par Michel Kelly-Gagnon
(Note: Cet article fait suite aux prédictions de Michel Kelly-Gagnon pour les années 2019, 2022 et 2032-2034. M. Kelly-Gagnon est président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.)
Mars 2024: L’Assemblée nationale adopte la Loi sur l’exercice responsable de la liberté d’opinion.
Son préambule stipule: «L’Assemblée nationale reconnaît solennellement l’importance de la liberté d’expression et s’engage à la maintenir.
Toutefois, la liberté d’expression doit s’exercer de façon responsable et raisonnable.»
Plus loin, le texte de loi précise:
«Sera présumée comme étant un exercice irresponsable ou déraisonnable de la liberté d’expression, et passibles de peines pouvant aller jusqu’à 10M$ de Ti-Poils (NDRL: Un Ti-Poil de 2024 vaut 1 cenne en dollars canadiens de 2011) ou de 30 jours de prison, toute affirmation identifiée comme telle par le conseil des ministres.
Plus particulièrement, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, seront considérées comme irresponsables ou déraisonnables les affirmations suivantes:
- Le réchauffement climatique provoqué par l’humain n’est peut-être pas réel, ou, à tout le moins, les humains pourront s’y adapter sans trop de problèmes;
- Stéphane Gendron, le fondateur du Québec indépendant, souffrait de troubles de personnalité;
- Steven Guilbeault est mort en survolant les Maldives alors qu’il était en vacances, et non pas alors qu’il tentait courageusement de sauver la planète Terre;
- (…)»
Et s’en suit une liste de 29 affirmations.
Un chroniqueur au Journal de Montréal écrit: «C’est une loi complètement capotée».
L’éditorial de La Presse note pour sa part: «Cette loi comporte du bon et du moins bon. Mais l’on regrette son caractère trop vague. De plus, le préavis de mise en vigueur s’est limité à 90 jours plutôt qu’aux 180 jours usuels. Cela constitue un délai nettement insuffisant pour permettre à tous de s’adapter.»
L’éditorial du Devoir réagit ainsi: «Nier le réchauffement climatique équivaut à nier l’Holocauste. Par conséquent, cette loi constitue un pas dans la bonne direction afin de mettre un terme à la pensée de droite qui pollue depuis trop longtemps l’atmosphère intellectuelle du Québec.»
Avril 2024: La monnaie du Québec indépendant, le Ti-Poil, connaît une crise de confiance sur les marchés monétaires et chute de plus de 21% en quelques jours à peine. Mais le ministre des Finances, François Saillant, et le premier ministre, Michel Kelly-Gagnon, convoquent une conférence de presse à l’occasion de laquelle ils annoncent que: «afin de prouver au monde entier notre confiance dans la valeur du Ti-Poil, la Banque centrale du Québec va en imprimer 8 milliards additionnels au cours des prochains mois, le tout selon la stratégie éprouvée du Grand Timonier Obama».
Mai 2024: L’Institut économique de Montréal produit une étude affirmant que le fait d’imprimer davantage de Ti-Poils aura, au contraire, pour effet de diminuer la valeur de la monnaie québécoise.
Le ministre Saillant réplique qu’il s’agit là d’une «analyse totalement néolibérale et sans fondement aucun. La loi de l’offre et de la demande est un concept dépassé digne du 19e siècle».
Juin 2024: Un jeune homme complètement ivre dénommé Frédérick-Jonathan Hamel-Tremblay se dandine sur le parapet du toit de la Place Ville-Marie en criant «Kabonga! Kabonga!» Ses amis, complètement hilares, le filment grâce à leurs téléphones intelligents qui sont connectés directement sur le site de youtube4D.com Mais voilà que le pauvre finit par perdre pied, tout en continuant de crier Kabonga! Kabonga! tout au long de sa chute, au bout de laquelle il est complètement écrabouillé.
La vidéo devient un succès instantané et se répand sur Internet comme une traînée de poudre.
Monsieur Jacques Hamel, le père de Frédérick-Jonathan, déclare: «Pour avoir refusé de rehausser adéquatement la hauteur du parapet de son immeuble, je considère que les gestionnaires de la Place Ville-Marie sont les véritables responsables de la mort de mon fils.»
Plusieurs autres jeunes gens âgés entre 16 et 21 ans tentent, de diverses manières, d’imiter le jeune homme. Ce faisant, la majorité d’entre eux décèdent ou se blessent grièvement.
La pratique devient rapidement connue sous le nom de «Défi du Kabonga!»
Entre autres, Geneviève-Marie Lachapelle-Durango, se jette depuis un avion Cessna en tentant de faire un bungee-jumping de type «Kabonga», mais sa vertèbre cervicale se rompt sur le coup.
Madame Francine Durango, la mère de Geneviève-Marie, déclare: «Comment se fait-il que les propriétaires de l’aéroport (un aéroport privé, faut-il le préciser) ont laissé faire une telle chose? C’était leur obligation de protéger ma fille!»
Le jeune Hubert-François Gagnon-Rivard tente quant à lui de passer un chalumeau juste au dessus d’une pompe à essence en activité. Il meurt brûlé vif. Ses amis le filment alors qu’il est par terre, le corps calciné. On l’entend murmurer «Ayoye, ça fait donc ben mal!» Puis, avant de rendre l’âme, il trouve la force de crier «Kabonga! Kabonga! J’ai gagné le défi Kabonga!»
Suite au drame, ses parents déclarent: «Notre fils est une victime directe des grosses pétrolières et de leur course effrénée vers les profits excessifs. Quand donc mettrons-nous l’Humain avant l’Argent?»
Un éditorialiste du Devoir écrit: «Qu’ont en commun Frédérick-Jonathan, Geneviève-Marie et Hubert-François? Ils sont la résultante d’une génération sacrifiée sur l’autel du capitalisme sauvage. Ils sont le fruit d’une société où le Citoyen n’est en fait qu’un individu atomisé et déraciné de sa culture et de sa langue.»
Un éditorialiste de La Presse écrit pour sa part: «Certains affirment qu’il faudrait ici appliquer le principe de responsabilité individuelle et arrêter de blâmer la société dans son ensemble en ce qui a trait à la pratique du Défi Kabonga. Cela est vrai, jusqu’à un certain point, mais il ne faut pas oublier non plus la responsabilité sociale des entreprises dans toute cette affaire. Qui plus est, le gouvernement, par son inaction, cautionne en quelque sorte indirectement cette hécatombe qui sévit actuellement parmi la jeunesse québécoise. Il nous faut sans autre délai une politique nationale du Kabonga ambitieuse mais raisonnable qui devra tenir compte de l’état déplorable de nos finances publiques.»
Un chroniqueur du Journal de Montréal écrit quant à lui: «Kelly-Gagnon est un gros jambon qui se pogne le bacon, soit, mais ça n’empêche pas que les jeunes qui pratiquent le Défi Kabonga sont des parfaits morons.»
Pas moins de 4 autres jeunes périssent dans des circonstances similaires en à peine quelques semaines.
Août 2024: Sous la pression populaire grandissante, le gouvernement du Québec annonce une politique nationale relative au Défi Kabonga ainsi que la création d’une agence spéciale autonome afin de stopper cet inquiétant phénomène.
Une campagne de publicité (financée en partenariat public-privé) s’en suit et a comme porte-parole un populaire groupe de jeunes rappeurs québécois constitué d’une jeune femme en burka, d’un asiatique obèse en chaise roulante et d’un jeune noir vêtu d’un short moulant et d’un T-shirt portant la mention «Bi, but not confused».
La pièce maîtresse de la campagne est une annonce chantée dont voici quelques extraits: «Watch out quand tu fais ton Défi Kabonga!
Allumer un chalumeau pendant que tu mets de l’essence… C’est dangereux!
Faire du bungee-jumping en te jetant en bas d’un avion… C’est dangereux!
Yo man! Choisit la vie! Fais ton Défi Kabonga de façon sécuritaire!»
Puis, à la fin de la publicité, une voix rassurante dit «Si tu as besoin d’aide, téléphone au: 1-800-kabonga. C’est gratuit! On peut t’aider!»
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.