par Gilles Guénette
Comme on l'a déjà vu dans les pages du QL, plusieurs études le confirment année après année: les Québécois sont les moins généreux au pays. Que ce soient l'Institut Fraser, Épisode, BMO Banque privée Harris ou Statistique Canada qui le disent, les résultats sont les mêmes: c'est au Québec que les organismes de charité reçoivent le moins d'argent. Le don annuel moyen au Québec est de 208 $ alors qu'il est plus du double (446 $) dans le reste du pays.
Et année après année, ils s'en trouvent pour tenter d'expliquer le phénomène en en amenuisant la portée. Par exemple, ce genre de calcul fait toujours sourire Yvan Comeau, titulaire de la Chaire sur la culture philanthropique de l'Université Laval, pouvait-on lire dans un article de La Presse publié au début de l'année. « On dit que les Québécois sont moins généreux. C'est vrai, mais ça s'explique », selon lui.
M. Comeau ne dit pas que l'écart s'explique en gros parce que les Québécois ne réclament pas de reçus d'impôt ‒ comme certains le prétendent depuis plusieurs des années ‒, mais plutôt parce que les Québécois donnent plus de temps que d'argent aux organismes de charité. Ce qui expliquerait l'écart entre les résidents de la Belle Province et ceux du reste du Canada, c'est que les premiers font plus de bénévolat et que ce bénévolat ne se retrouve pas dans les calculs statistiques qui se concentrent uniquement sur les sous.
Mais si les Québécois donnent plus de temps que d'argent, et que ce temps n'est pas pris en compte dans les statistiques, qui nous dit que les Canadiens des autres provinces ne font pas, eux aussi, la même chose? De même, si on prétend que les Québécois ne réclament pas nécessairement de reçus d'impôt lorsqu'ils font des dons en argent, qui nous dit que les Canadiens ne font pas pareil? Qui nous dit que l'écart entre la générosité des Québécois et celle des autres Canadiens n'est pas encore plus grand que celui qu'on nous présente année après années?
Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je reçois un reçu d'impôt d'un organisme à qui je donne, je ne me force pas pour ne pas l'inclure dans ma déclaration de revenus. Pourquoi le ferais-je? Lorsque je reçois un reçu, je le place dans la pile de documents à remettre à mon comptable à la fin de l'année et c'est tout. Les organismes à qui on donne remettent automatiquement des reçus d'impôt. Les Québécois qui ne se prévalent pas de leurs retours d'impôt ne sont pas plus vertueux que leurs voisins canadiens, ils sont tout simplement négligents ou désordonnés.
Bien sûr, on ne donne pas pour recevoir un retour d'impôt. À part quelques personnes très fortunées pour qui les dons sont une façon de réduire l'énorme ponction fiscale dont elles sont victimes, la plupart d'entre nous donnons parce que ça nous fait plaisir. Parce que nous voulons aider notre prochain. Parce que nous voulons contribuer à bâtir un monde meilleur. Mais à voir comment les Québécois sont prompts à recourir aux différents programmes gouvernementaux, et à en réclamer toujours plus, il est difficile de croire qu'ils se priveraient soudainement d'une entrée d'argent simplement par principe...
Toujours est-il que selon M. Comeau, qui était interviewé aussi dans The Gazette, « Comparativement au reste du Canada et de l'Amérique du Nord, les contributions à des causes religieuses sont en général plus petites au Québec; environ un quart de tous les dons seulement sont faits à une cause religieuse dans cette province, contre près de la moitié à l'échelle nationale. » Comment expliquer alors que les Québécois, s'ils donnent moins à des organismes religieux, ne se sont pas tournés vers d'autres causes? Un transfert n’aurait-il pas dû s’effectuer ici?