par Gabriel Lacoste
Il est courant de trouver parmi vous, l'élite cultivée québécoise, la croyance selon laquelle nous vivons depuis les années 1960 une ère de lumières qui en a suivi une de noirceur. Nos ancêtres avaient la foi; vous avez la science. Votre supposition a des ramifications politiques, car les décisions venant de votre État nous sont largement présentées comme résultant d'une étude réussie de nos vies. Cette aura d'omniscience contribue largement à stimuler notre obéissance à vos commandements.
Tout cela relève du mythe. Vous n'êtes jamais sortis de l'obscurité et c'est encore la foi qui vous guide. Vous n'avez pas troqué Jésus pour la science, mais vous vous êtes seulement converti à une autre religion: le culte d’une abstraction collective, le « peuple souverain ». L'Assemblée nationale est votre temple. Vous en êtes les fidèles. Quiconque s'oppose à son pouvoir en défendant l'idéal d'une société fondée sur des échanges volontaires se buttera inévitablement à votre culte, ainsi qu'à vos curés déguisés en experts. Votre combat contre notre liberté économique est fondamentalement religieux.
Origine de l'ordre
Les religions visent à expliquer l'ordre d'une réalité jugée trop complexe et trop bête pour fonctionner « toute seule ». Nos ancêtres avaient de la difficulté à concevoir qu'un ensemble de particules de matières dépourvus d'intelligence puisse produire spontanément de l'harmonie entre les êtres. C'est pourquoi ils ont supposé l'existence du divin. Forcément, une conscience supérieure doit être intervenue pour organiser le chaos et lui donner une forme aussi splendide.
Vous, membres de l'élite savante, avez largement cessé de croire que l'univers physique nécessite l'intervention d'une telle conscience. Vous avez donc l'air d'avoir laissé de côté le mode d'explication religieux. Cependant, vous n'avez jamais cessé de concevoir ainsi notre univers social. Vous justifiez la supervision politique de nos choix économiques comme nos ancêtres prouvaient l'existence de Dieu. Sans l'intervention d'une conscience collective supérieure incarnée dans votre Assemblée nationale, vos discours et vos manifestations, nos relations sombreraient dans le « tout est permis ». Notre égoïsme triompherait. Nos ressources se concentreraient entre les mains des plus forts. La pauvreté se répandrait avec son lot de tumultes. La Terre perdrait son équilibre. Votre peuple souverain, une entité collective supérieure consciente d'elle-même, intervient alors dans l'histoire et installe l'ordre dans notre univers jugé trop bête pour s'organiser « tout seul ». Il joue ainsi le rôle d'un Dieu.
Nous, les individus, pouvons défendre notre liberté économique en affirmant que votre conscience collective est une fiction qui a comme fonction de justifier le pouvoir que vous voulez exercer sur nous. Nier l'existence d'une telle entité revient à affirmer que nos interactions volontaires entre individus constituent en réalité le centre de gravité réel d'où émanent la raison, l'ordre et le progrès et qu'elles n'ont besoin d'aucune de vos représentations collectives « supérieures » pour fonctionner.
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