par Pierre-Guy Veer
Le Lorax, le plus récent film d'Illumination Entertainment, est basé sur une histoire du Dr. Seuss (The Grinch Who Stole Christmas, notamment). N'ayant pas lu l'histoire originale, je ne saurais dire si l'adaptation est fidèle. Mais une chose est sûre: les producteurs du film ont voulu faire passer le message (pas subtil du tout) que, laissé à lui-même, le capitalisme amène la destruction, la pollution et la misère. Et pourtant, pour qui possède un esprit perspicace, le film montre exactement le contraire...
Le film commence avec un numéro musical où les personnages de Thneedville chantent leur joie de vivre dans une ville qui n'a pas d'arbre vivants ni d'animaux sauvages. Tout est fait de plastique et les gens consomment de l'air en bouteille, gracieuseté de la compagnie O'Hare.
Ted, un adolescent ordinaire, tente de gagner le coeur d'Audrey, une fille qui rêve, plus que tout au monde, de posséder un vrai arbre. Alors commence sa quête, qui l'emmènera hors de la ville, là ou tout est désolation et air irrespirable. Il rencontrera Once-ler - dont la plaque d'immatriculation se lit presque comme «Oiler» -, homme qui, de son propre aveu, est responsable de la destruction de l'environnement autour de Thneedville. Celui-ci racontera alors son histoire: il voulait vendre son Thneed, espèce de morceau de tissu très polyvalent, fait à partir des feuilles des arbres (qui ressemble à de la barbe à papa). Mais dès qu'il a coupé un arbre, le Lorax, esprit de la forêt, a tout fait ce qu'il pouvait pour l'empêcher de «détruire» la forêt où vivent tous les animaux.
Ça fonctionne pour un temps... jusqu'à ce que la famille de Once-ler, au très fort accent du Sud, arrive et commence la production en série du Thneed - elle qui ne croyait pas du tout aux chances de Once-ler. Ainsi commence la destruction de la forêt et l'enrichissement de Once-ler. «How bad can it be?» chante-t-il jusqu'à ce que le dernier arbre soit rasé...
Les clichés anticapitalistes de ce film sont presque innombrables. Outre ceux énumérés dans le résumé du film, notons - et je ne me concentrerai que sur trois - celui qui concerne O'Hare, le président de la compagnie d'embouteillage d'air.
Au début du film, deux employés de sa compagnie lui suggèrent de construire une nouvelle usine hyper polluante, ce qui fera ainsi grimper son chiffre d'affaire. En prenant connaissance des escapades de Ted, O'Hare l'avertit sévèrement de ne pas sortir de la ville. Quand il apprend que Ted a en sa possession la dernière graine d'arbre, il s'acharne à la capturer. Après tout, les arbres sont mauvais pour les affaires parce qu'ils produisent de l'air pur gratuit.
Il y a également la famille de Once-ler, un ramassis de tous les clichés imaginables sur les gens du Sud des États-Unis: accent rural, manières primitives et surtout dédain de l'éducation et de l'avancement. Elle croit que Once-ler sera incapable de vendre son Thneed et se moque abondamment de lui lorsqu'il part à l'aventure. Mais dès qu'elle apprend que le produit est un succès, elle se précipite, avec sa maison mobile, auprès de Once-ler pour partir sa compagnie. Évidemment, parce que c'est une famille sudiste ignare, elle va complètement raser la forêt, pour ensuite renier Once-ler parce qu'il a fait faillite.
Enfin, le Lorax représente le fantasme par excellence des écologistes: c'est l'esprit de la forêt, le défenseur des animaux et le protecteur de l'air pur. Il apparaît magiquement quand Once-ler coupe le premier arbre de la forêt, tentant de l'empêcher de poursuivre sa «destruction». Il tente même de noyer Once-ler en déposant son lit dans la rivière pour qu'il parte à la dérive. Mais comme un des animaux était sur le lit, Once-ler sera sauvé, probablement à son grand regret.
Le vrai capitalisme est écologique
Les libertariens auront vite compris que Le Lorax montre clairement ce qui se produit quand les règles fondamentales du capitalisme - propriété privée, investissement à long terme, non-intervention du gouvernement dans l'économie - ne sont pas respectées. Pour les autres, laissez-moi vous exposer sa vraie nature...
Quand Once-ler arrive dans la forêt, personne n'en est légalement propriétaire. Oui, les animaux sont très mignons, mais dans la vraie vie, ils n'ont pas de droits de propriété. Si Once-ler était devenu le propriétaire légal de cette terre, alors il aurait (fort probablement) tout fait pour utiliser les arbres intelligemment. Après tout, ce qui fait le succès du capitalisme, c'est l'investissement, PAS la consommation. D'ailleurs, l'investissement (privé) explique presque, à lui seul, pourquoi «l'Occident» (Europe, É.-U., Canada, Australie, etc.) était jusqu'à récemment tellement plus riche que le reste du monde[1].
Le comportement de Once-ler n'a donc rien à voir avec le capitalisme. Au contraire, on pourrait dire que ce type de comportement est encouragé dans notre monde interventionniste. Un très bel exemple est le sort de la Seigneurie du Triton dans le Nord du Québec. Sous pression populaire, le gouvernement Charest avait décidé, en 2005, de déclarer cette zone aire protégée, empêchant ainsi toute exploitation forestière, même de la part de compagnie qui s'y trouvaient déjà. Naturellement, se sachant évincées sous peu, les compagnies présentes ont rationnellement cherché à maximiser leurs profits... en coupant à blanc. La moralité de cette action est discutable, mais elle facilement compréhensible: puisque la propriété sera publique, à quoi bon préserver les arbres pour le futur?
Le même concept s'applique pour la pollution. Si c'est une plaie dans notre monde moderne, c'est que l'air, le sol et l'eau appartiennent à tous, et donc à personne. Derrière le Rideau de fer des régimes communistes, là où les lois économiques étaient presque toutes ignorées, la pollution était effarante, certaines forêts sont devenues irrécupérables et beaucoup de gens en mouraient prématurément. Si des droits de propriété privée avaient été appliqués sur ces territoires, ces problèmes n'auraient probablement jamais existé.
Dans les années 1950, Hooker, une compagnie de produits chimiques dans l'État de New York, avait en sa possession un canal dans lequel elle déversait ses déchets. Il était très bien construit et aucune fuite n'a été rapportée. C'était tout à son avantage, sinon elle aurait dû dédommager ses victimes pour la pollution causée. Mais dès que le gouvernement local a décidé d'acheter des terrains en bordure dudit canal, les problèmes ont commencé: désintégration de la structure du canal, fuites, construction en bordure du canal... Comme le secteur public n'est généralement responsable de rien, nul besoin de dire que la compagnie a reçu tout le blâme.
C'est donc ce qui peut expliquer le je-m'en-foutisme de O'Hare quant à la pollution engendrée par ses activités. Comme il n'y a pas de propriété de l'air ou de l'eau, il s'en fiche; il en profite même. Et son comportement face aux arbres - ils offrent une concurrence «déloyale» quant à la production d'air pur - n'est pas sans rappeler la pétition des marchands de chandelles présentée par Frédéric Bastiat. Tout comme O'Hare, ils protestaient contre la concurrence déloyale... du soleil et exigeaient des pouvoirs publics que l'on bloque toutes les fenêtres afin de faire augmenter les affaires. Force est de constater que O'Hare, lui, a eu gain de cause, ce qui aurait été impossible dans un libre marché. En effet, la majorité des gens seraient porté à vouloir profiter d'air pur gratuit produit par les arbres.
En conclusion, malgré ses qualités techniques évidentes, Le Lorax n'est qu'un vulgaire film de propagande écologiste qui fait fi d'à peu près toute la logique économique. Et comme il s'adresse principalement aux enfants, je conseille fortement aux parents libertariens de bien expliquer à leurs rejetons que ce film montre ce qui se passe quand on ne respecte PAS l'esprit du capitalisme.
1. Mises, Ludwig Von. Marxism Unmasked: From Delusion to Destruction, Foundation for Economic Education, Irvington-on-Hudson, NY, 2006.
Petite correction: Le film a été fait par Illumination Entertainment (Despicable Me) et non pas par Pixar (Wall-E, Up, Cars).
Ça n'a pas vraiment rapport, mais le film animé des années 70 basé sur le Lorax est bien meilleur, même s'il a le même thème environnementaliste. Il dure à peine 30 minutes, et pourtant il explore des problèmes de la pensée environnementaliste que le nouveau film ne mentionne même pas. Par exemple, dans le film animé, quand le Lorax demande d'arrêter de couper les arbres, le Once-ler argumente avec le Lorax que ses usines créent des milliers d'emplois. Le Lorax admet que c'est un bon point et qu'il n'a pas la réponse idéale.
Rédigé par : JeffBergeron | 13 mars 2012 à 10h58
Merci Jeff! La correction a été apportée.
Rédigé par : Gilles Guénette | 13 mars 2012 à 11h56
L'histoire du Love Canal publié par Reason Magazine en 1981.
http://reason.com/archives/1981/02/01/love-canal/1
Rédigé par : Steven | 14 mars 2012 à 13h27
Ce n'est pas le premier, ni le dernier film de propagande:
http://crioux.wordpress.com/2011/08/28/the-day-the-earth-stood-still/
Rédigé par : Chrisitan Rioux | 16 mars 2012 à 08h49
@ Christian
J'ai le film chez moi et je l'aime bien mais... le message est tellement provocateur. C'est comme quand quelqu'un dit que
"l'homme, contrairement aux autres animaux, se comporte comme un virus. Au lieu de créer un équilibre avec la nature, il domine, infecte et se reproduit jusqu'à la mort de son environnement"
J'ai tellement juste envie de lui dire "fait ta part pis va donc te suicider"
Rédigé par : Kevin | 16 mars 2012 à 13h10
@Kevin:
"il domine, infecte et se reproduit jusqu'à la mort de son environnement"
Cette observation pourrait s'appliquer à n'importe quelle espèce vivante, donc c'est complètement vide de sens comme phrase. Laissez des lapins ou des lemmings se reproduire sans prédateurs et vous aboutirez à une catastrophe écologique. Juste le terme "infection" est chargé d'une connotation moraliste complètement arbitraire. Le fait est que, pour un virus, un organisme doté de matériel cellullaire complet ne représente rien d'autre qu'un territoire à coloniser. Le virus, s'il "pensait", ne se verrait pas comme agent d'infection, mais comme explorateur. Le fait que l'auteur de cette idiotie utilise des métaphores aussi creuses est en soi un témoignage de la futilité gâteuse de ses réflexions.
Rédigé par : Pierre-Yves | 16 mars 2012 à 18h20
"J'ai tellement juste envie de lui dire "fait ta part pis va donc te suicider""
Je seconde.
Vu sur Internet : If CO2 is so bad, why are you still breathing?
Rédigé par : Pierre-Guy Veer | 16 mars 2012 à 21h21
Je suis fasciné par le tendance qu'ont les libertariens à réintroduire sans cesse ce qu'ils détestent et dénoncent férocement : l'état.
Sans état, pas de propriété privée possible, pas de recours contre ceux qui ont décidé que ce qui était à toi devenait à eux parce qu'ils étaient mieux armés, plus forts, mieux organisés, etc.
Dès le 17ieme siècle, les états de nombreux pays souvent cités en exemple par les libertariens (l'Angleterre, entre-autres) se sont consacrés à défendre la propriété privée, contre des potentats locaux, contre des agresseurs extérieurs, etc. Pour accomplir cela, ils ont du lever des impôts, des taxes, etc.
Dans le Lorax, la propriété privée n'a pas de sens si aucune instance ne peut la défendre. On pourra bien sur me répondre par des théories fumeuses sorties de l'imagination débordante d'auteurs affectionnés par les libertariens, mais à mon sens ce genre d'arguments sont bien pires que ceux des "lologues" souvent dénoncés sur ce site.
Je ne dis pas que l'état doit prendre toute la place dans l'économie; visiblement c'est malsain. Mais il doit au moins être capable de défendre le marché par des investissements, de lois, etc.
Rédigé par : Christian | 02 avril 2012 à 22h12
@Christian
Vous confondez votre fascination pour une simple incompréhension.
L'existence de la propriété privée est simplement du au fait que la majorité trouve que c'est un concept bénéfique.
L'État est fondé sur le non respect de ce principe, alors je ne vois pas comment il peut en être l'origine.
Un peu comme l'association/dissociation libre dans les relations romantiques. Pas besoin de lois pour que celle-ci existe, on a simplement besoin de liberté.
Rédigé par : Francis Ducharme | 03 avril 2012 à 07h40
Francis, Comment créer cette liberté ?
Rédigé par : Sylvain | 08 avril 2012 à 16h39
@Christian
Les libertariens ne sont pas contre l'État, au contraire. L'État a des rôles essentiels à jouer, dont celui d'assurer le droit à la propriété privée.
Parce qu'effectivement, aucun État = aucune propriété privée possible (du moins en pratique, mais en théorie, on peut toujours déclarer qu'un bien nous appartient, sauf qu'aucune organisation n'existe afin d'en assurer la protection).
Rédigé par : Maxim Bernard | 20 avril 2012 à 22h33
Je suis nouvellement visiteur de ce blogue, j'ai lu quelques articles dont j'ai aimé la teneur, la justesse des arguments et les nuances.
Quelle fut ma déception en lisant cette chronique sur un film familial, avec des analogies un peu douteuses et plusieurs racourcis et surtout des commentaires au ton aggressif et peu respectueux de certains....("J'ai tellement juste envie de lui dire "fait ta part pis va donc te suicider"")
J'ose croire que ce ne sont que des cas isolés
Rédigé par : Maxime Lebreton | 24 avril 2012 à 16h45
Euh ... Eh bien moi, j'ai bien aimé le ""fait ta part pis va donc te suicider". C'est un bon résumé.
Quant au "film familial", celui-ci me semble chargé de messages assez agressifs.
Rédigé par : Marianne | 24 avril 2012 à 19h47