on utilise la voie politique (pour faire voter ses députés) ou judiciaire (pour contester la définition «traditionnelle» du mariage) pour faire triompher sa vision de la société. Tout cela alors que l'endettement public remonte à des niveaux alarmants...
Je lance donc une proposition audacieuse: l'État ne devrait plus reconnaître aucun mariage ni donner d'avantage fiscal aux couples. Ainsi, l'État pourrait davantage se concentrer sur ses vraies tâches, assainir ses finances et ne pas perdre de temps sur des choses aussi futiles. (En Saskatchewan par exemple, le gouvernement Wall tente d'adopter un projet de loi permettant à certains bureaucrates de ne pas accorder de licence de mariage si c'est contre leurs croyances...)
Le système judiciaire s'occuperait de choses vraiment importantes comme les violations au code criminel et les opposants au mariage de même sexe pourraient s'unir dans les Églises de leur choix, dont les pasteurs pourraient marier ou ne pas marier qui leur plaira.
Ne voyant plus d'avantage à recevoir une sanction de l'État, les gens en faveur du mariage de personnes de même sexe se tourneront vers les religions plus libérales ou fondront leur propre religion pour avoir une telle union. Ou ils vivront comme conjoints de fait et préciseront dans leur testament qui hérite de quoi.
Et les personnes voulant s'unir à plus d'une personne pourront le faire aussi. Si l'État n'a effectivement pas sa place dans la chambre à coucher de la nation (dixit Pierre Trudeau), alors ce dernier n'a pas à criminaliser le fait que trois personnes consentantes ou plus puissent s'entendent pour partager leur vie, ce qui est interdit en ce moment au Canada.
Bref, tout le monde serait sur un pied d'égalité, heureux ou malheureux. Chacun vivrait selon ses croyances. Et personne n'envierait son prochain à cause d'avantages fiscaux arbitrairement obtenus.
Note : J'attire l'attention sur le mot consentant, mis en italique, pour éviter que certaines personnes pensent que je supporte la zoophilie ou la pédophilie.
Pierre-Guy Veer est journaliste à l'hebdomadaire fransaskois l'Eau vive, en Saskatchewan.
@ Pascal Denault,
"Que pensez-vous de l'homoparentalité ?"
Je suis homosexuel et pourtant (pour répondre aussi à Pierre-Yves), je suis mal à l'aise avec la notion d'homoparentalité (tout comme avec le concept absurde à mon avis de mariage gai).
Le billet de Gilles sur les garçons à l'école discute abondamment des problèmes causés par l'absence de modèle masculin à l'école et le fait que l'école est féminisée et mal adaptée pour les garçons. Comment peut-on alors penser que grandir avec deux femmes ou deux hommes (dont l'un n'est forcément pas son parent biologique) encouragera un développement psychologique équilibrée? Un enfant devrait idéalement grandir avec ses deux parents biologiques.
Cela dit, même si je partage en partie le point de vue des conservateurs, je ne partage évidemment pas leur fixation sur les dangers de l'homosexualité, ni leur désir d'imposer leur point de vue à tous.
1. Par la force des choses, les cas d'homoparentalité seront toujours extrêmement marginaux, non seulement parce que les homosexuels sont une petite minorité, mais parce que très peu d'entre eux souhaitent être parents.
2. Les conservateurs capotent sur l'homoparentalité alors que la monoparentalité est mille fois plus répandue et a des effets pervers infiniment plus considérables. Les gays et lesbiennes qui veulent élever un enfant sont en général beaucoup mieux préparés à le faire et à maintenir un environnement aimant et stable que le sont ces très nombreuses femmes seules, très souvent pauvres, qui sont dépassées par leur statut de mère monoparentale. Sans compter celles (et j'en connais personnellement plusieurs) qui font des enfants de pères différents et dont les enfants sont trimballés d'un faux père à un autre. Les très nombreux enfants issus de ces "familles" ont bien plus de chance de devenir des mésadaptés sociaux (des garçons qui ne réussissent pas à l'école notamment et qui ont des troubles de comportement) que les enfants de couples homosexuels.
3. De toute façon, comme dans le cas du mariage de même sexe, l'État ne devrait rien avoir à faire là-dedans. Ce sont des lois et interventions étatiques qui ont encouragé la destruction graduelle de l'institution traditionnelle du mariage depuis 40 ans. Les conservateurs avec leurs penchants autoritaires pensent malgré tout que c'est le contrôle étatique qui est la solution. On ne va quand même pas empêcher à un père ou une mère qui a la garde de ses enfants d'aller vivre avec quelqu'un de même sexe après avoir découvert qu'il ou est est homosexuel. Quant à l'adoption, ça devrait être un service privé plutôt que contrôlé par l'État, et il n'y aurait pas ces débats inutiles sur le mariage gai et l'homoparentalité (comme dans l'article que vous proposez). C'est encore un cas de faux débat qui n'existe que parce que l'État a nationalisé l'activité en question.
Rédigé par : Martin Masse | 02 septembre 2010 à 17h18
Pour compléter ce que Martin dit, effectivement un enfant a besoin de modèle féminin et masculin pour se développer. L'homoparentalité ne doit pas être réprimée mais de dire qu'elle ne constitue pas un risque est complètement stupide. Dans un lift Qc-Mtl, j'ai rencontré une femme qui avait été mère porteuse pour un couple gay de la R-S de MTL. D'après elle, ils sont d'excellents parents et ont adopté beaucoup d'enfant (ou eu des mère porteuse). Si je me souviens bien, ils en avaient entre 6 et 10.
Le développement peut être sans problème si les deux "parents" ne se ferment pas les yeux et encouragent un développement sain. Par exemple si nous avons deux personnes qui sont très protectrice et maternante, l'enfant développera un attachement ambivalent qui hypothéquera son développement social. Remarquez que le problème peut survenir dans un couple hétéro aussi, si l'homme par exemple ne prend pas la moindre décision. Il est très difficile de réprimer les désirs de protection d'une femme et vous n'arriverez pas à changer son attitude mais les comportements d'aventure des hommes sont facilement détruit pour faire place à plus de sécurité.
Le sujet des familles monoparentales est en effet beaucoup plus problématique, comme Martin le mentionne, les gay forment à peine 10% de la population et probablement la même proportion de ceux-ci veulent avoir des enfants. De faire une campagne contre l'homoparentalité serait largement éxagéré.
En gros c'est une cible très insignifiante.
Rédigé par : Kevin | 02 septembre 2010 à 18h01
@Martin Masse:
"Les conservateurs capotent sur l'homoparentalité alors que la monoparentalité est mille fois plus répandue et a des effets pervers infiniment plus considérables."
Exactement, je n'ai pas développé parce que j'étais au bureau mais ça crève les yeux comme le nez au milieu de la figure. J'ai connu des floppées d'enfants perturbés par une éducation "monoparentale" - à 99% des cas, par la mère. Mais attention: le problème n'était pas tant la monoparentalité elle-même, que l'incapacité pour des raisons ancillaires (ex. rancune envers l'ex., ou lavage de cerveau féministe) de faire entrer dans la vie de l'enfant des modèles masculins positif.
Considérations similaires pour l'homoparentalité: c'est vrai, peu d'homos souhaitent élever des enfants, c'est même un des principaux avantages de l'homosexualité que le faible risque de se faire emmm....der avec ça (essayer donc d'expliquer à votre blonde nullipare de 38 balais que vous ne voulez pas de môme). Mais il y'en a, des gays, même si c'est une minorité, qui en veulent des enfants. Et pour ce que j'en ai vu ils font souvent de meilleurs parents que la plupart des monoparentales aigries que j'ai connu (il y'a d'ailleurs une théorie évolutioniste là-dessus: la proportion d'individus homsexuels aurait tendance à augmenter en situation de surpopulation afin de rendre davantage de nullipares disponibles pour s'occuper des jeunes en surplus).
D'ou ma boutade: c'est quoi le problème, parce que je n'en vois pas vraiment. De la même façon d'ailleurs je ne vois pas de problème avec la monoparentalité assumée et choisie sereinement (e.g. par fécondation in-vitro).
En ce qui concerne le mariage, gay ou pas, je me suis exprimé là dessus il y'a quelques jours ici même: pas ma tasse de thé, mais aucune raison de s'ingérer dans la décision des gens quelque soit leur sexe. Et aucune raison non plus, à partir du moment ou l'État légitime le mariage gai, de ne pas AUSSI légitimer des pratiques conjugo-familiales plus marginales mais néanmoins bien établies comme la polygynie ou la polyandrie.
Rédigé par : Pierre-Yves | 02 septembre 2010 à 18h43
Ah, je voulais aussi mentionner que si on veut espérer réduire la taille de l'État de façon substantielle, et bien il va falloir se mettre dans la tête que ce n'est pas le rôle de ce dernier d'avoir aucune opinion que ce soit sur le mariage, la discrimiation positive ou négative, l'équilibre alimentaire des écoliers, ou l'ingéniérie sociale des immigrants. On peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Tant qu'a moi, avoir une police, une justice et une armée efficaces, ça serait déja pas mal, mais on a même pas ça!
Rédigé par : Pierre-Yves | 02 septembre 2010 à 19h21