Sur les ondes de sa station satellite – on paie pour l'écouter –, il a ouvertement exposé son malaise à ce que ses enfants voient deux hommes ou deux femmes s'embrasser à la télévision, plaidant que ça devrait être diffusé après 22 h. Il pointe également du doigt certains homosexuels comme Jasmin Roy, président d'une fondation contre l'homophobie, qu'il accuse de jouer les victimes et qu'il qualifie de « lobby rose ». Il n'en fallait pas plus pour que le torrent de la rectitude politique (et des menaces de mort, semble-t-il) déferle de nouveau sur Fillion.
Est-ce que ces paroles étaient déplacées? Sans doute. Est-ce qu'elles montrent une certaine fermeture d'esprit? Peut-être. D'ailleurs, je semble avoir moi-même créé un certain malaise lors de mon passage dans ses studios, quand je lui ai révélé une partie « invisible » de moi-même. A-t-on le droit de rire de ses paroles? Certainement. Avait-il le droit de prononcer ces paroles? Absolument!
« Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez le dire », disait Voltaire. Combien de personnes sont mortes ou ont été torturées parce qu'elles ont osé parler contre le roi? Veut-on retourner à une époque où seuls les discours épurés et approuvés par le gouvernement peuvent être prononcés? Certains affirment que le Canada s'engage sur cette pente glissante, avec une décision récente de la Cour suprême au sujet d'un pasteur saskatchewannais et de ses dépliants jugés haineux. Cette rectitude ne peut mener qu'à une « bien-pensance » généralisée, pour reprendre les mots de Jacques Brassard.
Elle est encore très présente au Québec, cette bien-pensance, malgré la présence de voix « discordante » comme celles du RLQ et de sites comme Antagoniste ou Le Québécois libre. Pensons seulement à des chroniqueurs comme Richard Martineau et Sophie Durocher qui ont été crucifiés sur la place publique parce qu'ils ont osé s'opposer aux carrés rouges. Ou encore au mouvement de Radio X Écoeuré de payer, qui a rapidement trouvé un adversaire, Écoeuré de penser, venant de gens qui n'ont visiblement aucun problème à se faire piétiner leurs libertés et à se faire voler un pourcentage indécent de leur salaire en taxes et impôts (et dont le niveau d'éducation ne dépasse pas le primaire). Ou à ce « scandale » créé par le magazine Maclean's, qui osait qualifier le Québec de province la plus corrompue – chacun sait que toute critique contre le Québec est un crime de lèse-majesté –, une affirmation que la commission Charbonneau confirme de jour en jour. Ou à cet autre « scandale », dans lequel le député fédéral de Beauce Maxime Bernier a osé remettre en question l'utilité de la liberticide loi 101, ce qui lui a valu de nombreuses attaques et même une invitation au silence.
Non, je ne veux pas vivre dans une telle société. Accepter la liberté d'expression, c'est accepter les vues contraires au siennes, disait Noam Chomsky. Si on les refuse, alors la société stagne.