Pas de surprise, Philippe Martin a toujours été un écologiste ostentatoire. Au point de vouloir interdire les organismes génétiquement modifiés (OGM) dans son département du Gers par tous les moyens légaux à sa disposition, au point d'avoir voulu faire un référendum auprès de gens qui n'y connaissaient rien, alors qu'il est si simple de se documenter auprès de ceux qui savent, au point de recevoir avec égards José Bové qui a bâti sa célébrité sur la violence et le mépris des lois.
Mais pour qu'il n'y ait pas d'équivoque sur l'impartialité politique de cet article, notons que Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut aussi ministre de l'Écologie, mais sous Sarkozy, a défendu bec et ongles la même position. En France au moins, ce n'est donc pas une question de droite ou de gauche.
Statistiques génétiquement modifiées
Si l'on veut comprendre à quel point cette exception « culturale » est ridicule, il faut prendre conscience qu'il existait l'année dernière dans le monde 170 millions d'hectares cultivés en OGM. Plus de 17 millions d'agriculteurs en cultivent dans 28 pays dont les États-Unis, l'Inde, la Chine, le Brésil, etc. Même Cuba vient de s'y mettre. Alors, vous pensez peut-être qu'il s'agit d'une mode récente dont on n'a pas encore bien mesuré les dangers. Eh bien pas du tout!
Il y avait déjà plus de 100 millions d'hectares cultivés en OGM en 2007, dans 17 pays et par 8,5 millions d'agriculteurs! Du soja, du maïs, du colza, du coton et du riz sans compter les plantes thérapeutiques. Il y avait déjà 1,7 million d'hectares en 1996, il y a dix-sept ans. On peut donc dire que cette progression n'est pas récente et qu'on a eu tout le loisir d'en mesurer les effets. Or on n'a pas encore noté un seul cas d'intoxication ou de conséquence négative sur l'environnement.
Pour l'environnement, c'est le contraire. Ainsi le maïs BT(1) permet d'éliminer la pyrale et la sésamie, parasites très virulents, et de diminuer ou d'éliminer les traitements phytosanitaires, ce qui devrait enchanter les verts. L'utilisation de deux espèces de riz génétiquement modifiés en Chine a permis de réduire de 80% l'utilisation de pesticides, ce qui a eu aussi comme conséquence d'améliorer la santé des agriculteurs.
Pour ceux qui connaissent le sujet, comme en France les chercheurs de l'Institut national de recherche agronomique, il est clair aujourd'hui que les OGM représentent un immense espoir pour les pays pauvres. Ils permettent de lutter contre les maladies des plantes (responsables de la perte de 30% des récoltes) et de les améliorer de diverses façons: résistance aux maladies, aux herbicides, amélioration des qualités nutritives et du goût, adaptation aux sols salés ou alcalins, résistance au froid et aux courants d'air, détoxification des sols par captation de métaux lourds. Ils permettent aussi la production de molécules utilisables pour fabriquer des huiles, des détergents, des fibres, et même de l'insuline. Certaines plantes transgéniques, comme le riz doré, pourraient contribuer à réduire les graves déficits en vitamine A et en fer qui frappent un nombre considérable d'êtres humains.
Les semences OGM ont des rendements plus élevés, permettent une meilleure nutrition, sont plus résistantes aux insectes, aux parasites et aux maladies. Enfin, elles nécessitent moins d'eau et d'insecticides. De nouvelles variétés sont développées, qui croissent mieux dans des conditions de sécheresse ou dans des milieux très humides, et qui pourraient aider à fournir des vaccins et des éléments nutritifs antidiarrhéiques.
Les biotechnologies libèrent les paysans les plus pauvres des chaînes d'une nature potentiellement destructrice. Ils paient les semences plus cher, mais ils utilisent moins d'eau et d'insecticides, obtiennent de meilleurs rendements et gagnent plus d'argent. Les agriculteurs d'Afrique du Sud qui sont passés aux plants OGM en témoignent volontiers. Des agriculteurs comme Richard Sithole: « Avec l'ancienne variété de maïs, j'obtiens 100 sacs de céréales avec mes 15 hectares. Avec le maïs BT, j'en obtiens 1000. » Ou Thandi Myeni: « Avoir du coton BT signifie que je ne pulvérise mes champs avec des insecticides que deux fois par an, au lieu de six. À la fin de la journée, je sais que mes plants ne vont pas être détruits, que j'aurai une récolte et un salaire. »(2)
Quand Norman Borlaug, docteur en agriculture de l'Université du Minnesota né dans la campagne de l'Iowa, a reçu le Prix Nobel de la paix en 1970, le comité le lui décernant déclara que « ses travaux avaient permis de sauver environ un milliard de vies humaines ». Il a par la suite remporté la Médaille présidentielle de la liberté et la Médaille d'or du Congrès américain. Borlaug savait qu'il n'est pas possible de construire un monde pacifique avec des estomacs vides et de la misère humaine. En 2005, lors d'une conférence sur les biotechnologies parrainée par le Congrès pour l'égalité raciale aux Nations-Unies, il a déclaré qu'il ne voyait aucun moyen de nourrir la population mondiale à venir sans avoir recours à des céréales génétiquement modifiées. Et il en a fait la preuve quantitative.
Les cultures OGM sont plus rigoureusement réglementées et testées que n'importe quelles autres, bien que ceci ne soit plus, selon l'avis de nombreux scientifiques, nécessaire. Les Américains ont déjà mangé des millions de plats contenant des ingrédients OGM, sans que le moindre dommage n'ait été noté sur leur santé ou sur l'environnement, comme l'a noté Henry Miller, l'ancien directeur de la section des biotechnologies à la Food and Drug Administration.