Mon ex-collègue Patrick Leblanc a signé aujourd'hui dans Cyberpresse ce billet sur le récipiendaire du Prix Nobel de littérature 2010. Nous le reproduisons avec sa permission. Patrick est diplômé de la London School of Economics et a dirigé les communications du Conseil du patronat du Québec (2007-2010) et de l'Institut économique de Montréal (2000-2006).
M.M.
Dans l'univers culturel québécois, être un «écrivain engagé» signifie nécessairement militer à gauche. L'attribution du prix Nobel de littérature 2010 à Mario Vargas Llosa provoquera donc sans doute quelques sourcillements. L'auteur péruvien est en effet un vigoureux défenseur du libéralisme politique et économique. Parmi ses oeuvres de fiction, La fête du bouc (Gallimard, 2002) a été largement citée comme exemple d'un ouvrage dénonçant les méfaits du pouvoir absolu. L'auteur y met en scène les derniers jours de la dictature de Rafael Trujillo en République dominicaine.
Moins connus, Les cahiers de don Rigoberto (Gallimard, 1998) mettent en scène un personnage explicitement libéral, voire libertarien, dont la pensée rejoint celle qui anime Vargas Llosa lui-même.
Ce Don Rigoberto, vendeur d'assurances le jour et écrivain la nuit, écrit notamment dans ses cahiers: «... tout mouvement qui prétendrait transcender (ou reléguer au second plan) le combat pour la souveraineté individuelle, en faisant passer d'abord les intérêts de l'élément collectif - classe, race, genre, nation, sexe, ethnie, Église, vice ou profession -, ressortirait à mes yeux à une conjuration pour brider encore davantage la liberté humaine déjà bien maltraitée.»
Sur le nationalisme plus spécifiquement, Vargas Llosa attribue cette tirade au même personnage: «Derrière le patriotisme et le nationalisme flamboie toujours la maligne fiction collectiviste de l'identité, barbelés ontologiques qui prétendent agglutiner en fraternité inébranlable les 'Péruviens', les 'Espagnols', les 'Français', les 'Chinois', etc. Vous et moi savons que ces catégories sont autant d'abjects mensonges qui jettent un manteau d'oubli sur des diversités et des incompatibilités multiples, prétendent abolir des siècles d'histoire et faire reculer la civilisation vers ces barbares temps antérieurs à la création de l'individualité, c'est-à-dire de la rationalité et de la liberté: trois choses inséparables, sachez-le.»