par Gilles Guénette
Le Québec est l'un des rares endroits dans le monde où l'on fait l'élevage du veau de lait. Mais c'est un élevage déficitaire qui n'existerait pas sans le soutien de l'État. Ce soutien est effectué par l’entremise de la Financière agricole, un organisme gouvernemental défini comme «le joueur le plus important du financement agricole au Québec». Il est notamment responsable du Programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (l’ASRA), un programme qui permet de maintenir le revenu des producteurs si le prix du marché s’effondre. Par exemple, en 22 ans, la production de veau de lait a coûté plus de 360 millions de dollars en compensations.
Dimanche dernier à La semaine verte sur les ondes de Radio-Canada, on a pu voir les résultats d’une enquête des plus révélatrices sur la production du veau de lait. À l’origine de l’enquête, on retrouve deux producteurs maintenant indépendants qui affirment que deux entreprises avec qui ils ont déjà fait affaire, et qui à elles seules contrôlent l’ensemble de la chaîne de production au Québec, gonflent leurs dépenses, donc leur déficit, pour obtenir davantage d'argent de l'État – quand les coûts de production sont plus élevés que ce que l’animal rapporte, l’ASRA compense la différence (voir la première et la seconde partie du reportage).
André Lussier et Patrick St-Onge affirment avoir fait part de leurs préoccupations pendant plusieurs années aux inspecteurs de la Financière agricole qui étaient en charge de leur production, mais ces derniers ont préféré fermer les yeux – ils se sont bouché littéralement les oreilles quand les producteurs leur ont parlé de fraudes. Exaspéré de cette fin de non-recevoir, M. Lussier a envoyé une plainte écrite à la Financière agricole. Cette dernière a alors porté l’affaire devant la section des crimes économiques de la Sûreté du Québec. Résultat: après deux ans et demi d'enquête, aucune accusation n'est portée. La SQ se borne à dire qu'aucune intention criminelle n’a été démontrée.
Le milieu de l’agriculture au Québec étant ce qu’il est – hyper centralisé et contrôlé par quelques gros joueurs comme le ministère de l’Agriculture et l’Union des producteurs agricoles –, inutile de dire que MM. Lussier et St-Onge «risquent leur ferme» en dénonçant publiquement ces pratiques. Mais, comme le souligne l’un d’entre eux, «s'il n'y a jamais personne qui se tient debout et qu'il n'y a jamais personne qui sait ce qu'il se passe réellement dans la production, ou que c'est tout le temps caché, c'est sûr que ça n'avancera pas.»
L’enquête de La semaine verte fait ressortir trois choses: 1) des dirigeants d’organismes gouvernementaux (donc financés à même nos impôts) refusent délibérément de mettre fin à des fraudes commises par des entreprises en position de monopole; 2) ces refus nous coûtent plusieurs millions de dollars chaque année en compensations; et 3) en tant que contribuables et consommateurs, nous sommes doublement pénalisés: nous payons à même nos taxes pour que des entreprises qui gonflent leurs coûts soient dédommagées et nous payons plus cher nos produits lorsque nous faisons notre épicerie.
C’est à se demander si d’autres irrégularités sont délibérément ignorées de cette manière par des fonctionnaires en poste dans d’autres secteurs de la chaîne agricole pour aller chercher plus d’argent dans le fonds de l’ASRA et maintenir en place des marchés déficitaires…
Encore un bel exemple de corruption québécoise. On va finir par démontrer que Macleans avait raison.
Rédigé par : Gilles Laplante | 03 novembre 2010 à 11h23
Macleans AVAIT raison!
Rédigé par : Sébas | 03 novembre 2010 à 15h47
Ces deux gars sont courageux ; ils risquent manifestement gros.
Pourquoi n'entend pas plus souvent de tels témoignages ? Comment se fait-il que cela ne soulève pas l'indignation dans toute la province ? Il y a eu des gros titres à n'en plus finir dans les journaux il y a deux ou trois ans quand on a découvert que je ne sais plus quel politicien d'Outremont avait consommé avec ses copains quelques milliers de $ de bouteilles d'alcool aux frais de la mairie (choquant certes, mais bon ...), mais un gigantesque scandale coûtant des millions aux contribuables / consommateurs ne semble pas fait grand bruit. Que se passe-t-il ?
Rédigé par : Marianne | 03 novembre 2010 à 20h00
@ Marianne:
"Pourquoi n'entend pas plus souvent de tels témoignages ?"
Parce que:
"ils risquent manifestement gros."
p.s.
Personnellement, j'ai payé "le prix" pour toutes mes dénonciations...
Mais je m'en fou, de toute façon la vie est courte, et j'aime mieux la vivre de façon intègre. ;-)
Rédigé par : Sébas | 03 novembre 2010 à 20h52
Je suis la fille d'un des deux éleveurs mentionnés dans l'article. J'ai créer un groupe sur Facebook qui regroupe tous les articles et reportages relatifs à cette affaire. J'ai créer ce groupe pour réveiller le plus de monde possible sur ce scandale qui semble malheureusement passé inaperçu. Je vous suggère de parler de cette fraude au plus de monde possible, car le bouche à oreille reste le moyen le plus efficace pour faire changer les choses...
Lien pour rejoindre le groupe: http://www.facebook.com/home.php?sk=group_171879316157247&ap=1
Rédigé par : Alexandra Lussier | 03 novembre 2010 à 22h59
@ Mariane
Je me suis passé ces mêmes réflexions en voyant le reportage: ces gars sont courageux et comment se fait-il qu'une telle affaire ne fait pas la une des bulletins de nouvelles?! Les grands diffuseurs préfèrent parler du dernier procès pour meurtre d'un plouc ou de la femme qui a accouché dans son bain, etc., etc.
@ Alexandra
Bravo pour l'initiative, j'y vais de ce pas!
Rédigé par : Gilles Guénette | 04 novembre 2010 à 06h36
Je "pompais" fort lorsque j'ai vu le reportage.
Je savais que le monde agricole était ultra-subventionné mais de là à imaginer qu'on me flouait à ce point...
Et le pire, c'est que les coupables semblent s'en tirer à très...très bon compte.
Si nos autorités locales continuent à se fouiller dans le nez et à ne rien faire, peut-on intenter un recours collectif ou agir autrement contre ces voleurs?
Rédigé par : François 1 | 05 novembre 2010 à 14h25
Patrick,
Je suis très fière de toi. Quel courage. Quelle intégrité.... je te souhaite force, soutien et, pourquoi pas?... prospérité, dans toutes tes belles entreprises.
Ta vieille prof
Rédigé par : Ingrid Gagnon | 05 novembre 2010 à 22h02
Bonsoir à vous. Et oui, moi je suis le frère d'André (pas le frère André là) et l'oncle d'Alexandra, l'instigatrice du groupe facebook http://www.facebook.com/home.php?sk=group_171879316157247&ap=1
Ça fait chaud au coeur de lire vos commentaires d'appui à André et Patrick.
Continuez votre lutte! Dans la vérité nous trouverons la liberté!
Bertrand Lussier
Rédigé par : Bertrand Lussier | 12 novembre 2010 à 00h18
Ce qui est vrai pour le veau de lait , c'est aussi vrai pour le veau de grain, également pour le cochon.....etc.
L'an dernier notre ti-gouvernement a versé comme ça d'un coup 1 milliard pour éponger le déficit de La Financière (L'ASRA). C'est passé comme une lettre à la poste, sans que personne ne sourcille!!
On fait grand cas, voire des gorges chaudes, à propos de supposée collusion du gouvernement avec le milieu de la construction....Pourtant la plus grande collusion c'est celle qui existe entre le même gouvernement et le monde agricole.
Rares sont les secteurs économiques qui ont leur propre ministre qui est convoqué pour rendre des comptes....comme cela ce passe lors de la grand-messe annuelle... de l'UPA!!
Normand Brisebois
Rédigé par : Normand Brisebois | 15 novembre 2010 à 15h22